Bujumbura : un tortionnaire en détention

Bujumbura : un tortionnaire en détention

Gérard Ndayisenga, cadre des renseignements burundais est locataire de la prison centrale de Bujumbura (capitale économique) depuis ce vendredi. Il est poursuivi dans une affaire d’un opposant mort après être torturé. (SOS Médias Burundi)

Selon nos sources, M. Ndayisenga a été interpellé par des agents du SNR (Service national de renseignements) vendredi après-midi avant d’être conduit à la prison de Bujumbura communément appelée « Mpimba ».

Des sources proches de sa famille confirment son arrestation. « Son épouse est descendu sur Bujumbura pour récupérer certaines affaires afin de les ramener à son domicile », disent-elles.

L’homme originaire de la province de Kayanza (nord du Burundi) a installé sa famille dans le quartier de Shatanya. C’est en ville de Gitega (capitale politique).
Avant d’être transféré au siège des renseignements, il a été responsable des renseignements dans les provinces de Muyinga (nord-est) et Mwaro (centre) entre autres où il est accusé par des organisations de défense des droits humains d’avoir « arrêté injustement, torturé et fait disparaître des opposants ».

L’affaire pour laquelle il est maintenant poursuivi concerne la mort d’un opposant originaire de la commune de Gihanga en province de Bubanza (ouest). Augustin Matata, militant du principal parti d’opposition CNL enlevé par des agents des renseignements le 16 novembre dernier est mort dans un hôpital de la ville commerciale Bujumbura des suites de torture, selon nos sources.

Des proches de Gérard Ndayisenga estiment qu’il n’est pas le seul à répondre devant la justice. « C’est Alexis Ndayikengurukiye qui a donné l’ordre de torturer Augustin Matata. Il avait dit toutefois qu’il ne faut pas viser les parties sensibles dont la tête. Lors de la première réunion, Gérard n’était même pas présent. C’est sûr qu’il l’a interrogé mais ce n’est pas lui l’auteur de la torture »,témoignent-ils.

Et d’ajouter « Alexis Ndayikengurukiye a indiqué dans un rapport à sa hiérarchie que c’est Gérard et ses hommes qui ont torturé Augustin. Quant il l’a appris et s’est plaint, il lui a dit que tout allait s’arranger, que sa détention ne prendrait que quelques jours, qu’il faut se calmer ».

Alexis Ndayikengurukiye connu sous le sobriquet de « Nkoroka » est aussi cadre du SNR. Cet ancien responsable des renseignements intérieurs est connu dans des abus surtout dans la capitale économique Bujumbura. Il a beaucoup été cité dans des enlèvements, des assassinats d’opposants et des arrestations abusives dans des quartiers qui avaient surtout manifesté contre un autre mandat controversé de feu président Pierre Nkurunziza en 2015.

Ses opérations s’entendent aussi dans certaines communes des provinces de Bujumbura et Bubanza (ouest). L’officier serait aussi en détention, selon des informations non encore vérifiées par notre rédaction.

Un responsable du SNR nous a également indiqué que le responsable des renseignements intérieurs Alfred Innocent Museremu est sanctionné par une mise à pied indéterminée .

Les trois hommes sont cités par d’anciens détenus au cachot des renseignements parmi les plus impitoyables tortionnaires.

Récemment, la CNIDH (Commission nationale indépendante des droits de l’homme) souvent reprochée de fermer les yeux sur des violations de droits humains dans le pays a affirmé avoir documenté des cas de torture dans les cachots des renseignements de la petite nation de l’Afrique de l’est.

Elle a ajouté que les responsables du SNR ont pris l’affaire au sérieux et que des informations judiciaires avaient été ouvertes. « Il sera très difficile de traduire en justice Gérard car il risque de dévoiler plusieurs secrets comme il n’a rien à sauver. Je ne le vois pas comparaître dans une audience publique. Je sais pas comment ils vont procéder mais on ne peut pas s’attendre à un procès normal dans son cas », analyse un observateur local.

Selon des sources proches du CNDD-FDD, le chef de l’Etat est plus que préoccupé par des rapports faisant état des violations de droits humains au Burundi alors que « la communauté internationale lui témoigne son soutien ».
Si rien ne change, un remaniement est prévu au sein du service national de renseignements dont les cachots se trouvant non loin de la Cathédrale Régina Mundi à Bujumbura lui ont valu l’appellation « l’enfer à côté de la maison de Dieu » par le journaliste  Rémi Carayol.

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Photo : Gérard Ndayisenga /DR

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