Gitega : toujours pas de justice, 27 ans après l’assassinat de monseigneur Joachim Ruhuna

Gitega : toujours pas de justice, 27 ans après l’assassinat de monseigneur Joachim Ruhuna

Monseigneur Joachim Ruhuna, ancien archevêque de Gitega, a été assassiné le 9 Septembre 1996. Cet acte ignoble a été commis non loin de la rivière Mubarazi. À cette époque, les localités de Bugendana et Mutaho dans la province Gitega et Gihogazi dans la province Karusi dans le centre-est du Burundi, étaient sous le contrôle des rebelles du mouvement FDD, aujourd’hui au pouvoir avec le parti CNDD-FDD. 27 ans après son assassinat, sa famille réclame toujours justice. (SOS Médias Burundi)

Dans les cérémonies en mémoire de feu monseigneur Ruhuna, ancien archevêque de Gitega qui se sont déroulées à la paroisse de Mumuri, une foule nombreuse avait répondu au rendez-vous.

Dans son homélie, monseigneur Jean Marie Harushimana, curé de la paroisse de Shatanya, qui a dirigé cette célébration ecclésiastique, a fait savoir que monsigneur Ruhuna n’a jamais eu peur de « verser son sang pour le retour de la paix au Burund ».

« Le jour de son assassinat le 9 Septembre 1996, il avait eu l’information et on lui avait recommandé de ne pas prendre la direction Bugendana–Mutaho, mais il a décidé d’effectuer une descente de pacification dans les paroisses et sites des déplacés », a-t-il rappelé.

Monseigneur Jean Marie Harushimana a ensuite prêché le pardon, l’amour, l’unité, la réconciliation ainsi que la cohabitation pacifique, qui étaient des principes chers à feu Joachim Ruhuna. Il a aussi insisté sur les droits humains et a demandé aux Burundais d’éviter l’exclusion et la vengeance.

Un prélat inoubliable

Le regretté monseigneur Joachim Ruhuna reste inoubliable dans les cœurs des habitants de la ville de Gitega (capitale politique).

Une foule venue suivre les cérémonies en mémoire de feu monseigneur Joachim Ruhuna, le 9 Septembre 2023

Au plus fort de la crise de 1993 déclenchée par l’assassinat de Melchior Ndadaye, premier président Hutu démocratiquement élu cette année, alors qu’il était Tutsi, il avait rassemblé des intellectuels et commerçants Hutus dans les enceintes de l’archevêché pour « les protéger contre des milices et l’armée monoethnique tutsi ».

Les proches réclament que la vérité sur ce meurtre soit connu et que les auteurs soient traduits devant la justice.

Autres témoignages

En juillet dernier, la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) avait réuni des rescapés des massacres de 1972 qui ont emporté plus de Hutus que de Tutsis. C’était dans le but de reconnaître « les héros ». Parmi les survivants, Maître Fabien Segatwa, l’un des plus anciens avocats burundais et africains. Il doit sa vie à deux anciens archevêques de l’église catholique. Il s’agit de l’ancien archevêque de Gitega (centre du Burundi) Joachim Ruhuna, assassiné en 1996 par des hommes armés assimilés à des rebelles du CNDD-FDD, l’ancienne rébellion Hutu devenue parti au pouvoir depuis 2005 grâce aux accords d’Arusha de 2000 , et de l’ancien archevêque de Bujumbura Évariste Ngoyagoye, aujourd’hui à la retraite.

« Les vrais hommes de Dieu sont très différents d’autres personnes. Personne ne peut dire que son éminence feu Mgr Ruhuna ou encore son éminence Ngoyagoye l’ont fait pour pouvoir avoir quelque chose de plus de ma part. Le grand séminaire de Bujumbura (ville commerciale) nous a servi d’exemple que l’être humain peut accomplir sa mission », a témoigné l’un des plus respectueux avocats de la petite nation de l’Afrique de l’est.

Des personnes se prosternent devant la tombe de feu monseigneur Ruhuna, le 9 Septembre 2023 à Gitega

Pour Maître Segatwa, il est très important que «les gens soient au courant que la résidence de l’ancien archevêque de Gitega Ruhuna a toujours été un lieu de refuge pour les personnes sans secours jusqu’à sa mort».

Le 9 septembre de chaque année ,le synode diocésain de Gitega a décidé une journée dédiée au pardon et à la réconciliation.

Le 23 juillet 1996, l’ancien archevêque de Gitega avait qualifié de « maudits », des rebelles qui avaient massacré 648 Tutsis dans un camp de déplacés à Bugendana. L’attaque a été attribuée aux FDD. Les victimes avaient fui des tueries qui ont suivi l’assassinat du premier président Hutu démocratiquement élu, Melchior Ndadaye en octobre 1993. En 1996, au nom de l’église catholique du Burundi, l’ancien président de la conférence des évêques catholiques du Burundi monseigneur Bernard Bududira avait ouvertement accusé les FDD d’avoir tué le prélat. Deux autres personnes dont une sœur catholique qui se trouvaient dans le même véhicule que lui ont été tuées.

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Photo : des chrétiens catholiques devant le monument de feu monseigneur Joachim Ruhuna érigé dans la ville de Gitega

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