Opinion : une décision de condamnation à des peine lourdes et des amendes exorbitantes signifiée en différée pour des pris pour opposants « putschistes », pour quoi aujourd’hui?

Opinion : une décision de condamnation à des peine lourdes et des amendes exorbitantes signifiée en différée pour des pris pour opposants « putschistes », pour quoi aujourd’hui?

Chaque chose a son temps disait Qohélet et chaque chose a sa raison d’être dans son temps. Une copie de l’expédition en forme exécutoire d’un arrêt RPS 100 rendu par la cour suprême du Burundi en date du 23 juin 2020 signifié le 2ème jour du mois de février à l’endroit des trente-quatre personnes regroupées dans les catégories de militaires, de policiers, de politiciens, des militants des droits de l’homme et des hommes et de femmes de la presse. Ces catégories proviennent de deux ethnies majoritaires au Burundi et les militaires et policiers proviennent du CNDD-FDD, des Ex-Fab (ancienne armée avant l’intégration de mouvements armés) et d’anciens mouvements politiques armés. Tout ce monde est exilé dans les pays limitrophes et lointains. (SOS Médias Burundi)

[Les opinions exprimées dans cette publication n’engagent que l’auteur]

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Ces Burundais sont condamnés à la servitude pénale à perpétuité, à une peine supplémentaire d’interdiction d’exercer une fonction publique, une activité professionnelle ou sociale pendant vingt ans. Ils sont également condamnés à payer une somme de 5.665.901.538 Bif à l’État, au parti CNDD-FDD, à la Radiotélévision Rema FM et à certains particuliers.

Cette décision signifiée en différé soulève trois interrogations :
Pourquoi le pouvoir rend publique cette décision aujourd’hui ?

En agissant ainsi hic et nunc, quelles sont les conséquences auxquelles s’expose le pouvoir de Bujumbura ?

À quoi peuvent s’attendre les concernés ?

Le contexte

Très dernièrement en 2021, le pouvoir de Gitega se résout à clore la période de joutes oratoires envers les « bakoloni » (colons) pour accepter de reprendre le dialogue qui déboucherait sur la reprise de la coopération. Nous lisons dans le communiqué final, du 02/02/2021, signé par Ambassadeur Albert Nshingiro, représentant l’État du Burundi et Ambassadeur Claude Bochu, représentant l’UE au Burundi, que « la reprise du dialogue politique constitue une priorité partagée qui bénéficiera aux peuple burundais et européen ». C’est cette phrase qui aurait motivé la décision de rendre publique l’arrêté du 23 Juin 2020.

Les Trente-quatre personnes constituent le gros des personnes qui ont fui le pays depuis 2015.

Pour le pouvoir, ils sont accusés d’attentat à l’autorité de l’État, des assassinats et des destructions.

Frédéric Bamvuginyumvira

Le dialogue politique est un coup de poignard dans le dos du CNDD-FDD dans la mesure où il a été à la base du boycott de rounds organisés par feu William Mkapa, ancien Président de la Tanzanie. Par anticipation à ce dialogue, le pouvoir de Gitega entrevoit que d’une façon ou d’une autre, les 34 seront présents au dialogue quoi qu’il arrive. Le seul stratagème qui leur restait était de stopper la présence de ces gens –là par une telle décision. Une fois ce dialogue convoqué, Gitega va dire que ces personnes sont condamnées à perpétuité, que le pouvoir ne les reconnait pas comme citoyens bénéficiant encore du droit civil et politique.

Qui va y croire?
Seuls les imbéciles!

En agissant ainsi, Gitega peut s’exposer à deux hypothèses :
Soit, cette condamnation est acceptée par la communauté internationale et ce dialogue se tiendrait en l’absence des 34 et en présence des représentants déguisés du pouvoir.

Dans ces conditions, les conclusions qui en sortiraient seraient favorables au pouvoir de Gitega. Le tour aura été joué et l’UE sera tombée dans les pièges. La coopération reprendrait mais Gitega aura eu le beurre et l’argent du beurre à la fois.

Soit, l’EU se rendra à l’évidence et refuserait une telle manipulation et tiendrait un ton ferme envers le pouvoir de Gitega. Gitega serait forcé à revoir sa copie car les conditions économiques l’exigent.

À quoi peuvent s’attendre les concernés?

Comme dit au paragraphe précédent, ils doivent s’attendre aux deux hypothèses. Bien entendu, la deuxième hypothèse serait forcément en leur faveur et la lettre des 43 Sénateurs vient renchérir la deuxième hypothèse.

Si c’était la première hypothèse qui s’imposait, les biens des 34 seraient vendus aux enchères pour condamner leurs familles à l’errance.

L’UE qui connait bien le Burundi et les 34 dont certains ont trouvé refuge dans leurs États membres ne pourrait pas s’adonner à ce jeu dangereux.

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Frédéric Bamvuginyumvira, ancien vice-président de la République du Burundi et actuel leader de l'opposition, président de la coalition CFOR Arusha.
Frédéric Bamvuginyumvira, ancien vice-président de la République du Burundi et actuel leader de l’opposition, président de la coalition CFOR Arusha.
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