Nduta (Tanzanie) : une cellule de torture improvisée en plein camp

Nduta (Tanzanie) : une cellule de torture improvisée en plein camp

Des réfugiés dénoncent des séances de torture au bureau du président du camp de Nduta. SOS Médias Burundi a déjà répertorié cinq cas, certains présentent des blessures. Les témoignages sont accablants. (SOS Médias Burundi)

D’après les victimes, la cellule de torture est située au bureau du président du camp de Nduta, dans la zone I.

«Il s’agit d’une petite chambre, cachée à l’intérieur du bureau. Son emplacement ne suscite aucun soupçon », selon des réfugiés qui y ont été emmenés.

L’objectif, d’après notre enquête est de torturer des réfugiés coupables de petites infractions qui ne peuvent pas faire objet de poursuites judiciaires.

Jean Claude* (nom d’emprunt) habite le camp de Nduta. Il nous supplie de ne pas dévoiler sa zone et village d’habitation (nous les tenons secrets). Il a été arrêté en train de faire du sport sur une route goudronnée qui traverse ledit camp.

« Je ne m’inquiétais pas et du coup j’ai été surpris par des jeunes gens qui sont venus sur une moto. Ils m’ont dit qu’ils sont du département des ‘opérations’. Ils m’ont accusé de faire du sport illégalement et m’ont présenté au poste de police », témoigne-t-il.

La police a jugé bon de laisser aller le jeune homme car, estime-t-elle, le sport n’est pas interdit.

Comme pour le libérer, la police l’a envoyé au bureau du camp.

« Arrivé là-bas, c’est le calvaire qui a commencé. On m’a mis dans cette cellule de torture. J’ai été sérieusement tabassé, les jambes en l’air, la tête dirigée vers le bas. Ils versaient de l’eau sur moi tout en me chuchotant jusqu’à perdre connaissance », admet-il.

Dans la salle, il se remarque « des traces de sang sur les murs, ce qui laisse à penser que le pire s’y commet sans doute », se souvient-il avec peur.

Le jeune Burundais a été traumatisé.

« Imaginez qu’ils m’ont libéré en m’obligeant de revenir trois fois la semaine le lundi, mardi et le mercredi pour subir les mêmes séances ».

Comme si cela ne suffisait pas, ses tortionnaires lui ont prescrit des corvées.

« Si ce n’est pas le jour de torture, je devais faire le nettoyage de la cour, arroser les fleurs ou encore entretenir des pépinières d’arbres et une reverse plantée non loin du camp. C’est un travail pénible, fatiguant et traumatisant », regrette-t-il.

Quand Jean Claude* endurait ce chemin de croix en mars dernier, il y a rencontré trois autres réfugiés burundais, dont il ne se souvient pas exactement les noms.

« Le sort était le même et personne n’osait en parler car ils nous menaçaient de mort. Après, ils nous ont obligés de nous enregistrer pour un rapatriement dit volontaire. Pour moi, ils se moquaient de mon cas en disant ‘va faire du sport chez toi !’, ce qui est aberrant », laisse-t-il entendre.

Le cinquième cas est celui de Benoit* (nom d’emprunt aussi) qui s’est chamaillé avec son épouse.

« Mon cas a été rapporté je ne sais comment ni par qui chez Makaazi (président du camp). Ce que je sais, c’est que je me suis retrouvé dans la cellule-abattoir au bureau du président du camp », indique-t-il.

« Régime de chucottes toute la journée, pendant trois jours. Un jour j’ai perdu connaissance et quand je me suis réveillé, je ne pouvais même pas bouger les jambes », décrit ce jeune chef de ménage de la zone 12 (nous omettons sciemment le numéro d’habitation et de village).

Il partage le même sort que les autres Burundais qui ont passé par cette cellule dénoncée par les réfugiés burundais du camp de Nduta.
Quand Benoit* a eu le courage de témoigner, discrètement ce lundi 15 avril, il venait de terminer son calvaire de deux semaines.

Certains de ces victimes devront aller à l’hôpital pour se faire soigner des séquelles de ces tortures subies comme « des blessures ou encore des fractures, et d’autres devront faire des séances de Kinésithérapie pour bien marcher », apprend-on.

Du moment que les victimes sont forcées de ne rien révéler, celles qui osent sortir du silence, demandent aux leaders communautaires d’ »exiger des enquêtes pour que les tortionnaires soient traduits en justice ».

Ces réfugiés se disent prêts à témoigner devant une commission d’enquête si leur sécurité est assurée.

Les réfugiés burundais y voient une autre forme de forcing pour le rapatriement dit volontaire qu’ils dénoncent toujours d’être forcé.

Le camp de Nduta abrite plus de 64 mille réfugiés burundais. Les occupants ont fui la crise de 2015 qui a été déclenchée par un autre mandat controversé de feu président Pierre Nkurunziza, pour la plupart.

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Photo : un jeune garçon devant la maison de ses parents au camp de Nduta en Tanzanie

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