Kirundo : des Imbonerakure installés dans la réserve naturelle de Murehe menacent de se transformer en bande armée

Kirundo : des Imbonerakure installés dans la réserve naturelle de Murehe menacent de se transformer en bande armée

Il s’agit d’un grand groupe de membres de la ligue des jeunes du parti CNDD-FDD dont le nombre est difficile à déterminer. Installés dans la réserve naturelle de Murehe en commune de Busoni (province de Kirundo, nord du Burundi) depuis plus de cinq ans, ils ne sont plus contents de leur traitement. Actuellement non suffisamment ravitaillés et craignant pour leur sort, ils menacent d’user de la force pour se prendre en charge. Des habitants eux, craignent des actes barbares et de vols qui risquent de se multiplier dans la localité. (SOS Médias Burundi)

La peur de ces membres de la ligue des jeunes du parti présidentiel remonte à ces derniers mois avec les tractations de re-normalisation des relations diplomatiques entre le Burundi et le Rwanda. Des sources proches des Imbonerakure concernés indiquent qu’ils se voient « de plus en plus abandonnés alors que nous étions courtisés ces dernières années ».

« Ils sont arrivés dans la réserve de Murehe se trouvant à la frontière entre les deux nations sœurs en 2016. Ils avaient le rôle de renforcer la sécurité dans des zones non occupées par les militaires dans la région. Ils traquaient et tuaient des civils qui fuyaient vers le Rwanda ou qui rentraient de ce pays. On les appelle des intouchables sanguinaires ici […] », racontent nos sources.

Seulement, les choses semblent avoir changé, selon des habitants.

« Avant , ils étaient ravitaillés en vivres collectés par le responsable des Imbonerakure à Kirundo. Abel Ahishakiye a été destitué et actuellement, il n’y a plus de collecte organisée. Son équipe constituée de démobilisés surtout n’est plus dynamique. Et l’ancien député Jean Baptiste Nzigamasabo alias Gihahe n’intervient plus également à leur côté. Et ça se complique pour eux, la situation devient insupportable dans cette réserve et ils deviennent de plus en plus abandonnés, se sentent à la fois isolés et trahis », disent des habitants qui affirment que  » certains d’entre eux viennent de passer ici cinq ans et y effectuent des entraînements paramilitaires ».

Les membres du groupe venus des provinces de Bubanza et Cibitoke (nord-ouest) et qui campent à Murehe depuis 2018 disent qu’ils ne peuvent pas « retourner chez eux après des années et demandent aux autorités de trouver une solution à leur situation ».

« À défaut, nous sommes prêts à user de la force pour garantir notre survie », menacent-ils.

Abus

D’anciens occupants de la réserve située à la frontière entre les deux sœurs nations de la région des Grands-Lacs d’Afrique affirment que « ces Imbonerakure ont tué plusieurs civils dans le parc ».

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Des anciens combattants du CNDD-FDD reconvertis en Imbonerakure pour la plupart défilent devant le président Évariste Ndayishimiye et ses invités, le 21 novembre 2020 à Bughiga,en province de Karusi (centre-est du Burundi).

« Ils ciblaient des opposants ou des supposés militants des partis d’opposition. Plusieurs personnes de cette catégorie ont été assassinées. Leurs corps ont été jetés dans une fosse qu’ils ont eux- mêmes creusée. La fosse commune est dénommée Golgotha », témoignent d’anciens membres du groupe.

Des habitants forcés de payer de l’argent ou encore de donner des vivres disent être fatigués.

« Soit on donne les vivres comme le riz, le haricot ou les grains ou la farine de maïs, ou on est obligé de verser de l’argent à des collecteurs sans pitié pour sauver notre peau. Les récalcitrants sont considérés comme hostiles au pouvoir et doivent le payer cher. Maintenant, il y a un léger mieux, mais nous avons peur car ces Imbonerakure jurent qu’ils vont user de la force. Il y a un grand risque de multiplication de cas de banditisme et d’abus de toute sorte », craignent -ils.

À plusieurs reprises, lors des journées dédiées aux Imbonerakure, des responsables du CNDD-FDD au niveau national ont « félicité les Imbonerakure pour avoir aidé à sécuriser nos frontières ». Des discours qui ont été tenus surtout dans les provinces du nord et nord-ouest du Burundi, frontalières avec la RDC et le Rwanda.

Même si les occupants de la réserve de Murehe se sentent « laissés à nous-mêmes malgré l’accomplissement de la mission qui nous était assignée », dans cette province où le CNDD-FDD se fend de plus en plus, l’administrateur communal de Busoni ayant été récemment humilié et chassé publiquement du CNDD-FDD par le président de la chambre basse, plusieurs observateurs à Kirundo estiment que  » le pouvoir a toujours besoin de leur service ».

un jeunesse dont les prestations restent nécessaires pour le CNDD-FDD

Qualifiée de milice par les Nations-Unies, la ligue des jeunes du CNDD-FDD ne cesse de se substituer à l’administration, à la justice et aux forces de défense et de sécurité dans plusieurs localités. Au cours des dernières années, les Imbonerakure ont été caractérisés par des exactions et l’impunité totale dont ils jouissent.

Avec l’arrivée anticipée du président Évariste Ndayishimiye au pouvoir à la suite de la mort inopinée de son prédécesseur Pierre Nkurunziza, leur influence a un peu diminué, dans certaines provinces des procès contre des membres de la ligue des jeunes du parti au pouvoir ayant abouti à des emprisonnements.

Mais ils continuent d’être courtisés. Depuis fin décembre dernier par exemple, des centaines d’Imbonerakure ont été envoyés aux côtés des militaires burundais dans la province du Sud-Kivu (Est de la RDC) pour traquer des rebelles du groupe armé burundais Red Tabara,selon des sources concordantes.

Sur la colline , ils restent les maîtres de la nuit, s’adonnant aux arrestations arbitraires, au racket, au passage à tabac et à des assassinats lors de patrouilles nocturnes.

Afin de renforcer leur visibilité, le CNDD-FDD a instauré une journée dédiée aux Imbonerakure. Elle est célébrée chaque année depuis 2017 et voit la participation de plusieurs délégations amies du pouvoir en place au Burundi. Avec la nouvelle restructuration du CNDD-FDD qui date de 2016, la ligue des jeunes du parti présidentiel n’a plus de « président » au niveau national mais est sous les ordres d’un commissaire en charge des ligues affiliées à l’ancien mouvement rebelle Hutu devenu parti présidentiel en 2005 qui se trouve être un ancien officier rebelle.

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Photo d´illustration : des Imbonerakure en parade lors de la journée du combattant du CNDD-FDD

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