Burundi: vers la dépénalisation partielle des délits de presse

Burundi: vers la dépénalisation partielle des délits de presse

Le conseil des ministres tenu mercredi et jeudi à Gitega (capitale politique) a adopté un projet de loi portant révision de la loi sur la presse. Parmi les grands amendements, une dépénalisation des délits de presse, qui prête toujours à confusion aux yeux des professionnels des médias. (SOS Médias Burundi)

L’intention n’est autre que l’amélioration du climat de la presse, l’évolution du métier et le renforcement de la culture démocratique basée sur une presse libre et indépendante selon le conseil des ministres.

Pour y arriver, la ministre en charge des médias et des TIC a introduit un projet de loi portant révision de la loi sur la presse qui date de 2018.

“Le projet s’inscrit dans le cadre de l’actualisation de la loi sur la presse, de la suppression des peines d’emprisonnement des journalistes pour des délits de presse, de dépénaliser ces délits et les punir par des amendes allant de 500 à 1.500.000 francs burundais”, a indiqué Jérôme Niyonzima, porte-parole du gouvernement qui a lu le communiqué final du conseil des ministres.

La nouvelle a été bien accueillie par le syndicat des journalistes, Burundian Journalists’ Alliance.

“Le Burundi marque un point, notre doléance vient d’être exaucée. C’est vrai qu’un journaliste reste citoyen ordinaire qui peut commettre des infractions de droit commun, mais qu’il soit emprisonné pour des délits de presse était d’une extrême injustice envers le métier et le droit à l’information”, a réagi Melchior Nicayenzi, président dudit syndicat, reconnu par la loi au Burundi.

Une bonne volonté controversée et codée…

Pour les professionnels des médias, la bonne volonté du gouvernement n’est pas apparente et manifeste.

“Le projet de loi mentionne qu’il s’agit d’une dépénalisation partielle, donc la main mise y reste. Et puis, l’appréciation des délits de presse laissée aux mains des juges prête à confusion, ils pourront qualifier un délit de presse comme étant de droit pénal, pour dire que les journalistes peuvent toujours se retrouver dans les geôles”, analyse un journaliste basé dans la ville commerciale Bujumbura.

Un autre confrère qui travaille pour le compte d’une radio locale regrette que même la loi de 2018 n’était pas respectée.

“Les journalistes sont souvent malmenés, il leur est refusé d’accéder aux sources d’information alors qu’ils détiennent la carte de presse.
Je trouve que la mise en application de ces lois pose toujours problème, ce qui fait que même la nouvelle peut rester lettre morte”, fait-il savoir.

Ledit projet de loi est l’aboutissement d’un long combat entamé par l’Union Burundaise des Journalistes, UBJ, en 2011 avec des manifestations pour réclamer la dépénalisation des délits de presse.

Depuis lors, une dizaine de journalistes ont fait la prison jusqu’à Floriane Irangabiye qui croupit toujours dans la prison centrale de Bubanza à l’Ouest du pays.

Espoir minime

“Le problème est que les journalistes sont emprisonnés avant les enquêtes même alors que ça devrait être l’inverse. Donc, on est toujours inquiets car quelqu’un peut être emprisonné pour de simples soupçons”, a regretté une femme journaliste qui a été emprisonnée durant plus d’une année.

L’Union Burundaise des Journalistes qui compte aussi des journalistes en exil est en partie satisfaite.

Cependant, Alexandre Niyungeko, président de l’UBJ trouve que le chemin vers la liberté de la presse reste toujours long.

“On ne peut ne pas saluer cette avancée quand même, mais rien n’augure un soulagement car un pays qui ne respecte pas la liberté d’expression ne peut pas laisser s’épanouir la liberté de la presse alors que les deux vont de pair. Ensuite, s’il fallait montrer que le gouvernement tient sur la liberté de la presse, il devrait d’abord libérer la journaliste Floriane Irangabiye qui purge une peine pour une infraction qu’elle n’a pas commise”, lâche-t-il.

Le projet de loi devra d’abord passer par l’Assemblée nationale pour adoption avant d’être promulgué par le président de la République. Les professionnels des médias trouvent qu’il pourrait subir des amendements durs durant ce processus du moment que la procédure est déclenchée à la veille des élections de 2025 où les médias doivent être censurés.

Dans le classement de Reporters sans frontières (RSF) sorti le 3 mai 2023 à l’occasion de la célébration de la journée mondiale de la liberté de la presse, le Burundi occupe la 114e place sur 180 pays. Il était 107e en 2022.

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Photo : des journalistes burundais en train de couvrir un événement dans la ville commerciale Bujumbura

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