Les réfugiés burundais du camp de Mahama au Rwanda en deuil

Les réfugiés burundais du camp de Mahama au Rwanda en deuil

Deux réfugiés burundais tués samedi dernier par les forces de l’ordre ont été enterrés ce lundi à l’intérieur du camp de Mahama. La police a indiqué que ces deux hommes font partie d’un groupe de trafiquants de drogue. Mais des Burundais de ce camp disent que le châtiment qu’ils ont eu est disproportionné à l’acte posé, criminel soit-il.

Reportage

Samedi dernier, la police a affirmé que les forces de l’ordre qui faisaient la patrouille ont tiré sur “ un groupe de trafiquants de drogue”, tuant deux d’entre eux sur place, à la frontière rwando-tanzanienne. Ils ont été identifiés plus tard comme des réfugiés burundais du camp de Mahama, situé à environs 500m de la rivière Akagera, le lieu du drame.

Ce lundi, les victimes ont été inhumées à l’intérieur du même camp. Leurs compatriotes ont décidé de faire un deuil.

“Nous venons d’enterrer les nôtres, victimes d’une fusillade qui n’aurait pas dû avoir lieu. Pourquoi les avoir tués au lieu de les arrêter et peut être les emprisonner. Le châtiment qu’ils ont eu est très sévère. C’est un message fort pour nous autres qui faisons la pêche dans la rivière Akagera”, ont réagi leurs compatriotes avant d’ajouter que le camp est en deuil.

C’est la première fois qu’un incident tragique pareil se produit au camp de Mahama depuis son installation en 2015.

Le représentant des Burundais installés à Mahama déplore le double assassinat et recommande aux réfugiés une vigilance dans tout ce qu’ils font.

“C’est dommage et triste de perdre quelqu’un et surtout en terre d’exil. Les autorités nous avaient à maintes reprises empêché de faire le commerce de chanvres et de drogue en provenance de la Tanzanie, mais les gens n’avaient pas encore compris que c’est sérieux et voilà qu’un message sanglant nous est donné”, a indiqué J.Bosco Kwibishatse, juste après l’enterrement de ces deux Burundais.

Qu’est ce qui s’est passé réellement?

D’après des sources concordantes, vendredi soir, la police a été informée qu’il y a un groupe de réfugiés qui doit revenir de la Tanzanie tard dans la nuit en passant par la rivière Akagera.

Et, samedi, vers 3heures du matin, un groupe de 6 pêcheurs burundais ont traversé la rivière Akagera en direction du village 17 du camp de Mahama.

“Nous avons vu des militaires, armés, monter la garde et faire la patrouille. Ce sont ces militaires qui ont en fait tiré sur ces gens. Deux hommes ont été touchés. Ils sont morts sur le champ. Trois autres ont alors rebroussé chemin, en nageant, laissant derrière eux leurs bateaux. Un autre s’est échappé et a pu atteindre le village 17 du camp. Comme ses habits étaient mouillés, les services de sécurité du camp l’ont attrapé. Il a donné toutes les informations qui ont permis à la police d’interpeller même les autres qui avaient pris fuite”, témoignent nos sources.

Les victimes identifiées

Deux corps ont par la suite été découverts à l’endroit connu comme « kw’ibuye ry’urukondo » ou « Rocher de l’Amour », c’est juste en face du centre de traitement de l’eau potable consommée dans le camp.

“L’un d’entre eux est un homme d’une quarantaine d’années qui habitait le village 17 près de là où l’incident s’est produit. On le surnommait Tuyi, je ne sais pas si c’est Tuyishime ou pas. Il laisse derrière lui une femme et des enfants. L’autre était du village 18, lui aussi âgé d’au moins 42 ans. Il avait également une famille », raconte un homme plus âgé, voisin de l’une des victimes.

Les corps ont été par la suite évacués par des pickups de la police vers l’hôpital central du district de Kirehe.

Une réunion de pacification ou d’injonction

Elle s’est déroulée samedi après l’incident. La représentante du ministère en charge des réfugiés (Ministry in charge of Emergency Management Rwanda), gestionnaire de ce camp a rappelé à l’ordre ces Burundais.

“Nous ne cessons de vous vous dire qu’il y a des gens parmi vous qui traversent la rivière Akagera vers la Tanzanie pour vendre des stupéfiants. Le gouvernement du Rwanda ne peut pas tolérer ce genre de comportement et d’activités. Et puis la rivière est fermée pour tout pêcheur y compris pour les Rwandais et celui qui passe outre la loi est sévèrement puni, il peut même y avoir des morts si jamais il y a résistance”, a souligné madame Goreth, la présidente du camp.

L’administration, elle, se montre plus sévère et souligne que la souveraineté et la sécurité du pays doivent être protégées.

“Cet incident s’est produit le jour où nous célébrons le 26 ème anniversaire de la libération du Rwanda. C’est au prix des vies que nous avons obtenu cette libération, raison pour laquelle nous devons faire le tout possible pour maintenir l’ordre public », a précisé Mr Muzungu Gérald, le maire du district de Kirehe.

“Nous n’allons tolérer qui que ce soit, d’où qu’il vient », a-t-il insisté.

Le HCR s’est dit attristé par cette fusillade et a exhorté les autorités à enquêter sur les circonstances de cet incident tragique.

Affaire de drogue à Mahama

Selon plusieurs sources, il n’ y a rien d’anormal que des gens fassent le commerce illicite de stupéfiants à Mahama. Le camp abrite plus de 60.000 personnes, toute catégorie confondue. Une population trois fois supérieure à celle du secteur de Mahama où le camp est implanté.

“C’est un commerce qui rapporte plus ici. Tu peux voir quelqu’un devenir riche en quelques mois. Ils vont de l’autre coté en Tanzanie et aménagent des champs de chanvres. Ces champs sont entretenus par des éleveurs tanzaniens. Et ces trafiquants collaborant avec des pêcheurs pour faire entrer ces produits clandestinement”, raconte notre source.

Consommation des stupéfiants dans le camp

“Il ya un lieu dit Ligala au niveau du village 18 où des jeunes gens consomment aisément du chanvre. La police essaie de combattre la consommation de stupéfiants, en vain. En 2018, elle a même fait appel à des chiens spécialisés dans la détection des boules de chanvre dans ce village”, font savoir nos sources ajoutant que la plupart des consommateurs sont des jeunes gens fatigués par la vie d’exil.

A Mahama, les réfugiés demandent aux forces de l’ordre de lutter contre la vente et la consommation de stupéfiants qui alimentent selon eux, la délinquance juvénile, le banditisme, le vol dans les ménages, les violences sexuelles et grossesses non désirées.

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