Bujumbura : la messe du président Neva
Le président burundais Évariste Ndayishimiye organise une émission publique au moins une fois l’année. Au cours de cette conférence, il reçoit normalement les questions et doléances des journalistes et résidents. Cette année, il a proposé que la conférence soit organisée autrement : et les habitants et les journalistes pourront intervenir et donner des réponses ou proposer des solutions dans un pays qui connaît une crise généralisée, celle de carburant qui vient de durer bientôt quatre ans, étant la plus dévastatrice. (SOS Médias Burundi)
Les responsables des médias ou les rédacteurs en chef ont été informés du nouveau format de cette émission, le vendredi 20 décembre lors d’une réunion de préparation qui s’est déroulée dans les enceintes de la Maison de la Presse dans la ville commerciale Bujumbura. Un représentant de la cellule présidentielle en charge de la communication et des médias et le président de l’Association des radiodiffuseurs du Burundi (ABR) étaient présents à cette réunion.
« Le président veut que l’émission prenne cette forme. Il veut qu’elle revêt un autre format et ait un autre dynamisme », a informé aux concernés, le représentant du chef de l’État. Un spot-promotion de l’émission qui appelle la population burundaise, les journalistes et les responsables des associations de la société civile à « participer et donner leurs contributions », est joué sur les différentes radios. Il a aussi été partagé dans des groupes WhatsApp de confrères.
L’émission va se dérouler sur un terrain d’une école secondaire sous convention catholique dans le quartier Nyakabiga, en commune urbaine de Mukaza dans le centre de Bujumbura. Elle va commencer à 9h pour durer trois heures. Les participants sont priés d’y arriver avant 8h.
Deux lignes ont été mises à la disposition de toutes les personnes qui voudront poser des questions ou donner des contributions et réponses à distance. Et les appels seront gratuits pour les clients de l’ONATEL , l’Office national des télécommunications en faillite.
Réactions
Certains observateurs parlent de « diversion » dans un pays qui connaît une crise généralisée.
« Le pays n’a pas de devises, la pauvreté a atteint son paroxysme, le Burundi est classé le pays le plus pauvre et le plus affamé au monde, les rapports des organisations de défense des droits humains et de l’ONU montrent que la situation des droits de l’homme ne cesse de se détériorer, le pays envoie des soldats au Congo pour mourir dans une guerre qui ne concerne pas le Burundi et le discours de haine se renforce de plus en plus , les investisseurs ont déserté le pays suite à la mauvaise gouvernance…la liste de questions sérieuses qui exigent la lucidité et le sérieux du chef de l’État ,est très longue » , dit un journaliste burundais.
« Comment peut-on s’attendre à une émission digne de ce nom dans une situation pareille et espérer des résultats dans trois heures ? C’est se moquer des gens », ajoute-t-il.
Pour un autre responsable d’un média d’Etat qui a parlé sous couvert d’anonymat, le président « dénigre tout le monde ».
« Moi je trouve que le président Évariste veut dénigrer tout le monde, à commencer par les journalistes. Comment peut-on appeler les journalistes dans un tel évènement et leur demander de faire la modération. En tout cas cela montre que nous n’avons aucune valeur à ses yeux », se désole-t-il.
Pour d’autres confrères et consœurs, cette conférence n’est ni moins ni plus une « cacophonie ».
« C’est un moyen d’échapper aux questions sérieuses. J’ai été surpris d’apprendre par exemple qu’il n’y aura pas de place réservée aux journalistes et que plutôt tout le public va s’asseoir et prendre place comme bon lui semble », déplore un rédacteur en chef d’un média privé qui a participé à la réunion du 20 décembre dernier.
Quant à une collègue qui travaille pour un média international, « c’est une perte de temps pour le président le moins occupé du monde ». Elle ironise que « c’est normal dans un pays où plusieurs médias indépendants ont été détruits et fermés et où les rares qui essaient de travailler librement sont muselés ».
Même si les médias n’occupent pas une place de choix dans cette émission publique, ils ont été appelés à envoyer au moins un représentant dans une autre réunion qui s’est produite ce jeudi à la Maison de la Presse.
Lors de cette émission publique, il y aura une équipe de la présidence qui se chargera de recueillir les plaintes des résidents en privé pour les confier au président Ndayishimiye plus tard pour de probables solutions. Les conférences publiques organisées par le président Neva se transforment souvent en « tribunaux aux décisions prématurées ».
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Photo : le président Neva lors de sa toute première conférence de presse, le 10 mai 2022 à Bujumbura © SOS Médias Burundi
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