Burundi-Crise de 2015 : des séquelles encore profondes huit ans après

Burundi-Crise de 2015 : des séquelles encore profondes huit ans après

Une vingtaine d’organisations de la société civile nationale et internationale ont sorti un mémorandum pour exiger la libération immédiate des prisonniers politiques de 2015. Ces activistes recommandent aussi à la CPI (Cour Pénale Internationale) de clôturer ses enquêtes et passer à l’étape suivante des mandats d’arrêt contre des présumés auteurs des violations qui restent impunies. (SOS Médias Burundi)

Pour ces organisations, le 26 avril 2015 reste une date fatidique aux yeux de nombreux Burundais et de la communauté internationale.

« Des milliers de Burundais sont descendus dans les rues de Bujumbura (capitale économique) , alors capitale du Burundi pour protester pacifiquement contre la décision illégale du président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat. La répression des forces de l’ordre a été immédiate et brutale”, rappellent-t-elles.

“Ce jour a marqué l’entrée du Burundi dans une crise politique sanglante caractérisée par de graves violations des droits humains, commises en grande majorité par les forces de sécurité burundaises sur ordre des autorités, une atteinte à la démocratie en général et un verrouillage de l’espace des libertés publiques”, déclarent ces organisations.

Deux jeunes exécutés froidement d’une balle dans la tête

La coalition « Tournons La Page Burundi », initiatrice du mémorandum, constate qu’avec les élections de 2020 et l’investiture du président Évariste Ndayishimiye, le Burundi est revenu à « un gouvernement monopartite, militarisé et basé sur l’ethnicité ».

Certains auteurs de graves violations des droits humains ont été promus à des postes de grandes responsabilités du pays , estime la coalition.

« Il y a continuité d’un même système politique par les mêmes personnes. L’appareil judiciaire est toujours contrôlé par l’exécutif, la corruption et l’impunité surtout pour les violations des droits humains sont monnaie courante », soulignent ces organisations.

De plus, disent-elles, « les discours de la haine, de manipulation et de banalisation du crime suivis par l’impunité, la promotion de la violence et de l’anomie sociale, la falsification du passé commun douloureux par l’instrumentalisation de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) impactent négativement la démocratie au Burundi ».

Des violations graves des droits humains continuent

Les organisations de défense des droits humains internationales comme burundaises ont documenté des meurtres, disparitions, actes de torture et mauvais traitements, des cas d’arrestations et de détentions arbitraires, ainsi que des violences sexuelles et sexistes.

“Des cadavres non-identifiés, souvent mutilés ou ligotés, ont été découverts et sont découverts à intervalles réguliers dans différentes provinces, souvent enterrés par les autorités locales, des membres des Imbonerakure (membres de la ligue des jeunes du CNDD-FDD, le parti présidentiel) ou des policiers, sans qu’il y ait eu d’enquête”, lit-on dans ce mémorandum.

“La ligue ITEKA a recensé pour la période d’avril 2015 au 25 avril 2023 plus de 4000 personnes tuées dont 1381 cadavres trouvés, 697 personnes enlevées, 1225 victimes de tortures, 13072 personnes arrêtées arbitrairement et 611 victimes de violences sexuelles”, détaillent ces activistes.

Selon des témoins au sud de Bujumbura, les corps sans vie ont été transportés à bord de ce véhicule, vers une fosse commune le 12 décembre 2015

Les établissements pénitentiaires du Burundi connaissent toujours un sérieux problème de surpopulation. L’effectif des détenus dépasse, dans la majorité des cas, la capacité d’accueil des prisons.

L’impunité qui encourage ces crimes

Ces organisations se réjouissent que consécutivement à cette situation, le 25 avril 2016, la procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, a annoncé l’ouverture d’un examen préliminaire sur la situation qui prévaut au Burundi depuis avril 2015, suivie des enquêtes proprement dites de la CPI à partir d’octobre 2017.

L’espoir, toujours de mise

« Nous recommandons à la CPI de clôturer ses enquêtes et passer à l’étape suivante des mandats d’arrêt contre des présumés auteurs des violations qui restent impunies, au gouvernement burundais de mettre fin aux violations des droits de l’homme et à l’impunité en poursuivant en justice tous les auteurs présumés de ces violations, des crimes internationaux, de rouvrir l’espace démocratique, garantir les libertés publiques, réformer le système judiciaire pour plus d’indépendance et de transparence et dissoudre la milice Imbonerakure”, demandent-elles.

Des Imbonerakure, agents du SNR et policiers essayent de forcer une porte d’une maison appartenant à un opposant suspecté de détenir des armes illégalement dans le nord de la ville commerciale Bujumbura, Jean Pierre Aimé Harerimana

Ces organisations exigent aussi la libération immédiate de cinq défenseurs des droits de l’homme et d’une journaliste « détenus arbitrairement », ainsi que de tous les prisonniers politiques. De même, elles exigent l’annulation des mandats d’arrêt contre les acteurs politiques, de la société civile et des médias et la levée de la suspension et la radiation des médias et organisations de la société civile, afin de permettre à ces derniers de reprendre leurs activités en toute indépendance. Pour elles,les lois adoptées en 2017 sur les organisations non-gouvernementales burundaises et internationales doivent être revues. Ces lois accordent aux autorités burundaises le privilège et le pouvoir exagéré de contrôle des activités des organisations locales et internationales jusqu’à la parité ethnique.

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Photo : un corps d’un homme tué par les forces de sécurité le 12 décembre 2015 en zone urbaine de Nyakabiga à la suite d’une attaque contre quatre installations militaires dans la ville de Bujumbura, Jean Pierre Aimé Harerimana

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