Burundi-l’IDHB se demande jusqu’où ira le président Ndayishimiye malgré sa victoire sur son principal adversaire politique : Alain Guillaume Bunyoni

Burundi-l’IDHB se demande jusqu’où ira le président Ndayishimiye malgré sa victoire sur son principal adversaire politique : Alain Guillaume Bunyoni

Dans son rapport de septembre, l’Initiative pour les droits humains au Burundi parle d’une lutte interne au sein du CNDD-FDD qui a emmené le président Évariste Ndayishimiye à faire arrêter Bunyoni, jusque là considéré comme l’homme intouchable dans le système CNDD-FDD, l’ancienne rébellion Hutu devenue parti au pouvoir depuis 2005, grâce aux accords d’Arusha de 2000. Devenu son adversaire principal, le général qui a occupé de hautes fonctions d’Etat dont la Primature s’est fait arrêté et jeté à la prison. Seulement, l’IDHB parle de lutte interne au sein du CNDD-FDD et se demande jusqu’où ira le président Ndayishimiye qui semble chercher à asseoir son autorité. (SOS Médias Burundi)

Dans un rapport que l’IDHB baptise « un adversaire vaincu », l’organisation décortique minutieusement les raisons derrière l’arrestation de l’homme naguère intouchable dans le système CNDD-FDD.

« Bien que l’arrestation de Bunyoni ait renforcé l’image de Ndayishimiye, peu de personnes pensent que cela changera fondamentalement le système. C’est une affaire interne, car Bunyoni a été remplacé par un homme au passé tout aussi sanglant (Gervais Ndirakobuca). Le système reste là et les violations des droits humains se poursuivent », a déclaré un ancien homme politique de l’opposition qui a parlé à l’IDHB.

Depuis son arrestation, il est rapidement devenu évident que Bunyoni ne serait pas tenu de rendre des comptes pour son implication dans des violations des droits humains, déclare un universitaire interrogé par l’organisation de droits humains.

Alain Guillaume Bunyoni, l’ancien premier ministre aujourd’hui détenu à la prison centrale de Gitega dans la capitale politique

«[…], Bunyoni n’a pas été éliminé pour faire le bien. Il a été mis à l’écart par peur. Des accusations d’atteinte à la sûreté intérieure de l’État, atteinte au bon fonctionnement de l’économie nationale, prise illégale d’intérêts, détention illégale d’armes et outrage envers le chef de l’État […], aucune de ces accusations ne concerne des meurtres, des actes de torture et d’autres crimes commis lors de l’une des pires périodes de répression politique au Burundi ces dernières années, lorsque Bunyoni était ministre de la Sécurité publique de 2007 à 2011 et de 2015 à 2020″, analyse-t-il.

Qu’en disent les opposants politiques?

D’après des opposants politiques, il serait naïf de penser que Bunyoni est poursuivi pour les vraies causes.

« Les crimes commis par Bunyoni et ses proches collaborateurs ne sont pas considérés comme des crimes par le gouvernement CNDD-FDD. Ces crimes ont servi le gouvernement et il les a acceptés avec plaisir. Ensuite, cela s’est transformé en un conflit personnel. Bunyoni est allé trop loin en défiant Neva (surnom de Ndayishimiye) », a déclaré un ancien politicien du CNL.

Un représentant provincial du CNDD-FDD a affirmé que « Alain Guillaume Bunyoni ne sera pas condamné », précisant « qu’il ne pourra jamais aller s’expliquer devant la barre sur cet enrichissement illicite. Pas du tout, car ce système, je le connais et ils travaillent en synergie ».

De nombreux hauts responsables du gouvernement et du CNDD-FDD auraient beaucoup à craindre d’un procès public dans lequel Bunyoni pourrait les impliquer et révéler leurs secrets.

À droite, Révérien Ndikuriyo, secrétaire général du CNDD-FDD décore un des plus jeunes garçons qui ont bien défilé lors de la 7ème édition de la Journée des Imbonerakure dans la province de Makamba, Burundi, le 26 août 2023

Selon le rapport, ‘’Les calculs qui ont conduit à l’arrestation de Bunyoni,….et à la marginalisation d’autres auteurs connus de violations des droits humains n’étaient fondés sur aucune préoccupation pour les droits humains. Ils étaient motivés par la volonté du président Ndayishimiye d’affaiblir ses adversaires et de maintenir son emprise sur le pouvoir’’.

Violation de droits humains que jamais

Sous la présidence de Ndayishimiye, l’impunité dont bénéficient de hauts représentants du gouvernement, responsables de graves violations des droits humains est plus forte que jamais. Avec Bunyoni en prison et d’autres anciens responsables puissants marginalisés, il semble qu’il suive fidèlement la tradition du CNDD-FDD consistant à punir les opposants présumés et à protéger les loyalistes de haut rang.

‘’Ndayishimiye n’a pas voulu s’attaquer au systeme judiciaire. Avec ce statu quo, il peut intervenir quand cela est dans son intérêt ou quand une pression suffisante est exercée sur lui, ou ne pas intervenir, quand ce n’est pas le cas. Cela devrait être une source de préoccupation, en particulier à l’approche des élections législatives de 2025 et des élections présidentielles de 2027’’, considere le rapport.

Des alliances notoirement inconstantes

Des observateurs que l’IDHB a interrogés parlent d’une situation qui n’est pas unique au sein du CNDD-FDD.

« Alors que Bunyoni et Nizigama (le lieutenant général de police Gabriel Nizigama, ancien chef de cabinet civil à la présidence du Burundi) sont devenus défavorables à Ndayishimiye, ce qui leur a valu la chute, Gervais Ndirakobuca alias Ndakugarika (je vais te tuer en Kirundi) a choisi de s’aligner derrière Ndayishimiye et de déclarer son soutien à ses réformes. Cette relation Ndayishimiye-Ndirakobuca une alliance de circonstance… Au CNDD-FDD, il n’y a jamais eu trop de cohérence… Il y a toujours eu des alliances de circonstance pour la survie du système », estime le document.

Il donne l’exemple du temps de feu président Pierre Nkurunziza où des alliances entre hauts responsables ont changé à plusieurs reprises.

« Certains généraux (dont Ndayishimiye) prenant position en 2014 contre les pouvoirs excessifs accordés par Nkurunziza à Bunyoni et à l’ancien chef du SNR, Adolphe Nshimirimana, assassiné en 2015 », rappelle-t-il.

Le colonel de police Désiré Uwamahoro, ancien commandant de la Brigade anti-émeute, poursuivi dans le même dossier que Bunyoni

Actuellement, des décisions très importantes sont prises par le trio Ndayishimiye-Prime Niyongabo (lieutenant général, chef d’état major de la FDNB -Force de défense nationale du Burundi)-Gervais Ndirakobuca contrairement au régime Nkurunziza où les reines du pouvoir étaient dans les mains d’une dizaine de généraux.

Les membres de la ligue des Imbonerakure

Le rapport évoque également la question des Imbonerakure (membres de la ligue des jeunes du CNDD-FDD), une arme imprévisible dans l’arsenal du CNDD-FDD aux mains de Révérien Ndikuriyo (secrétaire général du CNDD-FDD) lui aussi intransigeant…., selon l’organisation.

L’IDHB s’interroge alors jusqu’où ira le président Ndayishimiye dans ses manœuvres.

L’ancien premier ministre du Burundi Alain Guillaume Bunyoni est en prison depuis le 8 mai dernier. Récemment, il a été entendu par la cour suprême qui a confirmé sa détention provisoire.

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Photo d’archives : le président Évariste Ndayishimiye lors de son investiture

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