Burundi-Rwanda : visite au Rwanda d’une délégation burundaise qui ne rassure pas

Burundi-Rwanda : visite au Rwanda d’une délégation burundaise qui ne rassure pas

Le président rwandais Paul Kagame a reçu en audience une délégation burundaise de haut niveau ce dimanche. Elle lui a remis un message confidentiel de son homologue burundais Évariste Ndayishimiye. Ces deux pays voisins viennent à peine de renouer des relations diplomatiques, mais le grand point d’achoppement reste la problématique de certains putschistes présumés vivant au Rwanda, réclamés à cor et à cri par Gitega. (SOS Médias Burundi)

La présidence rwandaise n’a pas voulu préciser l’objet des discussions entre le président Paul Kagame et la délégation burundaise.

« La délégation était au Rwanda pour délivrer un message du Président du Burundi Évariste Ndayishimiye, qui est également l’actuel président en exercice de la communauté Est-Africaine », s’est-elle contentée de dire.

Cependant, le choix des membres de la délégation en dit long sur le contenu du message confidentiel envoyé par le président Ndayishimiye à son homologue rwandais Kagame.

Le chef d’équipe était Ezéchiel Nibigira, ministre en charge des affaires de l’EAC. Le second se trouvait être le procureur général de la République, Sylvestre Nyandwi, et le troisième, le chef des renseignements burundais, Général Major Ildephonse Habarurema.

« Quand on analyse le profil de ceux qui composent cette délégation, il n’y a pas de doute que le dossier des putschistes présumés était le point central des débats», avance un ancien haut gradé burundais, aujourd’hui en exil au Rwanda depuis 2015.

Gitega veut à tout prix d’anciens militaires et policiers, des politiciens, des figures de la société civile et des journalistes en exil au Rwanda pour les traduire devant la justice burundaise car, insiste le Burundi, ce sont des présumés putschistes.

De son côté, Kigali reste campé sur sa position et clame que « la plupart de ces ennemis jurés du Burundi sont sous la protection des Nations-Unies car étant des réfugiés, donc le Rwanda n’a pas de droit sur eux ».

Néanmoins, cette assurance rwandaise ne suffit pas pour certaines figures visées par des mandats d’arrêt internationaux.

« Je m’inquiète beaucoup. Même si le Rwanda nous rassure, il pourrait y avoir des sacrifices pour le bon rétablissement des relations diplomatiques. En politique tout est possible », s’inquiète un ancien général faisant objet d’un mandat international.

Le procureur général de la République du Burundi, Sylvestre Nyandwi revient au Rwanda pour la deuxième fois en une année consécutive. Il s’était rendu au Rwanda en février 2022 en compagnie de la ministre en charge de la Justice burundaise, Domine Banyankimbona. A l’époque « des accords d’extradition des criminels » des deux côtés auraient été convenus après une rencontre à Kigali entre les délégations des deux pays.

Pour la ministre Banyankimbona, cet échange de présumés criminels importait plus.

“C’est d’ailleurs l’un des objectifs de notre mission ici. Nous devons nous assurer qu’aucun pays ne soit le refuge de criminels venant de l’autre coté. Du moins, de façon permanente”, avait-elle insisté.

Ceux qui se sont confiés à SOS Médias Burundi à Kigali considèrent la venue de la délégation de ce dimanche au Rwanda comme un suivi des accords signés.

« Si le procureur revient, c’est certainement pour demander où en est l’extradition des présumés putschistes tant attendus au Burundi. Il devra sans doute s’entretenir avec son homologue rwandais. Tout est possible entre ces deux pays. Certaines catégories de réfugiés burundais ont raison de s’inquiéter », laissent-ils entendre.

Les relations entre les deux sœurs nations de la région des Grands-Lacs d’Afrique se sont détériorées à la suite d’un coup d’Etat raté en mai 2015 contre feu président Pierre Nkurunziza. À l’époque, il avait brigué un autre mandat controversé qui a conduit à la tentative de putsch, après des semaines de manifestations réprimées dans le sang.

D’un côté, le pouvoir burundais a accusé le Rwanda d’héberger des putschistes et permettre des entraînements militaires de groupes rebelles burundais sur son sol au moment où Kigali, de l’autre côté, accusait le Burundi de collaborer et d’entretenir des opposants au régime rwandais, dont des Hutus accusés d’avoir commis le génocide contre les Tutsis en 1994, en plus de laisser son territoire servir de base arrière de mouvements armés pour attaquer le Rwanda.

La situation a commencé à s’améliorer avec l’ascension anticipée au pouvoir du président Évariste Ndayishimiye à la suite de la mort inopinée de son prédécesseur. Gage du progrès de ce processus de réconciliation, le président rwandais s’est déjà rendu une fois à Bujumbura. C’était en février dernier en marge d’un sommet des chefs d’État de la communauté Est-Africaine.

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Photo : le président rwandais Paul Kagame pose avec les membres de la délégation burundaise et une équipe rwandaise qui l’a aidé à les recevoir

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