Burundi : la Ligue Iteka dénonce une probable dissimulation des auteurs de près de 1500 assassinats ciblés en trois ans

Burundi : la Ligue Iteka dénonce une probable dissimulation des auteurs de près de 1500 assassinats ciblés en trois ans

Dans son nouveau rapport accablant, la Ligue des droits de l’homme Iteka se montre plus sévère. Elle parle d’une impunité notoire et une dissimulation pour cacher les crimes du pouvoir du Président Évariste Ndayishimiye. (SOS Médias Burundi)

Près de 1500 cas d’assassinats ciblés pour des mobiles politiques et zéro auteur appréhendé, l’équation reste incompréhensible devant la plus ancienne organisation des droits de l’homme au Burundi, Ligue Iteka.

Son dernier rapport sur la situation des droits de l’homme et sécuritaire au Burundi se focalise surtout sur le phénomène des corps des personnes tuées par des gens non identifiés et inhumés à l’avant- vite sans la moindre enquête.

L’inhumation, d’après la Ligue Iteka, est faite sous les ordres des administratifs à la base, des agents du SNR (Service national des renseignements) , de la police et plus souvent en collaboration avec les Imbonerakure, les membres de la ligue des jeunes du parti CDD-FDD au pouvoir, depuis que le président Évariste Ndayishimiye dirige le Burundi.

Ce rapport émet des exemples qui tendraient à indiquer que cette pratique généralisée d’inhumer des corps sans vie retrouvés serait “un mode opératoire réfléchi et mis en œuvre par les agents du pouvoir”. Des exemples non isolés des administratifs et agents de sécurité dont ceux du SNR et de la police qui mettent en œuvre le plan sont également donnés dans ce rapport.

D’après la Ligue Iteka, depuis que le président Ndayishimiye est arrivé au pouvoir en juin 2020, beaucoup de personnes ont perdu la vie de différentes manières et dans la plupart des cas, le pouvoir n’a pas manifesté sa volonté de faire face à ces crimes. Dans certains cas non-isolés, les agents étatiques sont impliqués.

“Pour la plupart des cas, il est très difficile de savoir s’il y a ou pas une main cachée du pouvoir, mais le gouvernement n’assume pas sa responsabilité d’agir face à ces crimes répétitifs et généralisés et de les prévenir”, déclare Anschaire Nikoyagize, président de la Ligue Iteka.

En outre, sans prétendre être exhaustif, rappelle-t-il, le pouvoir de Gitega a mis tout son paquet pour « verrouiller l’espace et cacher les crimes qui sont commis ».

La Ligue Iteka a pu documenter 2,291 personnes tuées dont 247 assassinats attribués à des agents du pouvoir, 1188 personnes éliminées par des gens non identifiés dont la majorité a été enterrée sous les ordres des agents étatiques sans la moindre enquête, 176 mortes dans des attaques armées notamment.

Le président Neva lors de son investiture, date à laquelle la Ligue Iteka a commencé à compter les cadavres de personnes tuées sous son régime

A en croire l’activiste Anschaire Nikoyagize, « ces corps sans vie des personnes tuées par des gens non identifiés semblent ne pas inquiéter le pouvoir de Gitega qui a pourtant tous les moyens matériels, humains, financiers, la police, la justice,…pour faire ces enquêtes »

Comme illustré par ledit document, les provinces de Gitega ( centre) et Cibitoke ( nord-ouest) ont été les plus meurtrières respectivement avec 398 et 278 cas.

“Pour la province Cibitoke, la Ligue Iteka avait toujours alerté qu’elle risque d’être considérée comme un cimetière des corps sans vie vu un nombre élevé des corps retrouvés dans cette province. La plupart des victimes ont été retrouvées aux environs de la rivière Rusizi, particulièrement sur la partie riveraine de la commune Buganda, parfois ligotés par deux ou plus”, mentionne Anschaire Nikoyagize.

« Dans cette commune, la plupart des corps retrouvés ont été enterrés précipitamment sur l’ordre de l’administrateur communal, Pamphile Hakizimana souvent en collaboration avec la police et les membres de la milice Imbonerakure », s’exclame l’activiste.

La grande question que se posent les enquêteurs de la Ligue Iteka, mais qui reste en suspens est : « qui a donné l’ordre à l’administration à la base, aux agents de sécurité dont ceux de la police, du SNR, de l’armée et généralement avec la jeunesse du parti au pouvoir pour se mobiliser et procéder à l’inhumation immédiate de tout corps sans vie, sans enquêtes ? »

«Nous voulons que le gouvernement nous prouve le contraire que ses services ne sont pas derrière ces crimes, en faisant ne fut-ce qu’une seule enquête qui résulte à une peine méritée », laisse entendre Anschaire Nikoyagize.

Rumeurs et manipulations…

Le parti au pouvoir, CNDD-FDD parle de manipulation de l’opinion. Révérien Ndikuriyo, son secrétaire général y est revenu dans une conférence de presse qu’il a animée en province de Ngozi ( nord) il y a quelques jours.

« Il y a des gens qui s’amusent à lancer des rumeurs, fausses informations et des manipulations sans fondement. Ceux-là ne sont pas contents du développement du pays, ne sont pas satisfaits du fait que trois années peuvent s’écouler sans aucun assassinat. Ceux-là ne vendent que des cadavres devant leurs donateurs », a accusé Révérien Ndikuriyo. Il s’exprimait à propos de tels rapports des organisations des droits de l’homme et des informations données par des médias en exil.

Aux inquiétudes des assassinats à caractère politique, l’ancien rebelle Hutu s’en lave les mains.

«Les causes des tueries sont multiples autres que politiques : vengeances sociales, violences conjugales, règlements de compte, des conflits familiaux, …et même les membres du parti CNDD-FDD en sont aussi victimes. Alors, le pays connaît beaucoup de problèmes, raison pour laquelle l’on vous demande que si quelqu’un disparaît, faites des alertes le plutôt possible », s’est-il contenté d’expliquer.

Les évêques catholiques qualifient ce climat politique malsain comme “la loi de la jungle où le plus fort écrase le plus faible ».

Dans leur dernière déclaration, ils ont demandé au président burundais de s’ériger en défenseur de la liberté d’expression, de lutte contre l’impunité et l’intolerance politique à l’approche des élections législatives et présidentielles de 2025 et 2027.

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Photo d’illustration : des habitants dont des enfants sur un lieu de découverte macabre à Rugombo, Cibitoke, le 3 mars 2024

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