Burundi: les enquêteurs de l’ONU plaident pour la libération des prisonniers politiques et des journalistes
La commission d’enquête des Nations- Unies pour le Burundi a présenté un rapport oral au conseil onusien des droits de l’homme hier. Les trois commissaires ont rappelé que les violations des droits humains demeurent une préoccupation dans ce pays. Ils saluent la mise en place du nouveau régime mais demandent qu’il y ait des mesures concrètes témoignant du respect des droits humains . (SOS Médias Burundi)
La commission est à son troisième rapport annuel. Les trois enquêteurs de l’ONU plaident pour un maintien de la pression sur le Burundi et la prise des mesures concrètes de respect de droits de l’homme.
“Les cas de violation de droits humains et d’atteinte à la liberté doivent être réduits considérablement. Ensuite, c’est la lutte contre l’impunité et contre les auteurs de ces cas comme les Imbonerakure, les agents du service secret ou peut être les membres des groupes d’opposition. Le respect des libertés publiques doit être reconnu à tous ainsi que la libération des prisonniers politiques, des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme” a souligné mardi le président de cette commission Doudou Diène devant le conseil des droits de l’homme.
Selon ces enquêteurs, il faut plus qu’un nouveau président pour briser le cycle de la violence au Burundi.
Ces commissaires attendent du nouveau régime, une collaboration entre le Burundi et l’ONU.
“La commission interpelle le nouveau Président de la République à démontrer sa volonté du changement en coopérant pleinement avec les mécanismes internationaux des droits de l’homme, dont la COIB, ou en rouvrant le Bureau du Haut-Commissaire aux droits de l’homme au Burundi. Nous attendons que les autorités nous donnent accès pour recueillir leurs avis ainsi que ceux des autres instances nationales comme la commission nationale indépendante des droits de l’homme ( CNIDH) et les acteurs non étatiques internes justement sur le sujet du respect des droits humains”, a fait valoir M. Diène.
A cet égard, les enquêteurs onusiens affirment avoir pris note de la volonté d’ouverture des nouvelles autorités burundaises.
“Lors de son discours d’investiture du 18 juin, le nouveau Président, Évariste Ndayishimiye, a souligné la nécessité d’améliorer la situation des droits de l’homme et la lutte contre l’impunité dans le pays, ainsi que l’importance d’œuvrer à la réconciliation politique et au retour de tous les réfugiés burundais. Que ces paroles soient une réalité”, rappellent les enquêteurs.
Cependant, ils ont également souligné que les politiques du nouveau Président seront mises en œuvre par “un gouvernement composé essentiellement de caciques du régime du défunt Président Nkurunziza, dont certains sont sous le coup de sanctions des États-Unis et de l’Union Européenne en raison de leur implication dans de graves violations des droits de l’homme”.
Selon les enquêteurs onusiens, la communauté internationale ne doit pas relâcher la pression qu’elle exerce sur le gouvernement burundais.
Ils mettent donc en garde la communauté internationale contre “un relâchement prématuré” et une volonté “à tourner la page”, comme si une élection et une transition politique suffisaient “ à garantir automatiquement l’amélioration de la situation des droits de l’homme à l’avenir”.
Si la communauté internationale est réellement soucieuse de voir la situation des droits humains évoluer positivement au cours des prochains mois et années, insistent-ils, “elle doit rester vigilante car le système de gouvernance mis en place au profit du parti Cndd-Fdd reste en place”.
Et de rappeler à l’ONU que “l’entière et exclusive responsabilité sur les violations des droits de l’homme ne reposait pas seulement sur feu président Nkurunziza”, décédé en juin 2020.
Gitega sur la défensive
Plus largement, le Burundi a rejeté le rapport de cette commission.
“Le vrai mandat de cette commission est de tout faire pour faire changer le système de gouvernance au Burundi et d’un mécanisme avec un agenda géopolitique minutieusement et librement accompli au profit notamment de l’opposition politique burundaise” , a réagi l’Ambassadeur Rénovat Tabu, Représentant permanent du Burundi auprès de l’ONU à Genève.
Il ajoute que le contenu des rapports de cette Commission n’offre pas l’odeur et la qualité d’une expertise onusienne neutre.
“C’est pour cette raison que le Burundi réaffirme son refus de coopérer avec une telle Commission”, a déclaré M. Tabu.
Covid-19 prise au sérieux après des mois de déni
Par ailleurs, la Commission d’enquête s’est félicitée du fait qu’à la suite de la mort inopinée du Président Pierre Nkurunziza le 8 juin dernier, le nouveau Président burundais a décidé de “s’attaquer sérieusement à la pandémie de Covid-19, après des mois de déni”.
“Le Burundi était en effet un des seuls pays au monde où, malgré la présence de cas avérés de la Covid-19, n’a été règlementé ni l’accès aux lieux de réunion tels que les églises, les bars et les restaurants, ni interdit les grands rassemblements sportifs et politiques”, a indiqué Doudou Diène devant le Conseil des droits de l’homme.
Il a donc noté avec satisfaction que depuis le décès du Président Nkurunziza, les autorités burundaises semblent avoir plus pris “conscience des risques sanitaires” posés par la pandémie “ne serait-ce que par l’abandon du message selon lequel le Burundi serait protégé par la grâce divine”.
“Nous espérons que les autorités prendront, en coopération avec l’OMS, toutes les mesures nécessaires pour enrayer la propagation du coronavirus et seront transparentes quant à la situation de la pandémie dans le pays qui fait l’objet de spéculations”, a conclu M. Diène.
En réponse à ce tableau de la pandémie décrit par les enquêteurs onusiens, le Burundi a, de son côté, invité la Commission “à se garder de politiser et dramatiser la situation”.
“Par ailleurs, le sadisme avec lequel cette Commission manifeste sa satisfaction de la gestion de la Covid-19 par rapport au décès du Président Pierre Nkurunziza témoigne d’un déficit d’humanité”, a déclaré l’Ambassadeur Rénovat Tabu, Représentant permanent du Burundi auprès de l’ONU à Genève.
Mise en place en 2016, la Commission d’enquête de l’ONU a déjà produit trois rapports, également partagée avec la cour pénale internationale, CPI, qui enquête aussi sur le Burundi pour des éventuelles responsabilités pénales.
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