Une délégation-témoin des réfugiés burundais installés en Tanzanie s’apprête à sillonner le pays d’origine

Une délégation-témoin des réfugiés burundais installés en Tanzanie s’apprête à sillonner le pays d’origine

La dite délégation de réfugiés burundais a été choisie dans différents camps installés en Tanzanie. Elle ira au Burundi pour s’enquérir de la situation sécuritaire avant de revenir en Tanzanie pour donner rapport dans les camps et sensibiliser des réfugiés au retour volontaire. Certains réfugiés se disent être inquiets. (SOS Médias Burundi)

Chaque camp sera représenté par une délégation d’au moins dix réfugiés burundais. Au camp de Nduta, une réunion s’est tenue lundi de cette semaine, elle était dirigée par le président dudit camp mais dans la discrétion totale selon notre source au camp. Il était question de choisir des délégués. “Les délégués auront pour mission de sillonner tout le pays surtout des provinces où proviennent beaucoup de réfugiés, ils s’entretiendront avec des rapatriés pour témoigner de l’ accueil qui leur a été réservé depuis qu’ils sont retournés. Ce n’est pas tout, il est prévu qu’ils rencontrent les administratifs des provinces concernées et des cadres du ministère en charge du rapatriement des réfugiés et échanger avec ceux qui n’ont pas fui et s’enquérir de la situation sécuritaire en général », a indiqué un des délégués.

Selon une source au camp, la date de départ de la délégation-témoin n’est pas encore connue. Le groupe passera deux semaines au Burundi. “Vous allez revenir et donner rapport au camp. Vous serez témoins de la situation sécuritaire sur terrain au Burundi et vous allez donc sensibiliser vos compatriotes pour qu’ils s’enregistrent massivement au rapatriement volontaire”, telles sont des injonctions données par le président du camp, communément appelé au camp “Makaazi” dans le langage familier des réfugiés.

Inquiétudes

“L’épisode est vraiment à sa fin. Il ne reste plus rien que la mort. La Tanzanie a tout essayé pour nous chasser mais voilà elle vient de trouver une bonne formule. Ces soit-disant réfugiés qui sont choisis par l’administration du camp ne peuvent en aucun cas nous représenter. Nous ne les avons pas élus, encore moins délégués . C’est sûr qu’ils vont faire leur voyage, utiliser des frais de mission et puis ils viendront nous dire que la paix règne partout donc que nous pouvons rentrer, alors que ce n’est nullement pas vrai”, dénoncent d’autres Burundais.

Par ailleurs, certains des délégués sont déjà mal connus dans leur entourage. “Ce sont des chefs de zones et villages connus pour leur virulence et travaillant pour le compte du pouvoir burundais. On citerait ici le chef de village 2 de la zona 3. On les connaît , d’autres sont des Imbonerakure avérés”, souligne un leader communautaire qui n’a pas été convié dans la réunion de lundi.

Des camions rentrent après avoir déposé des effets des réfugiés qui devraient être transférés à Nduta
Des camions rentrent après avoir déposé des effets des réfugiés qui devraient être transférés à Nduta

En 2012, la fermeture des camps des réfugiés burundais des années 1972 et 1993 en Tanzanie comme celui de Mtabila a été précédée par de telles missions-témoin. Cette mauvaise mémoire raisonne à Nduta, comme à Nyarugusu et Mtendeli. “Sans doute qu’après cette mission, nous n’allons plus avoir d’argument pour montrer que nous ne pouvons plus rentrer chez nous. Le Burundi et la Tanzanie auront menti à la face du monde que nous avons délégué des représentants . Nous craignons la fermeture des camps”, laissent entendre des Burundais du camp de Nyarugusu.

Dans ce camp, le choix des délégués s’est opéré il y a deux semaines.

Recherche du troisième asile

Au camp de Nyarugusu, l’information a commencé à faire des effets. Depuis deux mois, chaque semaine, des centaines de Burundais tentent de rejoindre le Kenya et la Zambie, pays transfrontaliers avec la Tanzanie. “Nous avons eu des échos d’une fermeture probable des camps en Tanzanie, d’ici la fin de 2021. Et donc nous autres qui ne pouvons pas retourner au Burundi, nous devons chercher à tout prix le troisième pays d’accueil. Moi et une cinquantaine de mes compatriotes avons été interceptés non loin de la frontière kenyane. Les autres ont pu parvenir à la destination au camp de Kakuma au Kenya”, raconte un Burundais du camp de Nyarugusu qui indique que son statut et des documents de voyage ont été déchirés.

“Nos documents ont été déchirés et brulés. Nous avons des informations fiables. Raison pour laquelle, des communiqués passent tout le temps ici pour décourager les autres à emprunter ces chemins clandestins, de peur qu’ils ne subissent le même sort que nous. Mais, à voir comment nous sommes traités, nous n’allons pas désarmer”, a-t-il ajouté.

Le HCR en Tanzanie nie toute implication dans ce calvaire des réfugiés burundais. Cette Agence Onusienne tranquillise que tout réfugié qui ne choisira pas de son propre gré de rentrer au pays d’origine sera protégé et pris en charge.

Toutefois, des réfugiés burundais dénoncent la naïveté du HCR. “Nous demandons au HCR de ne pas se laisser faire et prendre des décisions qui s’imposent pour assurer la protection des réfugiés”, s’insurgent-ils.

La Tanzanie abrite encore plus de 140 mille réfugiés burundais selon les chiffres officiels.

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Photo : des réfugiés burundais sur une place publique dans le camp de Nduta

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