Burundi : les renseignements détiennent un responsable de la plus moderne clinique du pays
Le docteur Christophe Sahabo est détenu au cachot du SNR (Service national de renseignements) dans la capitale économique Bujumbura depuis vendredi dernier. Le week-end dernier, il a présenté sa démission au conseil d’administration mais des sources concordantes disent qu’il y a été contraint. Jean David Pillot, un ressortissant français interpellé en même temps que M. Sahabo et qui se trouve être président du conseil d’administration de Kira Hospital a été libéré samedi. (SOS Médias Burundi)
Selon des sources policières,l’administrateur directeur général de Kira Hospital était toujours locataire du cachot du SNR dans la capitale économique Bujumbura jusqu’à ce mercredi matin.
« C’est normal qu’il y soit détenu, il pouvait aussi être emmené dans un cachot de la police mais c’est presque la même chose car aux renseignements, il y a aussi des OPJ (officiers de police judiciaire) qui font des enquêtes et clôturent les dossiers avant de les envoyer au parquet », estime un officier de la PNB (police nationale du Burundi).
« À la seule différence qu’au SNR, ils ont le privilège de mener des enquêtes sur une période indéterminée », ajoute l’officier.
Kira Hospital est la plus prestigieuse clinique du Burundi. Construit pour plus de 28 milliards de francs burundias (soit 14 million de dollars) ,l’établissement sanitaire a été inaugurée en mars 2015.
L’homme en détention est le promoteur du projet dont la majorité des investisseurs et actionnaires sont suisses. Le week-end dernier, une lettre des actionnaires burundais a circulé sur les réseaux sociaux de Burundais. La partie burundaise dit « avoir retiré sa confiance au docteur Sahabo ».
« Le groupe des actionnaires représentant la partie burundaise,constitué essentiellement des sociétés publiques et à participation publique voudrait porter à votre connaissance qu’à partir de cette date, se basant sur de multiples manquements, mauvaise gestion et gestion frauduleuse (…) qui sont reprochés à Sieur Dr Christophe Sahabo , lui retire sa confiance et demande sa destitution immédiate », peut-on lire dans une lettre envoyée au conseil d’administration le premier avril et signée par deux représentants de la Socabu (Société d’assurance du Burundi), une représentante de l’office national des pensions et risques professionnels (ONPR) , une représentante de la centrale d’achats de médicaments essentiels du Burundi (Camebu) et un représentant de Burundi Airlines.
Ils menacent de saisir d’autres instances
«Sommes touts, les administrateurs représentant la partie burundaise(…) ne participeront plus à aucune réunion si vous décidez de ne pas agir et se réserve le droit de saisir les autres instances compétentes pour obliger la prise en considération de notre requête », ont-ils menacé.Ils ont également exigé dans leur correspondance au président du conseil d’administration, une nouvelle répartition de l’actionnariat dominé jusqu’ici par des groupes étrangers.
« On l’accuse d’être un inflexible car il avait refusé que l’hôpital soit un terrain de jeu politique, la preuve est qu’au mois de novembre (2021) on lui a envoyé 20 médecins burundais qui venaient de terminer leurs études en Russie. Ils n’avaient pas d’expérience du métier pour exercer et c’est pas n’importe qui qui les avait emmenés, c’est le secrétariat du parti au pouvoir mais Dr Sahabo a exigé des performances, ce qui a réveillé des cumuls de haine contre lui existant depuis la création de Kira, parce qu’on lui reproche d’être à la solde des actionnaires étrangers », témoigne un médecin de Kira Hospital.
Le week-end dernier, l’ADG de la plus moderne clinique de la petite nation de l’Afrique de l’est a présenté sa démission. Il a parlé de «convenance personnelle » mais de sources concordantes évoquent une «contrainte du service de renseignements burundais ».
Durant la fin de semaine, M. Sahabo aurait été brièvement relâché pour «plaire aux ambassades qui faisaient pression sur les autorités burundaises avant d’être ramené en détention juste après sa sortie du cachot », selon un confrère qui suit de près le dossier depuis le début.
«Les actionnaires étrangers suisses en grande partie et français comptent porter plainte contre le gouvernement du Burundi si le parti présidentiel et les entreprises étatiques actionnaires de Kira s’ingèrent dans la gestion de cet hôpital», indiquent des sources proches du dossier.
Un porte-parole du ministère en charge de la santé nous a indiqué que «c’est une affaire concernant le ministère de la coopération».
La porte -parole du ministère ayant les relations extérieures dans ses attributions n’était pas disponible pour s’exprimer sur cette affaire.
Nous ignorons jusqu’à présent les faits pour lesquels le docteur Sahabo est «officiellement poursuivi ». Tout comme le sort réservé au président du conseil d’administration de la clinique dont la libération a été beaucoup plus obtenue grâce à la représentation de l’Union européenne au Burundi et à l’ambassade de France. Ce qui est sûr, cela fait plusieurs mois que les services secrets burundais avaient empêché à l’ADG de Kira Hospital de sortir du pays, selon des sources à l’immigration.
«L’objectif du pouvoir burundais est de prendre le contrôle de la plus moderne des cliniques du pays. De quoi chasser définitivement tout investisseur étranger de ce pays », a commenté un homme d’affaires belge qui a parlé à notre confrère Esdras Ndikumana de la RFI.
Il n’est pas encore établi une relation entre cette crise et des accusations portées contre la direction de la clinique ou une certaine opinion affirme que « seul le service laboratoire respecte les normes de recrutement », insinuant que « les Tutsis sont plus favorisés lors du recrutement » et allant jusqu’à « charger que même les services offerts aux patients sont facturés différemment selon l’appartenance ethnique surtout pour les hospitalisations ».
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Photo : le docteur Christophe Sahabo détenu au cachot du SNR (Service national de renseignements
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