Burundi : les violations des droits humains continuent, selon l’IDHB

Burundi : les violations des droits humains continuent, selon l’IDHB

Ce mardi, l’Initiative pour les droits humains au Burundi (IDHB) a sorti un rapport dans lequel elle déplore une situation inquiétante des droits humains dans le petit État de l’Afrique de l’Est. Carina Tertsakian, un des experts ayant participé à la rédaction du rapport souligne qu’il ne suffit pas de « faire de beaux discours et de belles promesses ». (SOS Médias Burundi)

Le rapport (83 pages) indique que les arrestations, les mauvais traitements, les actes de torture et les exécutions extrajudiciaires continuent au Burundi.

La plupart des victimes sont « des membres réels ou présumés de l’opposition, particulièrement des membres du CNL mais également d’autres personnes soupçonnées par les autorités d’être des détracteurs ou de ne pas soutenir la ligne du gouvernement », souligne le rapport.

Qui sont les auteurs ?

Les principaux auteurs des violations des droits humains sont essentiellement les mêmes que pendant la période préélectorale et électorale et même depuis le début de la crise en 2015, relate le document.

« On peut citer les Imbonerakure qui continuent de commettre des arrestations arbitraires et d’ailleurs illégales (…), ils ont également souvent passé à tabac, tué même des membres de l’opposition. À part les Imbonerakure, il y a aussi des agents de la police et du service de renseignements qui ont été responsables d’actes de torture et d’exécutions extrajudiciaires. Donc ce sont les mêmes auteurs, les mêmes institutions qui commettent ces violations depuis les cinq dernières années », affirme Carina Terstakian.

Elle estime qu’ils ne sont pas punis du fait qu’il y a un fossé entre les promesses du président Ndayishimiye qui dit qu’il va mettre fin à l’impunité et le fait que la plupart de ces auteurs ne sont toujours pas inquiétés.

Et de continuer: « Alors depuis l’inauguration du président Ndayishimiye, il y a eu quand-même certains cas où des Imbonerakure et des policiers ont été arrêtés, jugés et même condamnés mais la plupart pour des crimes de droit commun et pas des violations des droits humains ou par exemple des crimes à motivation politique ».

Mais cela ne l’étonne pas.

« Ce qui est frappant, c’est que la plupart du temps, les personnes qui sont arrêtées ne sont pas des personnes de haut niveau. Les commanditaires de ces violations, les leaders, les dirigeants au niveau national ne sont toujours pas inquiétés. Et cela ne devrait pas nous étonner puisqu’au sein du gouvernement il y a des personnes très influentes qui occupent des positions de haut niveau et qui n’ont pas intérêt à ce qu’il y ait justice pour ces crimes parce-que ces autorités elles-mêmes ont participé à de tels crimes dans le passé », a-t-elle décrit dans une interview accordée à SOS Médias Burundi.

Émergence de la ligne dure du CNDD-FDD

Le rapport décrit l’émergence de la ligne dure du parti au pouvoir au Burundi depuis 2005: un développement très inquiétant, insistent les experts.

« (…) Il y en a plusieurs qui occupent des postes clés, influents notamment le poste de premier ministre, le poste de ministre de l’intérieur, du développement communautaire et de la sécurité publique. Ces personnages ont entre autres commis de graves violations de droits de l’homme dans les années antérieures sous le président Nkurunziza et jusqu’à présent, aucun d’entre eux n’a été obligé de rendre des comptes. Ces personnes risquent de bloquer des réformes dans le domaine des droits humains. Cela signifie d’abord une continuation de l’impunité et deuxièmement très peu de chance de réformes réelles et durables en matière des droits humains ».

Groupes armés

Les trois experts de l’IDHB notent que particulièrement en août et septembre il y a eu plusieurs incursions de groupes armés de l’opposition dans différentes provinces du Burundi.

Ils parlent d’attaques « meurtrières ».

« Des groupes armés ont tué, enlevé et blessé des civils y compris des membres du parti au pouvoir. Ces attaques ont semé la peur parmi la population », soulignent- ils avant de recommander aux groupes armés de l’opposition notamment le Red Tabara qui a revendiqué au moins une de ses attaques et plusieurs cas d’affrontements avec les forces de sécurité « d’ordonner immédiatement à leurs combattants de ne pas tuer, de ne pas enlever ou de commettre d’autres exactions contre des civils et aussi d’exiger que tous les combattants qui commettent de tels crimes rendent des comptes pour leurs actes ».

Retrait du Burundi de l’agenda politique du conseil de sécurité de l’ONU et le rapprochement avec l’UE

Carina Tertsakian qualifie la décision du conseil de sécurité de l’ONU de retirer le Burundi de son agenda de « regrettable ».

Et de nuancer: « En même temps, si on veut vraiment analyser la situation franchement, le conseil de sécurité n’avait pratiquement rien fait depuis plusieurs années. Il y a eu des enjeux politiques qui ont bloqué toute action efficace et le conseil de sécurité et d’ailleurs le secrétaire général lui-même n’ont pas priorisé les questions des droits de l’homme à ce niveau(…), le conseil des droits de l’homme continue de suivre la situation au Burundi de très près et c’est d’ailleurs pour cette raison que le mandat de la commission d’enquête sur le Burundi a été renouvelé il y a quelques mois », dit-elle.

Pour l’ancienne chercheuse en chef à Human Rights Watch sur le Burundi et le Rwanda, le rapprochement entre le Burundi et l’UE pourrait représenter une opportunité de soulever avec le gouvernement burundais des questions relatives à la situation des droits humains.

« Nous espérons que les gouvernements membres de l’UE auront le courage et la détermination d’expliquer au président Ndayishimiye et à son gouvernement qu’il ne suffit pas de faire de beaux discours et de belles promesses. Nous espérons qu’ils ne vont pas fermer les yeux sur cette situation et qu’ils vont saisir ce dialogue comme une occasion unique d’établir vraiment des discussions franches et ouvertes…. en insistant qu’il y ait des améliorations concrètes, visibles et durables », conclut-elle.

L’initiative pour les droits humains au Burundi a écrit à plusieurs autorités burundaises à commencer par le chef de l’État.
Seul le premier ministre Alain Guillaume Bunyoni a répondu en disant que les organisations internationales ne devraient contacter les autorités que par l’intermédiaire du ministère des affaires étrangères.
Ce dernier n’a pas répondu aux trois experts qui lui demandaient son avis sur la meilleure façon d’obtenir une réponse des dirigeants burundais.

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Photo: Évariste Ndayishimiye, Président de la République du Burundi recevant en audience le Représentant de l’Union Européenne au Burundi et des Ambassadeurs des pays membres, résidant à Bujumbura. © Ntare House

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