Cibitoke : des Imbonerakure blessent un habitant, le parquet les relâche et la population se révolte

Cibitoke : des Imbonerakure blessent un habitant, le parquet les relâche et la population se révolte

Ce lundi, une centaine d’habitants de la localité de Muzenga, en zone de Buhayira de la commune de Murwi (province de Cibitoke , nord-ouest du Burundi) ont manifesté leur colère devant les bureaux du gouverneur et du procureur de province. Ils demandent justice dans le dossier d’un homme blessé par des Imbonerakure en février dernier. Les auteurs de l’agression ont été libérés au moment où un médecin indique que la victime a besoin d’un suivi médical. L’administration a organisé ce mardi une réunion pour éviter que la situation ne s’aggrave. (SOS Médias Burundi)

Jean Bosco Niragira( 34 ans) avait été blessé dans la nuit du 26 au 27 février 2022 par deux Imbonerakure (membres de la ligue des jeunes du CNDD-FDD). Ils ont utilisé des machettes.

Ce n’est pas lui qui était visé. D’après des sources locales, c’est son employeur, un homme soupçonné de pratiquer la sorcellerie qui était ciblé. Trois Imbonerakure ont été arrêtés par la police locale dans la fraîcheur des faits. Deux ont été transférés au parquet.

Le parquet de Cibitoke les a placés en détention le 9 mars mais les a libérés le 11 mai, parlant de « manque d’indices de culpabilité ».

La décision a provoqué la colère chez les proches de la victime et des habitants de sa localité. Ce lundi, ils se sont rendus aux bureaux du gouverneur et du procureur de Cibitoke pour manifester leur « mécontentement ».

Sans aucune pancarte à la main et paisiblement, ils ont été reçus par les deux autorités.

« La justice de Cibitoke est corrompue. Nous exigeons que les auteurs de ce crime soient punis conformément à la loi. Nous sommes au courant que des pots de vins ont été versés », a dénoncé un membre de famille de Niragira devant le parquet.

Des habitants de Muzenga devant le bureau du procureur de Cibitoke, le 16 mai 2022
Des habitants de Muzenga devant le bureau du procureur de Cibitoke, le 16 mai 2022

Les représentants du ministère public à Cibitoke réfutent l’allégation. Ils parlent d' »une affaire qui a été analysée dans le respect des normes du métier ».

Un magistrat au tribunal de grande instance de Cibitoke qui s’est exprimé sous couvert d’anonymat n’exclut pas la poursuite des enquêtes.

Un proche de l’homme qui a été blessé souhaite « la transparence et la neutralité dans la conduite des enquêtes ».

« Ces enquêtes ne nous rassurent pas », ajoute un voisin de la victime.

Ce lundi, Jean Bosco Niragira était dans le groupe qui s’est déplacé au chef-lieu de province. Il poursuit sa convalescence.
« Il a toujours besoin d’un suivi médical sur une longue période », a indiqué un médecin.

Le gouverneur Carême Bizoza a dit être surpris.

« Ni le chef de colline ni le chef de zone encore moins l’administrateur n’a été au courant de cette situation et de ce déplacement jusqu’ au bureau de province et au parquet », s’est-il exclamé.

Il a ordonné aux autorités de Murwi de se rendre à Muzenga pour « organiser une réunion de pacification « afin d’éviter une justice populaire ».

Dans la même nuit où Jean Bosco Niragira a été blessé, un sexagénaire a été tué à la machette à Murwi. Ernest Bamvuninka, 67 ans qui habitait la colline de Mugimbu était aussi soupçonné de pratiques superstitieuses.

Jean Bosco Niragira blessé à la tête
Jean Bosco Niragira blessé à la tête

Quatre Imbonerakure interpellés dans ce dossier ont depuis été relâchés. Les membres de la ligue des jeunes du CNDD-FDD sont soupçonnés surtout du fait que ce sont les seuls « maîtres de la nuit », effectuant des rondes nocturnes pendant la nuit.

En province de Cibitoke, les membres de la ligue des jeunes du parti présidentiel sont souvent accusés de plusieurs crimes. En novembre 2020, le tribunal de grande instance de Cibitoke a condamné à la prison à vie deux Imbonerakure. Les concernés avaient tué un jeune garçon de 14 ans au début du même mois et volé des chèvres qu’il gardait.

Et en janvier 2021, le même tribunal a condamné à deux ans de prison ferme trois autres Imbonerakure. Originaires de la commune de Buganda, ils ont été reconnus coupables d' »atteinte à la sécurité de l’Etat, d’usurpation de fonction et d’extorsion ».

Dans les deux cas, les intéressés ont plaidé coupables.

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Photo : Jean Bosco Niragira blessé dans le dos et et à la tête

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