Mahama (Rwanda) : premières conséquences des réductions de l’assistance des réfugiés

Mahama (Rwanda) : premières conséquences des réductions de l’assistance des réfugiés

Depuis le mois de novembre dernier, le HCR et le PAM ont réduit considérablement la quantité et le montant de l’assistance accordée aux réfugiés au Rwanda. Les premières conséquences n’ont pas tardé à se manifester au camp de Mahama où l’alimentation scolaire est en partie suspendue dans les écoles primaires. (SOS Médias Burundi)

En principe, et depuis plusieurs années, les écoliers devraient avoir une alimentation à l’école constituée soit de la bouillie ou d’autres aliments avant et après-midi. Mais, depuis quelques jours, ceux qui font leurs études dans l’après-midi ne sont plus nourris à l’école.

Cette nouvelle réglementation concerne cinq établissements primaires de l’école Paysanat L, à savoir Paysanat L A, B, C, D et E.

« C’est dommage. On croyait que les enfants qui ne mangent plus à la maison auront un repas à l’école, mais voilà que les choses se compliquent encore plus », s’indigne un parent.

Cette situation provoque un découragement apparent des écoliers et les parents craignent des abandons scolaires.

« C’est normal qu’un enfant qui n’a pas mangé à la maison ne va plus bien suivre les cours, et donc, le lendemain, il ne va pas reprendre le même schéma pour tout un trimestre. Ce qui est pire, la ration est coupée vers la fin du premier trimestre, ce qui fait qu’il y aura des enfants qui ne vont même pas passer des examens », soulignent des parents.

Pour essayer d’amoindrir le mal, les directions d’écoles ont instauré un système d’alternance.

« Un écolier qui fait l’avant-midi aujourd’hui, le lendemain il fait l’après-midi. Tout cela pour que celui qui ne mange pas aujourd’hui à l’école, il se rattrape le lendemain. Et donc, à la fin de la semaine, tout le monde aura eu au moins un repas deux ou trois fois », explique un enseignant, jugeant cette situation catastrophique.

« C’est dur d’enseigner un enfant qui n’a pas mangé et que toi-même tu sais pourquoi. Son échec est en partie compréhensible », se désole-t-il avant de révéler en outre que le manque criant de combustibles et de gaz est en grande partie des éléments qui handicapent l’alimentation scolaire au camp de Mahama situé à l’est du Rwanda.

Une situation due au manque de budget

Le HCR et le PAM ont récemment expliqué que les réductions sont dues à une diminution significative des ressources affectées à l’aide aux réfugiés, précisant qu’ils n’ont reçu que 37% du budget attendu en 2023 pour venir en aide à tout ce monde, ce qui leur est impossible de continuer au même rythme.

« À partir du mois de novembre 2023, des réfugiés qui recevaient 10.000 francs rwandais (8.11 USD) par mois et par tête percevront désormais 8.500 francs rwandais (6.89 USD), et ceux qui recevaient 5.000 francs rwandais (4 USD) auront une somme de 4250 francs (3.45 USD), la première catégorie étant considérée comme la plus démunie », ont expliqué ces organisations internationales.

L’autre assistance coupée comprend : l’aide en espèces pour les articles non alimentaires ainsi que l’aide en espèces pour l’énergie et le gaz combustible aux réfugiés vivant dans les camps. Par ailleurs, les orientations et transferts des malades nécessiteux vers les services de santé en dehors des camps sont limités aux cas d’urgence uniquement.

Selon le HCR et le PAM, cette réduction ne s’applique pas à l’assistance accordée aux réfugiés dans le cadre du programme spécial de nutrition (des malades).

Pour les réfugiés et leurs leaders, cette réduction ne devrait pas aussi inclure l’assistance chez les jeunes étudiants.

Crainte de délinquance juvénile

Des parents craignent de mauvais comportements de leurs enfants, qui d’ailleurs se manifestent déjà chez des jeunes élèves qui font l’école buissonnière.

« Le banditisme des vivres même cuits, des enfants qui mendient, les abandons scolaires, la délinquance, la débauche, …, qui peuvent être sources d’autres maux imprévisibles. Nous demandons au HCR et à d’autres agences humanitaires de donner le nécessaire au moins à ces jeunes gens pour préparer leur avenir », suggèrent des réfugiés au camp de Mahama.

Ces derniers s’inquiètent aussi de la montée du désespoir au camp et de pratiques inhabituelles.

« Le désespoir se lit dans tous les visages ici, les gens ont maigri, le stress, et c’est la première fois qu’on remarque des gens qui osent voler une marmite de nourriture non encore bien cuite. Ici, tu ne peux plus bouger quand tu fais la cuisine, tu dois être extrêmement vigilant ! », disent-ils, craignant de nouvelles formes de criminalité.

Dans les marchés, les marchandises ne s’écoulent plus car les gens n’ont pas d’argent pour s’en procurer, ajoutent-ils.

Le travail journalier comme alternative

Dans ce camp, des gens commencent à sortir en grand nombre pour chercher du travail journalier dans les villages environnant le camp.

Il y a même un terrain qu’on vient de baptiser «Wambonye » (m’as-tu vu), situé à au moins deux km de l’entrée principale du camp dans un lieu communément appelé « Ku Munini ».

« Ceux qui veulent des ouvriers, des maçons, des fermiers ou autre main-d’œuvre viennent prendre des gens là-bas. On devient des tout-terrains, la rémunération journalière est de 1500 FRW (1.5 USD) », rapportent des réfugiés burundais.

A Mahama, des cris s’élèvent pour demander au HCR, au PAM et au gouvernement rwandais de faire le tout possible pour venir en aide aux réfugiés au grand risque de tomber dans l’oubli au détriment des grandes crises humanitaires mondiales qui attirent plus l’attention des donateurs.

Mahama abrite plus de 62. 400 réfugiés dont plus de 40 OOO Burundais, le reste étant des Congolais dont la plupart ont récemment fui les combats à l’est du géant de l’Afrique centrale.

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Photo d’illustration : des écoliers au camp de réfugiés de Mahama au Rwanda

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