ONU-Burundi : de la commission d’enquête au Rapporteur spécial sur les Droits humains, une victoire pour les autorités burundaises

ONU-Burundi : de la commission d’enquête au Rapporteur spécial sur les Droits humains, une victoire pour les autorités burundaises

Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a mis fin au mandat de la commission d’enquête sur le Burundi. La commission avait été mise en place en 2016 en pleine crise liée à la volonté de feu président Pierre Nkurunziza de briguer un autre mandat controversé. Du coup, le conseil a par ailleurs nommé par le biais d’un vote un Rapporteur spécial en remplacement de la commission des droits humains sur le pays. Depuis l’annonce, des défenseurs des droits humains et des experts ont commenté cette décision. (SOS Médias Burundi)

Le vote a eu lieu vendredi à Genève. Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a décidé, par 21 voix pour, 15 voix contre et 11 abstentions, de nommer un rapporteur spécial ou une rapporteuse spéciale sur le Burundi.

D’après la résolution, le mandat de ce rapporteur est clair.  “Il sera chargé de surveiller la situation des droits de l’homme au Burundi, de conseiller le gouvernement burundais pour qu’il s’acquitte des obligations en matière de droits de l’homme et d’offrir des conseils et assistance à la société civile et à la Commission nationale indépendante des droits de l’homme (CNIDH)”, lit-on dans la résolution.

Que fait-il en fait?

Selon un expert, le rôle du rapporteur spécial n’est pas des moindres mais il est ambigu. “Il s’agit d’un expert indépendant qui agit sur des situations individuelles comme sur des sujets thématiques qui sont de sa compétence. Son mandat le plus important est en nombre de communications et celui relatif à la situation des défenseurs des droits de l’homme en danger. Il est considéré comme les yeux et les oreilles du Conseil des droits de l’homme des Nations unies”, explique-t-il.

Un pas en arrière…

D’après ce défenseur des droits humains, “passer de la commission d’enquête au rapporteur spécial est une marche en arrière ou peut être une sortie par la porte derrière sur le cas du Burundi”.

“En fait, le monde fait face à d’autres priorités plus graves que peut être le Burundi. Les Nations-Unies veulent sortir petit à petit du dossier burundais mais sans faire beaucoup de bruit. Le rapporteur spécial n’a pas de budget grandiose, il a beaucoup de dossiers à traiter, pas de bureau spécial et pas de commissaires ou enquêteurs et son rapport est un peu léger par rapport au travail d’une commission d’enquête comme celle dissoute”, nuance cet expert. 

Demie-satisfaction…

Plusieurs défenseurs des Droits Humains burundais, surtout en exil, notent une faible satisfaction face à la décision du Conseil Onusien des droits de l’homme. “Un borgne est toujours préférable par rapport à un aveugle. Nous sommes en partie satisfaits même si on s’attendait au renouvellement du mandat de la commission d’enquête. Nous croyons que le rapporteur prendra en compte des signaux et alertes lancés par les trois commissaires Onusiens sur la violation grave des droits humains au Burundi, un constat que nous faisons aussi dans nos différents rapports”, commente Anschaire Nikoyagize, président de la ligue Iteka, une organisation qui a beaucoup milité aux cotés d’une quarantaine d’autres dont Human Rights Watch pour la reconduction du mandat de la Commission Diène. 

« Et d’ailleurs la résolution de sa mise en place rappelle bien ces cas de violations des droits humains. Mais la balle est dans notre camp car la question du Burundi tend à être jetée dans les oubliettes des Nations Unies, raison pour laquelle nous recommandons à la communauté internationale de ne pas délaisser le Burundi qui est au bord du gouffre vu les chiffres qui montent, plus de 700 morts depuis que Ndayishimiye a accédé au pouvoir en juin 2020 », ajoute-t-il.

Déception 

De leur côté, les organisations de la société civile opérant au Burundi se disent déçues par l’ONU. 

“C’est vraiment décevant et injuste de mettre en place un rapporteur spécial sur le Burundi. Il n’aura pas de travail à faire et le Burundi n’a plus besoin de lui. La situation des droits de l’homme a sensiblement évolué positivement. Leurs rapports sont généralement mensongers et politisés. Le Burundi devrait se défaire de ces tapages de l’ONU”, souligne Gérard Hakizimana, président de l’association Folucon F, au nom d’une cinquantaine d’organisations qui ont écrit à l’ONU pour s’opposer au renouvellement du mandat de la commission d’enquête présidée par le sénégalais Doudou Diène. 
“Le Burundi a des commissions suffisamment mûres pour rendre des rapports dignes de ce qui se passe sur terrain comme par exemple la CNIDH qui a récemment recouvert son statut A et aussi notre président est un fervent défenseur des droits humains à entendre ses déclarations”, fait remarquer M. Hakizimana

Dans les tribunes des Nations Unies à New York, en septembre dernier, le président burundais Evariste Ndayismiye avait affiché une opposition radicale aux résolutions contre son pays.

D’après lui, le Burundi n’a pas besoin des gendarmes internationaux.

“Nous saisissons cette occasion pour demander au Conseil des Nations Unies pour les droits de l’homme de faire une lecture juste et responsable des efforts que le Burundi déploie pour protéger les droits des citoyens et les apprécier à leur juste valeur. Toute tendance de singulariser le Burundi en lui collant des mécanismes spéciaux en matière des droits de l’homme est tout simplement contre-productive. Le Burundi dispose des mécanismes nationaux à même de défendre, promouvoir et protéger les droits de l’homme” a-t-il déclaré.

Et d’ajouter : “Dans la pratique, le gouvernement s’est concentré sur la protection des droits de l’homme, le respect des principes démocratiques, des libertés d’opinion, d’expression ».

La commission d’enquête des Nations-Unies dont le mandat n’a pas été renouvelé avait été mise en place en 2016 en pleine crise et tensions politiques, une crise qui a poussé un demi million de Burundais à l’exil.

Elle a rendu public cinq rapports qui comportent des auteurs présumés des violations des droits humains, et les a aussi mis à la disposition de la Cour Pénale Internationale qui a entamé ses enquêtes proprement dites sur la situation du Burundi en 2017.

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