Tanzanie : plus de deux mille Burundais ont regagné l’exil en moins de deux ans

Tanzanie : plus de deux mille Burundais ont regagné l’exil en moins de deux ans

Depuis 2020, plusieurs centaines de Burundais, anciens réfugiés en Tanzanie avant d’être rapatriés ont repris le chemin d’exil. Seulement, ils se heurtent à plusieurs difficultés dont le refus d’être officiellement reçus afin de bénéficier du statut de réfugié ou encore le fait d’être soupçonnés d’être des espions du gouvernement burundais.Les intéressés indiquent fuir la persécution qu’ils subissent une fois arrivés au Burundi. Le HCR quand à lui annonce qu’il lui est difficile d’accueillir ces Burundais que les présidents des camps (représentants du gouvernement tanzanien) ne veulent plus enregistrer. (SOS Médias Burundi)

Selon des chiffres dévoilés par des sources au sein du HCR, les Burundais qui demandent l’asile pour la deuxième fois dépassent deux mille.

« Ils sont nombreux à avoir introduit une demande d’asile depuis 2020. Et curieusement, nous constatons qu’ils avaient été rapatriés un an an avant de retourner en Tanzanie. Malheureusement le HCR ne peut pas leur accorder le statut de réfugié parce que les représentants des camps ne veulent plus voir d’anciens réfugiés burundais retourner sur le sol tanzanien, estimant que la situation s’est renormalisée au Burundi « , ont expliqué à SOS Médias Burundi des sources proches du HCR.

Pourquoi fuient-ils de nouveau ?

Selon leurs témoignages, ces anciens réfugiés rencontrent de difficultés quand ils rentrent et leur sécurité est menacée.

« On avait été rapatrié en 2019, mais sur ma colline natale, mon mari a été accusé de collaboration avec de bandes armées avant de se retrouver dans un cachot. Mais c’est un montage grotesque, les militants du CNDD-FDD ont gardé une dent contre les réfugiés. Nous avons alors décidé de fuir encore une fois en 2020 au lieu de vivre dans la persécution de tous les jours », raconte une mère de deux enfants.

Elle précise qu’en plus, leur propriété était déjà occupée par les frères de son époux.

D’autres témoignages des demandeurs d’asile originaires de Ruyigi (est du Burundi) affirment que « nous avons dû passer dans des prisons avec le même chef d’accusation de participation aux mouvements rebelles basés en Tanzanie. Quand nous avons eu la moindre chance d’être relâchés, nous devrions fuir pour nous sauver. Sinon, on ne serait plus vivants ».

Comment vivent-ils

Mal vus par l’administration des camps et leur demande rejetée par le HCR, ces Burundais vivent clandestinement.

« Nous sommes des sans papiers et nous ne bénéficions pas de l’aide. Les uns vivent dans les camps chez des amis, d’autres vivent à l’extérieur des camps. La situation est plus que compliquée pour nous , mais mieux vaut vivre difficilement sans papiers en exil que de mourir chez soi […] », racontent des pères de famille, avec résignation.

Certains affirment avoir même été rapatriés par force au Burundi par l’administration des camps avant de décider un retour en Tanzanie.

« J’ai été retourné au Burundi à deux reprises depuis 2019. Mais, je savais ce qui m’attendait chaque fois que l’on me forçait de rentrer et pour ne pas me suicider, je ne pouvais pas y habiter. Je préfère donc vivre en cachette sans papiers que de mourir « , explique un homme originaire de la province de Makamba (sud).

Malgré leus préoccupations, les nouveaux demandeurs d’asile sont des fois soupçonnés d’être envoyés par le gouvernement burundais pour espionner les réfugiés ayant refusé de rentrer.
Les soupçons sont alimentés par un cas d’un Imbonerakure (membre de la ligue des jeunes du CNDD-FDD) dernièrement surpris et dénoncé par des réfugiés.
Ce dernier a été arrêté et mis en détention, selon des témoins.

« Alors, c’est raisonnable de penser qu’il y a d’autres espions qui sont revenus pour nous guetter mais ils sont en petit nombre en tout cas”, laissent entendre des réfugiés.

Le HCR indique qu’il ne peut accueillir que des gens reçus d’abord par la Tanzanie via les présidents des camps et qu' »en dehors de ça, nous ne pouvons rien faire, car le HCR est sous l’autorité tanzanienne”.

En 2020, l’ancien président tanzanien, feu John Pombe Magufuli avait déclaré que son pays ne pouvait plus recevoir des réfugiés burundais, expliquant qu’il a entamé un programme de rapatriement de tous les Burundais se trouvant en Tanzanie. Il avait recommandé aux services en charge de réfugiés de ne plus accueillir des Burundais, non plus de leur accorder des statuts de réfugié.

Les Burundais qui n’avaient pas encore eu de statuts à cette époque peinent toujours à avoir ce document administratif.

Les réfugiés burundais en Tanzanie demandent à la présidente Samia Suluhu Hassan de « suspendre cette décision et d’accueillir des Burundais qui fuient vers son pays ».

La Tanzanie héberge plus de 300 mille réfugiés dont plus de 127 mille Burundais, selon les statistiques du HCR.

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Photo : des réfugiés burundais dans un camp en Tanzanie

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