Tanzanie: des réfugiés burundais victimes de disparitions forcées et torture, selon Human Rights Watch

Tanzanie: des réfugiés burundais victimes de disparitions forcées et torture, selon Human Rights Watch

Ce lundi, Human Rights Watch a sorti un rapport dans lequel elle dénonce « des abus graves à l’encontre de réfugiés et demandeurs d’asile burundais installés en Tanzanie » depuis à peu près une année. L’organisation met en cause les autorités tanzaniennes. (SOS Médias Burundi)

Anitha * est originaire de la province de Kirundo (nord du Burundi). Elle dit avoir vu son mari pour la dernière fois le 12 mars 2020.

Elle a indiqué à SOS Médias Burundi que ce sont des individus se présentant comme des agents des forces de l’ordre tanzaniennes qui l’ont enlevé.

L’homme était parmi les responsables locaux d’un petit parti d’opposition dans la province de Muyinga (nord-est) avant de fuir le Burundi en 2015.

Un enfant d’un réfugié burundais devant sa maisonnette à Nduta

Son épouse dit ignorer le mobile du kidnapping.

« Ils ne lui ont posé aucune question, ils se sont introduits dans la chambre et l’ont menotté, m’empêchant de crier au secours », raconte-t-elle.

Selon Human Rights Watch, entre octobre 2019 et août 2020, la police et les services de renseignements tanzaniens ont fait disparaître de force, torturé et détenu arbitrairement au moins 11 réfugiés burundais pendant plusieurs semaines dans des conditions déplorables dans un poste de police à Kibondo, dans la région de Kigoma (nord-est de la Tanzanie).
Trois d’entre eux ont été libérés, et les autorités tanzaniennes ont reconduit de force les huit autres au Burundi en août dernier, où ils sont détenus sans chef d’inculpation.

Des réfugiés burundais sur une place publique dans le camp de Nduta

La police tanzanienne a arrêté et fait disparaître de force sept autres réfugiés et demandeurs d’asile depuis janvier 2020, poursuit le rapport.

Les camps de réfugiés concernés sont Nduta et Mtendeli.
Ils sont installés dans la région de Kigoma, près de la frontière avec le Burundi.

« Les disparitions forcées de réfugiés et demandeurs d’asile burundais en Tanzanie commises par les autorités tanzaniennes sont des crimes odieux, notamment en raison de l’angoisse et de la souffrance causées aux membres des familles, qui, pour nombreux d’entre eux ont fui des abus similaires au Burundi », a déclaré Mausi Segun, directrice de la division Afrique de Human Rights Watch.

Et de continuer: « Le gouvernement tanzanien devrait de manière urgente et impartiale enquêter sur les allégations selon lesquelles des Burundais ont été enlevés, torturés et remis illégalement aux autorités burundaises et s’assurer que les responsables soient traduits en justice ».

Des Burundais qui ont été libérés ont raconté que la police et des agents des services secrets tanzaniens les ont soumis à des chocs électriques, ont frotté leur visage et leurs parties génitales avec du piment en plus de les frapper et fouetter.

« Nous hurlions comme si on nous crucifiait… », se souvient un réfugié qui a passé 23 jours au poste de police de Kibondo.

Il ajoute avoir été suspendu au plafond à l’aide de menottes.

Pour le cas d’Anitha*, elle dit s’être confiée au HCR, à la police locale et à des organisations qui s’occupent de réfugiés, en vain.

« Une des personnes libérées m’a confirmée que mon mari était détenu à Kibondo. Quand je suis allée demander à la police si je peux le voir, ils m’ont répondu que si je continue de les déranger je serai enlevée moi aussi et toute ma famille », déplore celle qui estime que « mon mari a été arrêté tel un animal car il était presque nu quand on l’a emmené ».

Elle affirme n’avoir jamais eu de nouvelle de lui depuis son enlèvement.

« J’ai décidé de ne plus poursuivre l’affaire car je ne veux pas que mes enfants deviennent orphelins », témoigne-t-elle.

Les autorités tanzanienne et burundaise n’ont pas répondu aux allégations.

Human Rights Watch demande au HCR de « déclarer publiquement que le retour forcé depuis la Tanzanie des réfugiés et des demandeurs d’asile burundais (…) constitue un refoulement, en violation de la convention des réfugiés et exhorter les autorités tanzaniennes à mettre fin à tous les retours forcés ou contraints ».

Une réfugiée burundaise devant sa maisonnette à Nduta

L’organisation réclame à l’EAC et la commission africaine des droits de l’homme d’exhorter la Tanzanie à « enquêter sur les signalements de disparitions forcées, d’arrestations arbitraires et de torture et à ne pas envoyer de force directement ou indirectement des réfugiés ou demandeurs d’asile ».

Aux autorités burundaises, Human Rights Watch exige la libération des réfugiés ou demandeurs d’asile détenus après avoir été transférés au Burundi ou de les présenter à un juge.

Plus de 150.000 réfugiés burundais vivent dans trois camps en Tanzanie.
Il s’agit de Nduta, Nyarugusu et Mtendeli.
La plupart ont fui les violences dans le petit État de l’Afrique de l’est après que l’ancien président feu Pierre Nkurunziza ait décidé de briguer un autre mandat controversé en 2015.

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Photo :les présidents burundais et tanzanien Évariste Ndayishimiye et John Pombe Magufuli, le 19 septembre à Kigoma

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