Photo de la semaine : l’apocalypse pour les réfugiés burundais en Tanzanie s’annonce

Photo de la semaine : l’apocalypse pour les réfugiés burundais en Tanzanie s’annonce

Le ministère en charge des réfugiés en Tanzanie annonce une probable fin du statut de réfugié burundais dans un délai «très court ». L’envoyé spécial dudit ministère a visité deux camps pour livrer cette « triste nouvelle » qui sera «concrétisée » par une réunion de la commission tripartite cette semaine à Dar-es-Salaam. (SOS Médias Burundi)

Le « célèbre » Sudi Mwakibasi, secrétaire permanent au ministère de l’intérieur tanzanien s’est d’abord rendu mardi à Nyarugusu avant de poursuivre mercredi avec Nduta, deux grands camps où se concentrent près de 118 mille réfugiés burundais.

Il a pris soin de rencontrer tous les leaders communautaires, des chefs de villages et de zones ainsi que toutes les agences humanitaires qui opèrent dans ces deux camps pour que son message, inquiétant, passe.

« Allez annoncer aux réfugiés burundais que vous représentez que la fin du statut de réfugiés se profile à l’horizon. On l’a toujours dit et redit ! Maintenant c’est la concrétisation dans un temps qui n’est pas lointain, en tout cas ! », a-t-il précisé, envoyant les leaders communautaires à aller « prêcher » ce qu’il a qualifié de « bonne nouvelle », comme le racontent ces chefs de zones et villages aux camps de Nyarugusu et Nduta qui ont pris part à ces rencontres.

Le cadre du ministère de l’intérieur en charge des réfugiés a souligné que toutes les dispositions nécessaires ont été prises pour débuter « le rapatriement massif et rapide ».

A en croise Sudi Mwakibasi, une réunion de la commission tripartite composée par le Burundi, la Tanzanie et le HCR est prévue cette semaine pour bénir la décision, apparemment annoncée avant sa signature officielle.

« Dans cette réunion, on va couper le ruban pour mettre fin au statut de réfugiés burundais sur le sol tanzanien. Plusieurs choix seront ouverts : soit être rapatrié, soit demander une naturalisation ou encore vivre comme un étranger en bonne et due forme. Donc préparez bien ceux que vous représentez ! », a-t-il déclaré, dans un ton plutôt déconcentré «comme s’il annonçait effectivement une bonne nouvelle », témoignent des réfugiés.

Mise en garde

Il a recommandé aux réfugiés de ne pas résister.

« Nous vous prions de vous ajuster à la mesure qui sera prise par la commission tripartite, vous en êtes déjà avertis. Soyez calmes, tranquilles et suivez le chemin qui vous sera tracé, sinon nous allons utiliser tous les moyens possibles pour assurer la sécurité », a-t-il martelé, se souviennent des leaders des réfugiés qui, «émus, n’ont même pas posé des questions ou fait de commentaires».

Triage…

Le représentant du ministère de l’intérieur a ensuite indiqué qu’un recensement sera fait pour que « ceux qui nécessitent effectivement une protection spéciale soient connus ». Et d’ailleurs, a fait savoir Sudi Mwakibasi, « le HCR a déjà collecté ces données, il reste qu’elles soient affichées ».

Ici, les réfugiés se demandent quand est-ce que ce recensement « pour déterminer le niveau de sécurité aurait été conduit sans en être informés».

Signes avant couleurs…


«Ils ont repris », indiquent des réfugiés. « Ils », ce sont des jeunes gardiens civils et des policiers qui ont détruit des champs de maïs, bananeraies et haricots depuis le week-end dernier.

De petits marchés qui s’étaient introduits dans les villages et sur le terrain de la zone 9 ont été aussi vandalisés, au camp de Nyarugusu.

« C’est un signe qui ne trompe pas qu’ils vont passer à l’acte, mais nous n’allons pas désarmer, nous allons résister, personne ne va monter dans leurs camions, ils pourront rapatrier nos cadavres », réagissent plusieurs réfugiés dans les deux camps.

Mauvais souvenirs de 2012…

En 2012, le dernier camp de Mtabila a été détruit, brulé dans la région de Kigoma qui abrite toujours Nyarugusu et Nduta. A l’époque, le camp hébergeait des réfugiés burundais qui avaient fui les crises de 1972 et 1993.

«Je me souviens que mon père a failli être assassiné quand il résistait, lui et ses compatriotes. J’ai vu des cadres et des personnes qui sautaient des camions qui roulaient à grande vitesse au lieu d’aller se faire tuer au Burundi. Je préférai mourir de la sorte ! », laisse entendre un Burundais, qui est à son 3ème refuge en Tanzanie depuis la crise de 1972 qui a emporté plus de Hutus que de Tutsis.

Les réfugiés burundais demandent à la communauté internationale de dénoncer les dires de Sudi Mwakibasi et appellent le HCR à ne pas se laisser faire.

C’est la première fois qu’un envoyé spécial du ministère de l’intérieur, accompagné d’un officiel de la région de Kigoma (nord-ouest de la Tanzanie) , tous les deux en charge des réfugiés, prononce ce genre de discours, « combien aux lourdes conséquences », d’après des réfugiés burundais.

Ils demandent à la présidente tanzanienne Samia Suluhu Hassan de prendre cette question en main et d’agir conformément aux conventions internationales relatives à la protection des réfugiés que son pays a ratifiées, sinon, disent-ils, le pays en sera responsable devant les tribunaux internationaux.

Et de s’interroger : «pourquoi c’est uniquement la Tanzanie qui veut mettre fin au statut de réfugiés burundais alors qu’il y a des dizaines de milliers au Rwanda, en Ouganda, au Kenya et RDC ? C’est-à-dire que les autorités burundaise et tanzanienne collaborent pour nuire aux réfugiés! Et d’ailleurs nous en appelons à la communauté de l’Afrique de l’Est pour plaider en notre faveur », renchérissent ces Burundais, désespérés.

Le HCR n’a pas encore réagi

Pourtant, la question des réfugiés devient un enjeu politique. Un parti d’opposition en Tanzanie, « ACT-The Alliance for Change and Transparency » (Chama cha Wazalendo) a récemment appelé le gouvernement tanzanien à « ne plus piétiner les droits des réfugiés qu’il héberge », citant notamment la fermeture des marchés, les disparition forcées et les restrictions aux droits de liberté et de mouvement.

Zito Zuberi Kabwe, le responsable de ce parti a, dans un meeting qui s’est déroulé ce mardi en commune Kibondo où est installé le camp de Nduta déploré que  » les réfugiés congolais sont bien traités contrairement aux Burundais ».

Il a parlé d’une situation « inacceptable ».

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Notre photo : un jeune garçon issu d’une famille de réfugiés burundais se tient devant la maison de ses parents au camp de Nduta, novembre 2023

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