Burundi : un ministre ordonne à la police de supprimer les enregistrements des journalistes

Burundi : un ministre ordonne à la police de supprimer les enregistrements des journalistes

Les faits se sont déroulés ce lundi dans la ville commerciale Bujumbura. Le ministre en charge des affaires intérieures et de la sécurité s’entretenait avec les gouverneurs de provinces, les commissaires provinciaux et communaux de la police. Après un mot introductif très sulfureux et contenant des allégations très graves, le ministre Martin Niteretse a ordonné à ses services de supprimer tous les enregistrements de nos collègues qui couvraient l’événement. Une liste des confrères et leurs médias respectifs a été dressée. Ils ont été menacés. (SOS Médias Burundi)

La réunion s’est organisée dans une ambiance très tendue, selon nos sources. Après un discours d’accueil du maire de Bujumbura Jimmy Hatungimana, le ministre s’en est pris à ses représentants. Il les a accusés de tous les maux.

Selon des participants, le ministre en charge des affaires intérieures et de la sécurité publique a dit que plusieurs subalternes dans les provinces lui font parvenir beaucoup de reproches, imputées à des gouverneurs, commissaires provinciaux et communaux de la police.

« Il était tellement furieux qu’il a grondé le gouverneur de Kayanza (nord) pour avoir été en retard. Le colonel Rémy Cishahayo a eu accès à la salle de réunions vers 11h 30 après avoir attendu pendant plus de deux heures. Il a été tellement grondé même quand il allait s’asseoir », raconte un participant.

Enregistrements des journalistes supprimés

Des confrères avaient été invités. Le ministre Niteretse, en insultant ses lieutenants, il revenait sur la corruption, le détournement des produits essentiels dont le carburant, le sucre, le ciment….

« Quand il s’est rendu compte qu’il y avait des journalistes dans la salle, il nous a demandé de sortir. Et après il s’est rendu compte que tout a été enregistré avant notre départ. Il a alors ordonné à ses services de supprimer tous les enregistrements audio-visuels des journalistes qui étaient présents », a confié un confrère sous couvert d’anonymat par crainte de représailles.

Plus de traces

Au Burundi, le ministère en charge des affaires intérieures et de la sécurité dispose d’une unité en charge de la communication et de ses publications. Elle accompagne le ministre partout et soigne bien sûr l’image de l’un des ministères dont les agents ont souvent été cités dans des actes de violation des droits humains. Mais ce lundi, M.Niteretse n’a même pas eu confiance en cette unité.

« Il y avait un matériel pour ça. Même les enregistrements de l’unité -presse de la police ont été définitivement formatés », a remarqué un témoin. La réunion se déroulait dans un local de la police en charge de la protection civile.

Menaces

Dans la foulée, le porte-parole dudit ministère Pierre Nkurikiye, a dressé une liste des confrères qui étaient présents ainsi que leurs médias respectifs.

« C’est une menace. En d’autres termes, il nous a mis en garde si quelque chose venait à filtrer sur ce discours », estime un employeur de l’un des concernés.

Le ministre Martin Niteretse

« C’est du terrorisme tout court. Déjà les médias pratiquent l’auto-censure ces jours-ci et en plus vous supprimez leurs enregistrements alors qu’ils ont été formellement invités », a réagi un responsable d’une radio locale.

« Une autre lecture c’est que les autorités n’assument pas ce qu’elles disent », conclut notre collègue.

Depuis son accession anticipée au pouvoir suite au décès inopiné de son prédécesseur Pierre Nkurunziza en juin 2020, le président Évariste Ndayishimiye ne cesse de promettre de mettre en place un environnement qui respecte les droits des journalistes et les protège.

Mais des défenseurs des droits humains lui reprochent de « ne pas joindre la parole à l’acte ».

« Il y a un grand fossé entre les promesses du président Ndayishimiye et ses actes », a souvent chargé Carina Tertsakian, chercheuse associée à l’Initiative des droits humains sur le Burundi (IDHB).

Dans le classement de Reporters sans frontières (RSF) sorti le 3 mai dernier à l’occasion de la célébration de la journée mondiale de la liberté de la presse, le Burundi occupe la 114e place sur 180 pays. Il était 107e en 2022.

Selon les rapports des organisations de défense des droits des journalistes, la seule femme journaliste en prison actuellement se trouve au Burundi. Il s’agit de Floriane Irangabiye condamnée à dix ans de prison ferme par la justice burundaise en appel début mai cette année.

_________________________

Photo : des journalistes dans un événement à Bujumbura

Previous Rutshuru : l'armée congolaise accuse le M23 d'avoir tué 11 jeunes dans une zone que la rébellion dit avoir cédé
Next Kayanza: la vie devenue ‘’impraticable’’ suite à une semaine sans courant électrique