Nord-Kivu : grogne des radios suite à l’interdiction par le M23 de la diffusion de l’émission Sauti ya wahami

Nord-Kivu : grogne des radios suite à l’interdiction par le M23 de la diffusion de l’émission Sauti ya wahami

Depuis le 18 juillet, les radios émettant depuis les territoires de Rutshuru et Masisi dans la province du Nord-Kivu à l’est de la République démocratique du Congo ne sont plus autorisées de diffuser l’émission Sauti ya wahami. La décision a été prise par le M23, un groupe rebelle qui contrôle une grande partie de ces territoires. Selon le porte-parole de ce mouvement, ladite émission est interdite parce qu’elle véhicule des messages de haine. Le président de l’union nationale pour la presse du Congo UNPC, section de Rutshuru, estime que l’acte constitue une atteinte à la liberté de la presse dans la province du Nord-Kivu et le non respect des droits des journalistes. (SOS Médias Burundi)

L’émission Sauti ya wahami a été conçue par les responsables des médias en province du Nord-Kivu en collaboration avec le collectif des journalistes déplacés depuis des zones en conflit armé dans les territoires de Masisi et Rutshuru, généralement occupés par les rebelles du M23.

Selon les journalistes, cette émission se penche sur des questions humanitaires et sociales des déplacés de guerre de ces deux territoires qui sont cantonnés dans des camps à Nyiragongo, et une partie de la ville de Goma.

Des chaînes de radios qui émettent depuis Rutshuru et Masisi obtenaient des informations à la une sur les déplacés grâce aux journalistes qui sont à Goma (chef-lieu du Nord-Kivu) ayant fui les affrontements entre le M23 et l’armée congolaise.
Certains journalistes disent avoir reçu des menaces de la part des seigneurs de guerre et responsables de groupes armés.

Déjà en mars dernier l’administration du M23, une rébellion basée dans le Nord-Kivu, avait interdit certaines chaînes-radios de Rutshuru de ne plus diffuser l’émission Sauti ya wahami dans leurs programmes.

La décision avait été mal accueillie par les responsables des médias dans le territoire de Rutshuru.

« En mars dernier oui certaines des nos radios ont été interdites de diffuser l’émission Sauti ya wahami et pourtant elles ne parlaient que du calvaire que traversent des milliers de Congolais dans les camps de déplacés à Goma. La diffusion de nos émissions est conditionnée à l’activisme du M23 dans la zone de Rutshuru », a indiqué un responsable de l’un des médias basés à Rutshuru sous couvert d’anonymat par peur de représailles.

Le 18 juillet, le M23 a procédé à l’interdiction totale de l’émission sur toutes les chaînes-radios dans les deux territoires concernés.

La prise de cette décision a été suivie par plusieurs menaces à l’égard de certains journalistes qui produisent ladite émission qui sont à Goma et d’autres à Nyiragongo, selon Innocent Gashamba, président de l’Union nationale pour la presse du Congo UNPC, section de Rutshuru.

Selon lui, « il s’agit ni plus ni moins d’une atteinte à la liberté de la presse dans la province du Nord-Kivu et le non respect du devoir des journalistes d’informer ».

« Oui maintenant le M23 a intimé l’ordre à toutes les chaînes de radios basées dans leur juridiction de suspendre l’émission Sauti ya wahami qui ne faisait qu’informer et mettre au courant sur tout ce qui se passe dans les camps de déplacés de la ville de Goma. Mais de notre part nous constatons que cette décision vise à déstabiliser les chevaliers de la plume en province et mettre en déroute la liberté de la presse dans les zones en conflit, alors que nous avons le plein droit de diffuser des informations sûres et vérifiées », a-t-il déclaré.

Et d’ajouter : « Certains de nos confrères sont menacés via les réseaux sociaux. Nous nous demandons comment on doit se comporter dans pareille situation de crise sécuritaire que traverse notre province et qui commence à affecter le travail des journalistes de la région ».

Le M23 a de son côté expliqué cette décision par la volonté de limiter les messages de haine qui commençaient d’être propagés à travers des radios.

Lawrence Kanyuka, porte-parole politique du M23, ajoute également qu’un dialogue entre le M23 et les journalistes de cette région aura lieu pour tabler autour de la question du bon fonctionnement des chaînes -radios et télévisions afin de relever les lacunes de la profession du journalisme et voir comment y apporter une solution.

« Certaines radios n’usaient plus de leur professionnalisme pour informer les populations civiles sur ce qui se passe sur le terrain. Nous avons remarqué que plusieurs d’entre elles prennent fait et cause des actes du gouvernement congolais qui ne sont pas du tout sérieux. A travers l’émission Sauti ya wahami il y avait risque du déclenchement d’un conflit intercommunautaire à Rutshuru et à Masisi. Voilà que nous organisons une assise avec eux pour voir ce qu’on peut faire ensemble pour dégager ce mauvais comportement, et certains journalistes sont manipulés par les autorités pour salir notre image », à indiqué Lawrence Kanyuka.

En réaction, l’organisation Journaliste en danger (JED), section du Nord-Kivu, pense que c’est un moyen pour le M23 de se laver le sang des civils qu’il tue dans les localités et groupements de Rutshuru.
Tuver Wundi, responsable de JED au Nord-Kivu, demande à la communauté internationale d’infliger des sanctions aux chefs du M23 pour avoir terrorisé et malmené des journalistes qui doivent exercer leur travail en toute indépendance.

« Ce que dit le M23, c’est pour eux une façon de voiler les yeux des autres pour qu’ils ne voient pas les bavures qu’il commet à Rutshuru. Lorsque les journalistes étalent cela à la face du monde, ça dérange leur plan d’action. Cela constitue une violation grave des droits des journalistes et ça revient à la communauté internationale de prendre cette question en main pour sanctionner les responsables de cette milice », insiste Tuver Wundi.

Plusieurs chaînes-radios ont fermé leur porte depuis le début des affrontements entre les forces armées de la RDC et les rebelles du M23 dans les territoires de Rutshuru et Masisi.

Une dizaine de journalistes se sont déplacés vers la ville de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, pour s’assurer de leur sécurité.

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Photo d’illustration : un journaliste congolais en train d’interviewer des déplacés dans un camp situé en province du Nord-Kivu

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