Affaire- Kira Hospital : le Burundi s’expose à de conséquences graves
L’actionnaire majoritaire de la plus prestigieuse clinique du Burundi Kira Hospital a écrit à la ministre burundaise en charge de la justice pour dénoncer le blocage délibéré du dossier de spoliation des actionnaires privés majoritaires de Kira Hospital, imposé par l’Etat burundais. Swissmed International Limited parle d’expropriation indirecte et irrégulière orchestrée par des représentants d’entités étatiques burundaises. Swissmed qualifie par ailleurs l’incarcération du Dr Christophe Sahabo, l’ancien DG de Kira Hospital comme « irrégulière » et rappelle que ce dernier ainsi que le Docteur Jean- David Pillot, ancien président du conseil d’administration, ont été forcés à démissionner de leurs fonctions le 1er avril 2022 sous la contrainte et la menace du SNR (Service national de renseignements).L’actionnaire majoritaire de Kira Hospital informe que le Burundi s’expose à la saisie de ses biens car la société peut se plaindre auprès du CIRDI (Groupe de la Banque mondiale). (SOS Médias Burundi)
La lettre adressée à la ministre burundaise en charge de la justice Domine Banyankimbona a été envoyée le 25 novembre dernier. Swissmed International Limited a écrit en qualité de représentant des actionnaires individuels et d’actionnaires majoritaires lésés de la société dénommée « Kira Hospital S.A Swiss Clinic ».
La société explique que l’ensemble des décisions de gestion et de nomination prises par le conseil d’administration depuis avril 2022, ont été exécutées par des dirigeants sociaux irrégulièrement nommés, en violation totale du droit des sociétés burundais.
« Les administrateurs représentant des actionnaires minoritaires ne sont aucunement autorisés à prendre des décisions sociales en l’absence totale de l’actionnaire majoritaire », dit la lettre.
Et de préciser: « […] Nous sommes actuellement actionnaires à hauteur de 57% du capital social des droits de vote de l’hôpital Kira Hospital. Ainsi nous attirons votre attention sur le fait que les actionnaires privés lésés représentent la majorité des titres de capital et des droits de vote de l’hôpital Kira Hospital ». Le document cite différents rapports des commissaires aux comptes et commissaires aux apports qui l’ont confirmé.
Les actionnaires privés lésés disent avoir été complètement et irrégulièrement écartés.
Procédure d’arbitrage
La lettre stipule qu’en raison de l’expropriation irrégulière initiée par des organes sociaux illégaux représentant indirectement l’Etat du Burundi, en l’absence de toute loi de nationalisation, l’actionnaire majoritaire envisage désormais d’initier une procédure d’arbitrage CIRDI ( Groupe de la Banque mondiale). L’initiative se fonde sur le traité bilatéral conclu entre la République du Burundi et la République Fédérale d’Allemagne. C’était le 10 septembre 1984. Le traité en soi est entré en vigueur le 9 décembre 1987. Il est relatif à l’encouragement et la protection mutuelle des investissements de capitaux.
« A ce jour, nous n’avons perçu aucune indemnité d’expropriation de la part d’aucune autorité étatique, étant précisé que notre préjudice financier est substantiellement supérieur aux investissements que nous avons réalisés », poursuit le document. Son montant exact sera établi par un expert financier international indépendant dans le cadre de la procédure d’arbitrage CIRDI. En l’absence d’une telle indemnité juste et équitable, nous demeurons pleinement majoritaires et titulaires des Titres de capital des actionnaires privés lésés », rappelle la lettre.
Elle précise que les procédures civiles et pénales qui ont été initiées par les actionnaires privés lésés devant les tribunaux compétents burundais, demeurent bloquées par le Burundi. « Des lettres de rappel du 25 juillet et du 3 septembre 2024 sont restées sans réponse ».
La procédure CIRDI et ses conséquences
La procédure CIRDI est fondée sur la convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre États et ressortissants d’autres États. Elle a été adoptée le 18 mars 1965 pour entrer en vigueur le 14 octobre 1966. Elle porte le nom de « Convention de Washington ». Elle a été signée le 17 février 1967 et ratifiée le 5 novembre 1969 par le Burundi.
« Eu égard aux conséquences majeures sur le plan budgétaire, financier et réputationnel qu’une telle procédure d’arbitrage CIRDI serait susceptible d’engendrer, nous vous suggérons de trouver une solution amiable à notre différend en vue du rétablissement des droits des actionnaires privés lésés », conseille Swissmed International Limited dans sa lettre.
Et de clarifier : « nous sommes en effet soucieux d’éviter qu’une sentence arbitrale rendue par un tribunal arbitral siégeant sous l’égide du CIRDI puisse aboutir à une saisie des biens appartenant à la République du Burundi puisque l’article 53 de la convention de Washington prévoit que ‘ la sentence est obligatoire à l’égard des parties (…). Chaque partie doit donner effet à la sentence' ».
En plus de cette convention, la petite nation de l’Afrique de l’est a également adhéré, en vertu d’une loi du 9 mai 2014, à la convention pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères connue comme « convention de New York ». Celle-ci a été signée en mai 1958.
« Une fois la sentence CIRDI obtenue, le Burundi devra par conséquent appliquer la convention de New York ».
« La sentence aurait assurément un impact considérable sur la capacité du Burundi à attirer des investisseurs étrangers…sur la notation financière du Burundi attribuée par les principales agences de notation internationales et par les bailleurs de fonds internationaux dont la Banque mondiale, l’Union européenne, le FMI ( Fonds monétaire international) ou encore la Banque africaine de développement) », prévient Swissmed International Limited.
« Une solution amiable permettrait d’éviter ce sort funeste », conclut la lettre.
Les autorités burundaises n’avaient pas encore réagi à cette correspondance. Mais en mai 2022, le président burundais Évariste Ndayishimiye avait affirmé être impliqué lui-même dans la détention du Dr Christophe Sahabo, ancien DG de Kira Hospital. Selon le président Neva, l’Etat burundais est l’actionnaire principal de la clinique Kira Hospital.
La correspondance dont une copie a été réservée à des représentants régionaux notamment de la Banque mondiale et de l’Union européenne ainsi qu’au président Ndayishimiye, a été rendue publique au moment où le Burundi s’apprête à recevoir une table ronde de bailleurs de fonds les 5 et 6 décembre dans la ville commerciale Bujumbura.
À la tête d’un pays qui traverse une crise généralisée, Évariste Ndayishimiye continue d’espérer que la petite nation de l’Afrique de l’est deviendra « un pays émergent en 2040 et développé en 2060 ».
Certains observateurs locaux et étrangers comparent cette vision au mythe et à l’hérésie.
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Photo d´archives : Kira Hospital S.A Swiss Clinic
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