Burundi : difficile de se procurer un document de voyage sans corruption

Burundi : difficile de se procurer un document de voyage sans corruption

Les dénonciations sur une pratique de corruption dans les bureaux de la Police de l’air et des frontières au Burundi sont de plus en plus pressantes.Des demandeurs de documents disent qu’en plus du montant officiel pour chaque document demandé, le demandeur doit impérativement payer jusqu’à 300 000 francs burundais supplémentaires, voire plus.La direction générale de l’immigration n’a pas encore réagi. (SOS Médias Burundi)

Des demandeurs de documents de voyage qui dénoncent la pratique parlent d’un réseau organisé.

« Ce n’est même pas un secret. Quand tu te présentes pour demander un passport ou un autre document, il y a des agents de la police qui s’approchent pour passer discrètement le message. On te demande si tu veux le document en urgence ou pas », racontent nos sources.

Si tu es dans l’urgence, tu dois, à côté du prix officiel du document, payer 300 000 francs burundais de plus.

Le pot-de-vin serait immédiatement acheminé vers l’autorité de la direction générale de l’immigration qui doit autoriser la production en urgence d’un document, avouent des sources policières.

Pour les demandeurs qui font une demande ordinaire, ils sont attendus au dernier tournant pour que, eux-aussi paient l’argent supplémentaire.

« Une fois toutes les étapes terminées, il reste la production. Et c’est là que tout est bloqué. Celui qui n’a pas payé les frais pour une production d’urgence se voit attendre infiniment. Sa commande est mise de côté », dénoncent des lanceurs d’alerte.

Ils précisent que « quand tu viens demander pourquoi ton document n’a pas encore été produit, on te dit que seuls les documents urgents sont autorisés pour la production. Là, tu dois donc payer les 300 000 francs burundais ».

Avec cette pratique qui semble s’être institutionnalisée, il est donc devenu très difficile, voire impossible pour des gens à faibles revenus de trouver un document de voyage au Burundi.

Des habitants de la ville commerciale Bujumbura précisent même que des agents du Service national des renseignements burundais font semblant de surveiller la situation pour lutter contre la corruption.

« Mais en réalité, c’est pour tromper l’opinion en faisant croire qu’ils sont contre la pratique, alors qu’ils en sont eux-aussi complices », accusent nos sources qui critiquent qu’aucun policier n’a jamais été inquiété quand il collecte l’argent.

Des demandeurs de documents trouvent que la corruption à l’immigration est une forme de mafia organisée et que « vaut mieux que le document soit cher et que l’argent ainsi payé entre dans les caisses de l’État ».

Ce n’est pas la première fois que la pratique de corruption est rapportée dans les services de l’immigration de l’un des pays les plus corrompus du monde, selon différents rapports des organisations qui luttent contre la corruption.

La direction de l’immigration n’a pas encore réagi. En mars 2022, le commissaire général des migrations Maurice Mbonimpa, avait reconnu l’existence d’un système de corruption dans l’octroi des passeports mais a tout de même « rejeté le tort aux intermédiaires qui pouvaient vendre un passeport entre 1 et 5 millions de francs burundais ».

À plusieurs reprises, des demandeurs de passeport ont dénoncé « cette lenteur non expliquée et le népotisme remarqués dans la délivrance des passeports » dans la petite nation de l’Afrique de l’est classée parmi les pays dont le prix du passeport est très élevé. Pour une validité de dix ans, le passeport burundais coûte 235 mille francs (soit 117.5 USD) dans un pays où
87 % de la population vit avec moins de 1,9 USD/jour selon la Banque mondiale.

Il faut préciser que la délivrance des passeports avait été suspendue depuis le 24 mai 2021.

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Photo d’illustration : les bureaux de la PAFE ( Police de l’air, des frontières et des étrangers)

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