2023, une année cauchemardesque pour les réfugiés burundais vivant dans les camps

2023, une année cauchemardesque pour les réfugiés burundais vivant dans les camps

De l’assassinat au Kenya et au Malawi jusqu’à une possible fin de statut de réfugié en Tanzanie en passant par une considérable réduction de l’assistance au Rwanda, le micro baladeur de SOS Médias Burundi est allé à la rencontre des réfugiés burundais dans leurs camps. Récit. (SOS Médias Burundi)

• Dzakela-Malawi

Au camp de Dzaleka, une trentaine de réfugiés, essentiellement burundais et congolais, ont été tués au cours de l’année passée par des hommes munis soit d’armes blanches, soit de grenades.

« Des actes d’insécurité ici sont devenus monnaie courante. On s’y habitue presque. Au cours de la seule deuxième moitié du mois de décembre, deux réfugiés ont été tués. Le nombre total que j’ai personnellement compté dépasse 30 depuis janvier», raconte un des leaders de réfugiés burundais.

Des réfugiés en attente d’être servis par Brave Heart au camp de réfugiés de Meheba en Zambie

Quand il s’agit des disparitions, ce même leader se rappelle que, dans une réunion avec les officiels du HCR et du gouvernement du Malawi, «un chiffre de plus d’une centaine a été évoqué, la plupart étant des jeunes hommes, qui se seraient rendus soit en Afrique du Sud ou des jeunes filles parties pour les pays du Golfe ».

Cette année, le camp a organisé des rondes nocturnes pour essayer d’endiguer cette situation, tandis que la police a opéré des rafles.

• Kakuma-Kenya

Kakuma aura vu une vingtaine de réfugiés tués à l’aide « de machettes ». La plupart sont des motards dont les engins ont également été volés et des commerçants qui ont été la cible de bandits armés. Dans ce camp, des réfugiés rejettent la responsabilité à la police « qui ne prend pas des mesures adéquates pour les présumés auteurs arrêtés ».

« On a , à maintes reprises dénoncé ce laxisme de la police, on a aussi pointé du doigt des Sud soudanais de l’ethnie des Nuer comme présumés auteurs de ces actes de barbarie, mais rien n’a été fait. On en est pour le moment au rythme de la vengeance et de la justice populaire. En 2024, on va appliquer la formule : Œil pour œil», souligne un réfugié burundais, furieux, rappelant que seuls les réfugiés dits « des Grands-Lacs, à savoir les Burundais et Congolais », sont plus visés par cette machine d’insécurité.

Des demandeurs d’asile burundais devant des abris de fortune en bâches dans le Sud-Kivu

A Kakuma, il est apparu aussi un phénomène de mortalité infantile qui résulte des « mauvaises conditions d’accueil » surtout à l’hôpital central dit « seven ». « L’exemple typique est la dernière semaine de l’an 2023 où l’on a dénombré six morts-nés », déplorent des réfugiés.

• Nyarugusu/Nduta-Tanzanie

Dans les camps de Nyarugusu et Nduta en Tanzanie, des réfugiés sont surtout confrontés à l’incertitude du lendemain.

« Nous sommes tous dans l’incertitude totale car la Tanzanie a déjà conclu un accord qui mettra fin au statut de réfugié dès l’année prochaine. Donc, la fin de 2023 annonce presqu’une sorte d’apocalypse pour nous. C’est une situation que nous vivons déjà depuis le début de cette année, reste la concrétisation », se désolent des Burundais.

Ils reviennent sur des temps forts, sombres de 2023 :

« Insécurité autour des camps, discours de haine ou de peur, fermeture des marchés qui a influencé une hausse considérable des prix des denrées alimentaires du simple au double, destructions méchantes des champs de cultures, interdiction des activités agricoles, découvertes de cadavres à l’intérieur et non loin des camps, fermeture des centres de santé, arrestations arbitraires de réfugiés, huit réfugiés tués par un coup de foudre, épidémie de malaria, etc. », égrènent-ils pour résumer 2023.

Des femmes attendent d’être reçues au centre de santé de la zone 8 à Nyarugusu, en vain

Le seul point fort qu’on peut signaler est que les gens s’adonnent plus à prière, « mais là-aussi, c’est l’un des signes de la peur du lendemain », concluent nos interviewés.

• Mahama-Rwanda

A Mahama, c’est plus la réduction de la ration qui fait couler beaucoup de salive. Le HCR et le PAM ont revu à la baisse l’assistance réservée aux réfugiés, « par manque de financements », expliquent ces agences onusiennes.

