Burundi-Medias : RSF salue la décision du président Ndayishimiye mais reste sceptique

Burundi-Medias : RSF salue la décision du président Ndayishimiye mais reste sceptique

Dans une interview exclusive avec SOS Médias Burundi, Arnaud Froger responsable du bureau Afrique à RSF (Reporters Sans Frontières) dit que l’organisation a accueilli avec beaucoup de satisfaction la décision du président burundais de permettre aux médias suspendus de pouvoir reprendre le travail. Il estime néanmoins que de nombreux enjeux restent à mener après cinq années d’intense répression contre la presse au Burundi. (SOS Médias Burundi)

Ce jeudi, le chef de l’État burundais a instruit au conseil national de la communication de s’asseoir d’urgence avec les responsables des médias suspendus ou en situation de sanctions pour trouver des solutions.

Pour RSF, c’est sans doute une façon de permettre aux médias internationaux suspendus de pourvoir fonctionner de nouveau. « Reporters Sans Frontières accueille évidemment avec beaucoup de satisfaction la décision prise par le président burundais Évariste Ndayishimiye d’enfin permettre que les médias internationaux qui sont suspendus depuis plusieurs années puissent reprendre du service au Burundi(…). C’est un singnal positif. C’est une intention très positive qui fait suite à un autre acte fort qui avait été posé à savoir la libération des quatre journalistes d’Iwacu qui étaient détenus d’une manière complètement arbitraire depuis plus d’un an », s’est félicité dans une interview accordée à SOS Médias Burundi, Arnaud Froger.

Toutefois, il trouve qu’il reste beaucoup à faire dans cette nation de l’Afrique de l’est. « Les choses vont plutôt dans le bon sens, on accueille ça avec beaucoup de satisfaction mais en même temps avec beaucoup de vigilance car de nombreux chantiers restent à mener, les enjeux sont absolument énormes pour rétablir la confiance et un environnement propice avec l’exercice du journalisme au Burundi après cinq années d’intense répression contre les médias et journalistes burundais », poursuit-il.

Page tournée ?

« Je crois qu’il est encore trop tôt pour dire que la page est véritablement tournée avec l’ère Nkurunziza(…). La page ne sera véritablement tournée que lorsque la question par exemple des journalistes exilés qui sont encore à peu près une centaine sera réglée, lorsqu’ils pourront revenir au pays et exercer en toute liberté et en toute sécurité, que lorsque la question des médias qui ont été saccagés ou incendiés, radio télé Renaissance, radio Bonesha FM, la radio publique africaine pourront à nouveau s’ils le souhaitent opérer en toute sécurité au Burundi. La page ne sera véritablement tournée que lorsque le climat général qui a été très hostile au cours des cinq dernières années sera apaisé notamment via un travail de sensibilisation auprès des forces de sécurité, auprès des milices proches du régime comme les Imbonerakure qui, toutes ont eu recours de manière assez régulière à des intimidations et à des agressions contre des journalistes burundais (…) », analyse le responsable du bureau Afrique à RSF.

Il fait savoir que l’environnement juridique doit également cesser d’être « hostile » et offrir plus de protection, liberté et d’indépendance.

Enquête

Selon M. Froger, il faut que des actes sincères et forts soient posés en matière de lutte contre l’impunité. « Je pense évidemment au cas le plus emblématique d’exactions qui concerne notre confrère Jean Bigirimana porté disparu depuis plus de quatre ans maintenant et pour lequel et sur lequel aucune enquête sérieuse n’a été menée. Donc les enjeux et questions à régler restent énormes (…) », dit-il.

Prochaine étape

« S’il devrait y avoir un prochain acte extrêmement important à poser , un chantier prioritaire concernant la liberté de la presse au Burundi, et bien ce serait le règlement de la question des journalistes en exil et des médias qui ont été détruits et saccagés pendant la crise. Il n’est pas normal que cinq ans après le début de cette crise il y a encore une centaine de journalistes qui ne se sentent pas suffisamment en sécurité pour pouvoir retourner exercer dans leur pays », ajoute-t-il avant de continuer qu’il doit y avoir un dialogue entre ces journalistes, la présidence burundaise et les autorités du pays.

« Ça doit être absolument et nécessairement une question prioritaire en matière de liberté de la presse pour les autorités burundaises », conclut-il.

SOS Médias Burundi a appris que le conseil national de la communication va tenir une réunion lundi prochain avec des responsables des médias suspendus ou sous sanctions.
Cet organe de régulation des médias au Burundi a déjà contacté les médias internationaux BBC et VOA( Voix de l’Amérique). Pour le premier, sa licence d’exploitation a été retirée en 2018 au moment où le second a été suspendu depuis la même année.

Le troisième à avoir été contacté est local. Il s’agit de la radio Bonesha FM détruite au lendemain du coup d’État raté du printemps 2015.
Ses responsables avaient saisi la cour administrative pour qu’il lui soit permis de rouvrir, en vain.

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