Burundi : les consommateurs habitués à un manque perpétuel du carburant et sucre

Burundi : les consommateurs habitués à un manque perpétuel du carburant et sucre

Depuis plusieurs mois, les habitants de plusieurs provinces du pays font face à un manque de carburant et de sucre. Ils indiquent que trouver les deux produits considérés comme stratégiques est actuellement devenu un parcours d’un combattant et que s’ils en trouvent sur le marché noir, ils s’achètent à des prix extrêmement élevés allant jusqu’à plus du double des tarifs fixés par le gouvernement. Bien que les deux produits se raréfient sur les stations (pour le carburant) et dans des dépôts et magasins (pour le sucre), la ministre en charge du commerce elle, affirme qu’il n’y a pas de pénurie. (SOS Médias Burundi)

Après les plaintes des habitants de différentes provinces et la réponse de l’autorité en charge du commerce, SOS Médias Burundi a dépêché ses reporters sur terrain pour faire le constat.

Cibitoke (nord-ouest)

« Aucune station service n’ a de carburant que ça soit au chef-lieu de la province ou dans ses communes. Des propriétaires de motos ou de véhicules nous ont témoigné qu’ils se ravitaillent sur le marché noir à raison de cinq mille cinq cents francs burundais le litre. Ils disent qu’ils n’ont pas de choix, mais qu’à leur tour ils sont obligés de rehausser le prix du ticket de transport ».

Concernant le sucre, un kilogramme se vend en cachette à quatre mille francs burundais alors que le prix officiel est de deux mille cinq cents.

« Nous y sommes habitués. Le carburant et le sucre sont réservés à la classe des privilégiés. Et après s’être servis, nous sommes laissés à nous-mêmes », se désolent des enseignants rencontrés dans la zone de Ndora en commune de Bukinanyana.

Kayanza et Ngozi (nord)

Dans les deux provinces, trouver le carburant sur les stations est devenu « une forte chance ». Les stations sont à sec depuis bien plusieurs semaines.

« Rarement quand une station est approvisionnée, les autorités administrative et policière se servent d’abord en grande quantité, certainement ils remplissent des bidons de réserve. Elles raflent donc elles seules l’insuffisante quantité de carburant disponible. Et nous, on doit aller se ravitailler au marché noir à cinq mille francs burundais (Kayanza) et cinq mille cinq cents (Ngozi) », regrettent des conducteurs de taxi motos et chauffeurs de bus de transport, surtout.

Et pour le sucre, des sources ont temoigné à nos reporters qu’un Kilogramme s’achète à quatre mille cinq cents à Ngozi et quatre mille à Kayanza.

Kirundo et Muyinga (nord-est)

Le sucre se vend clandestinement s’il est disponible dans les marchés ,boutiques et magasins. Le kilo s’achète entre trois mille cinq cents et quatre mille. Des commerçants disent qu’ils sont servis en quantité insuffisante.

Des longues files des motards attendent dans une station d’essence à Muyinga

« Même nos fournisseurs ont revu à la hausse les prix. Un sac qui , normalement s’achète à cent seize mille est passé à cent vingt-cinq mille francs », affirment des commerçants des deux provinces qui ont témoigné à nos reporters. Les produits pétroliers eux, pour les avoir, les clients doivent compter sur la clémence des pompistes et des commerçants du carburant. À Muyinga, quelques commerçants bravent le danger et s’aventurent en Tanzanie à sa recherche.

Gitega et Muramvya (centre)

Dans la capitale politique Gitega, des habitants affirment que presque toutes les stations service viennent de passer plusieurs semaines, voire des mois sans carburant.

« […], rarement une ou deux stations dispose (nt) du carburant. Mais en quelques minutes, il est raflé par des usagers qui en ont tant besoin. La demande est tellement élevée que très peu de véhicules sont servis. C’est terrible ce que que nous vivons », ont confié nos sources dans la ville de Gitega, écœurées.

Elles précisent qu’elles se ravitaillent sur le marché noir à cinq mille cinq cents le litre alors que le prix fixé par le gouvernement à la pompe est de deux mille sept cents francs burundais.

Et pour le sucre, il se vend également clandestinement à quatre mille francs le kilogramme alors que son prix officiel est de deux mille quatre cents, ont témoigné des habitants.

En province voisine de Muramvya, la pénurie des deux produits s’observe aussi. Pour le sucre, sa distribution est supervisée par les autorités administratives quand il est disponible. Des habitants doivent parcourir de longues distances pour pourvoir arriver à des points de vente approvisionnés.

Makamba et Rumonge (sud-ouest)

Dans les deux provinces qui connaissent le même problème de pénurie des deux produits importants au quotidien, des habitants choisissent d’aller se ravitailler en province de Kigoma en Tanzanie voisine (nord-ouest). Seulement, le ravitaillement est illégal et risqué.
« Une fois les produits arrivés au Burundi, le carburant est revendu à quatre mille francs le litre au moment où le sucre lui, est redistribué à quatre mille deux cents francs le kilo, avec le risque de se faire arrêter par la police et les renseignements pour les commerçant clandestins », disent nos sources.

La petite nation de l’Afrique de l’est dont les autorités ont revu à la hausse le prix des produits pétroliers fin janvier cette année produit du sucre même s’il est devenu une denrée très rare.

La ministre en charge du commerce elle, indique qu’il n’y a pas de pénurie de carburant et de sucre. Elle accuse les commerçants et responsables de stations service de spéculer sur les prix.

De longues files sur une station d'essence à Bujumbura
De longues files sur une station d’essence à Bujumbura

Les responsables de la Sosumo (Société sucrière de Moso) donnent eux aussi la même explication : « la quantité de sucre produite a même dépassé les prévisions et il ne devrait pas y avoir de manque de sucre ».

Les affirmations inquiètent toutefois les associations des consommateurs qui craignent une hausse généralisée d’autres produits de première nécessité suite à la pénurie et hausse du carburant intervenues presque en même temps.

Dans ce petit pays de la région des Grands-Lacs d’Afrique enclavé, la hausse du prix du carburant entraîne automatiquement celle d’autres produits, même ceux locaux.

Une question persiste : pourquoi le sucre manque alors qu’il est produit localement et la pénurie de produits pétroliers persiste malgré la hausse des prix décidée par le gouvernement?

Pour le carburant, la situation est aggravée par le fait que « le stock stratégique carburant est aujourd’hui vide », un stock grâce auquel le Burundi a toujours survécu à la hausse des prix du carburant.

« Nous avons des dépôts à Bujumbura et à Songa (ville de Gitega). Mais, les réservoirs sont carrément vides », expliquait aux sénateurs en octobre 2021 le ministre Ibrahim Uwizeye en charge de l’énergie.

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Photo : des tricycles et véhiculés sur une station à Bujumbura

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