« Cela a eu beaucoup d’influence sur la misère que nous vivons ici. A vrai dire les prix ont même chuté sur le marché à cause du manque de clientèle. Les gens ici mangent à peine une fois par jour », indiquent des réfugiés qui relativisent en parlant de « situation de pauvreté normalisée car les gens ont fini par s’habituer au calvaire quotidien ».

Interrogés sur les fêtes de fin d’année, ils ne se sentent pas concernés.

« Ici entre le 20 de chaque mois et le 10 du mois suivant, c’est le jeûne involontaire, une période dure, car on a épuisé les stocks et on attend les prochaines distributions. Donc, les fêtes de Noël et de Nouvel An arrivent au mauvais moment », désespèrent-ils.

Un marché au camp de Mahama au Rwanda où l’assistance aux réfugiés a été considérablement réduite

D’autres semblent y mettre de l’humour. « Depuis Noël, la police n’aura pas eu de gens à emprisonner parce qu’il n’y a pas eu de beuverie, encore moins de crimes habituellement nombreux en ces jours de fin d’année, pas de blessés qui se rendent au dispensaires à cause des bagarres pour un verre de trop, aucun signe de fête ici dans les villages, on dirait que nous sommes en période de deuil ! », laissent-ils entendre.

• Meheba-Zambie

La misère des fêtes de fin d’année n’a pas épargné le camp de Meheba en Zambie.

« Normalement, on achetait de nouveaux habits pour les enfants, on préparait un bon plat à Noël surtout, mais aujourd’hui, on est loin de là. Tenez, même à l’abattoir, il n’y avait pas de viande le jour de Noël car les bouchers savent qu’ils n’ont pas de clients potentiels ! Une première ! », font remarquer des réfugiés burundais qui parlent de la hausse des prix sur le marché.

Mais certaines catégories ont été privilégiées.

Seules les personnes les plus âgées, les handicapées, les plus vulnérables et celles qui souffrent des maladies chroniques graves ont bien célébré le Nouvel an, selon des réfugiés.

Elles ont reçu leur assistance vendredi dernier avec les arriérés des six derniers mois.

« Ces catégories ont reçu une assistance de six mois, c’est-à-dire 1680 kwacha zambiens en raison de 280 kwaca par mois. Mais, la plupart d’entre elles avaient contracté des dettes un peu partout, ce qui veut dire qu’elles vont tout simplement rembourser les dettes maintenant ”, renseignent nos sources.

Ces réfugiés considérés comme les plus vulnérables souhaitent qu’en 2024, ces retards dans la distribution de leur assistance ne se reproduisent plus.

• Nakivale-Ouganda

C’est uniquement au camp de Nakivale où le goût de Noël et du Nouvel An semble se sentir. « J’ai vu des gens qui ont fêté, acheté de nouveaux habits pour leurs enfants ou encore ceux qui ont pris un verre de trop et qui chantaient dans les rues même pendant la nuit de Noël », a constaté un reporter SOS Médias Burundi.

Autre constat, pas habituel à Nakivale : «des vaches ont été abattues, et le kilo de viande est passé de 14 000 à 17 000 shillings ougandais car la demande semblait dépasser l’offre ».

Mais, regrettent certains Burundais, ces fêtes sont réservées uniquement aux communautés congolaise, éthiopienne ou encore somalienne, «mais pas les réfugiés burundais ».

Des réfugiés sur un centre de distribution des aides au camp de Nakivale en Ouganda

Selon ces Burundais, les communautés qui font la fête «sont déjà bien établies, ont des commerces et des parentés à l’étranger qui leur envoient de l’argent ». Pour les Burundais, rien d’anormal car « nous sommes dans la misère, sans revenus », font-il remarquer.

• Lusenda-Mulongwe (RDC)

Dans les deux camps installés sur le territoire de Fizi, en province du Sud-Kivu à l’est de la RDC,l’insécurité qui y règne n’a pas épargné les réfugiés burundais. Il s’est aussi observé un mouvement croisé de réfugiés, avec d’anciens réfugiés qui retournent dans les camps malgré les conditions de vie très difficiles et de Burundais qui préfèrent « rentrer pour mourir chez nous ».

D’après les statistiques du HCR au 30 novembre dernier, plus de 246.000 Burundais sont toujours en exil, essentiellement dans les pays de la communauté de l’Afrique de l’Est avec plus de 45% en Tanzanie, 19% au Rwanda et en RDC ainsi que 16% en Ouganda.

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Photo d’archives : un jeune garçon devant la maison de ses parents au camp de Nduta en Tanzanie

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