Nduta (Tanzanie) : la vie d’un chef de village en danger
Ce leader communautaire est victime de ses réactions suite aux demandes intempestives de rapatriement qualifié de forcé par les réfugiés burundais. Ces derniers craignent pour sa sécurité alors qu’il ne dort plus chez lui. (SOS Médias Burundi)
Tout a commencé ce jeudi sur le terrain de la zone I. Les agents du HCR et de l’administration du camp s’étaient réunis pour sensibiliser les réfugiés burundais au rapatriement « volontaire », pourtant qualifié de « forcé » par les concernés.
Soudainement, le chef du village 17 de la zone I a soulevé ses inquiétudes et interrogations critiques.
«Nous estimons qu’il y a des contradictions : Vous, vous dîtes qu’il y a la paix au Burundi, alors que nous avons des informations sûres et très récentes concernant les attaques rebelles qui ont emporté des vies humaines à Buringa, à Cibitoke ou encore à Gatumba (Bujumbura). A cela s’ajoute des relations tendues entre le Burundi et le Rwanda sur le point de s’affronter. Pire encore, le gouvernement du Burundi ne nie pas cette situation d’insécurité ! », s’est-il adressé aux représentants du gouvernement tanzanien et de l’agence onusienne.
Et de renchérir : « L’on dirait que vous voulez que nous rentrions dans ce feu pour qu’il nous dévore et que ceux qui auront la chance de survivre reviennent redemander asile ici ! Sinon, nous ne voyons pas le motif de votre acharnement contre nous à moins qu’il y ait un agenda qui nous est caché ! », a machinalement brisé le silence celui qu’on surnomme « Sedikiya ».
Du coup, la représentante du HCR dans la séance de ce jeudi n’a pas bien accueilli ces réactions inattendues et s’est directement irritée.
Madame Sabine (on n’ignore encore son nom) chargée du rapatriement a d’ailleurs malmené ce chef administratif à travers ses réponses aux interrogations soulevées.
« Aucun pays au monde ne connaît une stabilité totale, même ici en Tanzanie des fois des bandits armés perturbent la sécurité, même aux USA les criminels peuvent fusiller les gens, est-ce que tu pourrais dire que dans ces pays-là il n’y a pas la paix ? Non ! », s’est-elle exclamée, furieuse, avec un ton menaçant d’après les réfugiés qui ont suivi la scène.
La chasse contre le chef communautaire du village 17 n’a pas tardé.
« Les policiers et les gardiens civils ont voulu l’arrêter sur place mais cela n’a pas été possible car il y avait une grande foule de gens », apprend-on.
Le soir même, l’homme menacé n’a pas dormi chez-lui.
« Des gens non encore identifiés, avec des policiers et des gardiens civils sont venus chez-lui mais ne l’ont pas trouvé. Le matin de ce vendredi, les mêmes gens sont revenus et ont menacé sa femmes et ses enfants. Pour le moment, tout le monde craint pour la sécurité de cet élu », déplorent des réfugiés qui se sont confiés à SOS Médias Burundi.
L’administration du camp a donné un ordre très clair : »si Sedikiya n’est pas retrouvé, sa maison doit être détruite et sa famille contrainte de rentrer ». Les réfugiés ignorent encore ce qui est reproché à celui considéré comme leur porte-parole car, indiquent-ils, « il a osé dénoncer publiquement ce que nous murmurons dans nos discussions quotidiennes».
« C’est vraiment dur pour cette famille qui est victime des agissements du chef de ménage dont la vie est mise en danger. Il essaie de se cacher mais nous estimons que la situation est grave. Nous mettons en garde le président du camp et le HCR si jamais quelque chose arrive à ‘Sedikiya’, ils seront en tout cas responsables de toute situation qui peut s’en suivre », laissent entendre des réfugiés burundais du camp de Nduta.
Ils regrettent que le HCR puisse tremper dans des actes de traitements inhumains des réfugiés qu’il est sensé protéger.
Depuis janvier dernier, plusieurs séances de sensibilisation au retour dit volontaire des réfugiés sont menés aux camps de Nduta et Nyarugusu dans le nord-ouest de la Tanzanie. C’est au moment où la fermeture des deux camps est prévue pour octobre prochain.
La commission tripartite composée du HCR et des gouvernements tanzanien et burundais souhaite que tous les réfugiés burundais soient rapatriés avant cette date, ce qui inquiète plus les concernés qui jurent que « nous ne céderons pas aux intimidations et menaces que l’on nous fait subir ».
D’après les données du HCR, la Tanzanie compte plus de 130 mille réfugiés burundais, le camp de Nduta abritant à lui seul la moitié de ces Burundais.
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Photo : une partie du camp de Nduta en Tanzanie
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