Photo de la semaine : Burundi : le président de la chambre basse veut priver les femmes d’héritage éternellement
Au Burundi, l’héritage revient aux garçons par tradition. Le président de l’Assemblée nationale Daniel Gélase Ndabirabe veut que la pratique soit éternelle. Il l’a répété ces derniers jours lors de ses déplacements dans les différentes provinces surtout à Mwaro et Muramvya (centre).
Il accuse les femmes instruites de « soulever leurs sœurs analphabètes ». (SOS Médias Burundi)
Le président de la chambre basse sillone les provinces depuis la semaine dernière dans le cadre des vacances parlementaires. L’homme connu pour sa haine contre les opposants et la société civile qui a dénoncé un autre mandat controversé de feu président Pierre Nkurunziza en 2015 n’y va pas par quatre chemins: il n’est pas encore temps de penser à une loi sur le régime de succession au Burundi. « Il y a eu un grand débat récemment sur le droit de succession. Certaines femmes dans les villes y sont beaucoup revenues. Mais nous avons constaté que ce sont seulement les femmes instruites qui en parlaient. Et leur intention était d’abolir la coutume burundaise » a accusé celui connu sous le sobriquet de Ndasubiramwo (Je répète) du fait qu’il aime répéter ses propos et l’introduit ainsi quand il veut enfoncer des gens.
Assises organisées par le gouvernement ?
Selon M. Ndabirabe, le gouvernement et ses proches ont organisé des assises au cours desquelles les Burundais ont conseillé d’éviter la mise en place d’une loi sur le régime de succession au Burundi. « Le gouvernement et des proches du gouvernement ont essayé de collecter les avis des citoyens. Ils se sont entretenus avec des personnes âgées, hommes et femmes. D’un seul esprit et d’un commun accord, ils ont dit ‘ n’essayez même pas, si vous mettez en place une loi permettant l’héritage de femmes, il y aura plusieurs problèmes…voyez aujourd’hui les gens se massacrent. Imaginez-vous ce qui adviendra si vous votez cette loi : vous retrouverez des cadavres partout dans les rues, partout », a-t-il indiqué dans des séances avec des représentants religieux.
Toutefois, il n’a pas indiqué la période au cours de laquelle les assises ont été organisées ni précisé l’organe du gouvernement qui les a menées et l’échantillon pris. Il n’a pas non plus communiqué « l’identité de ces proches du gouvernement » qu’il évoque.
Pour Daniel Gélase Ndabirabe, « il n’est pas encore temps de penser à une loi sur le régime de succession. Même si nous aimons nos sœurs. Il n’est pas encore temps, il n’est pas encore temps en considérant la coutume burundaise. Ce n’est pas du tout possible ».
Plusieurs organisations de femmes ont dénoncé « des propos discriminatoires » et demandé à M. Ndabirabe de « retirer ses propos ». Pour Justine Nkurunziza, membre de la société civile et du mouvement « Inamahoro », « le CNDD-FDD devrait dire aux gens le péché qu’ont commis les filles à son égard car même feu président Pierre Nkurunziza ne cessait de tenir de propos pareils ».
Elle estime que de tels propos sortis de la bouche d’un aussi haut dignitaire peuvent créer un désordre dans pays. « Il s’agit d’un grand pas en arrière à considérer le degré de sensibilisation sur l’évolution des mentalités qu’on avait franchi ».
Par ailleurs Pamella Mubeza, fondatrice de l’association des mères célibataires du Burundi indique qu’il ne s’agit ni moins ni plus d’une « discrimination ».
Elle compare ces propos à ceux des colons qui disaient que « les noirs sont des animaux qui ne peuvent pas avoir droit à la propriété ». « Lors du prochain recensement, il serait mieux de ne pas compter les filles et les femmes car on leur a retiré le droit d’être Burundaises », ironise-t-elle tout en insistant que seule une loi sur le régime de succession pourra régler le problème non seulement entre frères et sœurs mais aussi entre frères.
Pour Maître Immaculée Hunja, membre de l’association des femmes juristes du Burundi, il est paradoxal de constater un tel comportement des autorités burundaises alors que le pays a ratifié « la Convention internationale pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard de la femme » stipulant entre autres que « l’Etat partie s’est engagé en ratifiant cette convention de prendre toutes les mesures appropriées y compris les dispositions législatives pour modifier ou abroger toute loi, disposition réglementaire, coutume ou pratique qui constitue une discrimination à l’égard des femmes ».
Dans la petite nation de l’Afrique de l’est très surpeuplée, la question sur la loi sur la succession est plus que sensible car elle est liée à celle du partage des terres. Au Burundi, la loi reste muette sur le régime de succession. La seule référence reste la coutume. Et selon la tradition, la fille ou la femme n’hérite pas des terres de son père. Elle exploite celle de son mari et dans certaines régions, elle peine même à hériter de son conjoint si elle n’a pas de fils.
Depuis au moins deux décennies, des associations de femmes essaient de faire évoluer les mentalités que le président de l’Assemblée Nationale veut conserver éternellement.
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Photo : une femme avec un enfant au dos et un petit sac dans un panier sur la tête passe devant la cour d’appel de Gitega (capitale politique) qui reçoit plusieurs plaintes de filles privées d’héritage par leurs frères
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