Burundi : deux commissaires de la CVR remplacés, le changement se fait sous l’influence du parti CNDD-FDD

Burundi : deux commissaires de la CVR remplacés, le changement se fait sous l’influence du parti CNDD-FDD

L’Assemblée nationale (dominée par le parti présidentiel, le CNDD-FDD) a approuvé ce lundi deux nouveaux commissaires en remplacement de deux autres dont l’identité n’a pas été révélée. Pour le 3ème commissaire en la personne de l’ambassadeur Laurent Kavakure, il a été question de changement de poste au sein de ladite commission. Sur 25 candidatures soumises à la chambre basse du parlement, neuf avaient été retenues. (SOS Médias Burundi)

Au total, neuf candidats s’étaient présentés à raison de 3 Tutsis qui concourraient pour un poste attribué à cette ethnie. Il y avait aussi 6 Hutus concourant pour deux postes.

Dans la catégorie de Tutsis, les candidats étaient Stella Budiriganya, Pierre Claver Seberege et Déogratias Rwamuhizi.

Dans celle des Hutus, il y avait Laurent Kavakure, Cheikh Sadiki Kajandi Abdallah, Hadji Haruna Nkunduwiga, Epimaque Buterere, Apôtre Samson Ndihokubwayo et Daniel Mpitabakana.

Pour la catégorie des Tutsis, Stella Budiriganya a eu 89 votes sur 120 députés , Pierre Claver Seberege a obtenu 29 votes et Déogratias Rwamuhizi a eu 0.

Chez les Hutus, Laurent Kavakure a obtenu 119 votes sur 120, Cheikh Sadiki Kajandi a eu un score de 86, Hadji Haruna Nkunduwiga 31, Daniel Mpitabakana un seul vote, Apôtre Samson Ndihokubwayo 0 tout comme Epimaque Buterere.

Tous les 3 gagnants sont des membres du parti au pouvoir.

Stella Budiriganya fût Directrice générale de l’hebdomadaire gouvernemental le Renouveau, avant de prester au Sénat, comme porte-parole du président de la chambre haute du parlement, alors dirigée par Réverien Ndikuriyo, actuel secrétaire général du parti présidentiel. Elle vient de terminer son mandat comme ambassadrice du Burundi en Inde.

Laurent Kavakure a été ministre des relations extérieures sous le président feu Pierre Nkurunziza. Il s’est présenté comme ancien représentant du groupe rebelle Hutu, le CNDD-FDD en Suisse. Il était jusqu’ici secrétaire exécutif au sein de la CVR, mais a souhaité intégrer le groupe de commissaires, plus actifs dans le travail de la très controversée commission vérité et réconciliation.

Cheikh Sadiki Kajandi, ex représentant légal de la communauté islamique du Burundi (COMIBU), avait aussi tout le soutien du parti CNDD-FDD. Dans ses interventions, il fait toujours des éloges à ce parti.

Et la CVR et l’Assemblée nationale, aucun de ces organes n’a voulu donner les noms des commissaires à remplacer. Mais le président de l’Assemblée nationale Daniel Gélase Ndabirabe les a accusés de quelques manquements. « Certains ne participaient plus aux activités de la commission, d’autres s’opposaient toujours à certaines décisions de la commission. C’est pourquoi les responsables de la CVR nous ont demandé de les remplacer parce qu’ils ont un grand chantier qui les attend très prochainement », a-t-il dit.

La CVR procède depuis fin 2019 à l’exhumation de corps des victimes des massacres de 1972 qui ont emporté plus de Hutus que de Tutsis. Mais elle est accusée par des survivants Tutsis des tueries de 1993 surtout d’être partiale.

Dans certaines provinces, elle a refusé de se rendre sur des sites où sont enterrés des Tutsis dans de fosses communes au moment où dans d’autres, elle a ordonné aux habitants de mentir sur l’identité des victimes, selon ses détracteurs.

Le 20 décembre 2021, le président de la très controversée commission a déclaré que les massacres de 1972 qui ont emporté plus de Hutus que de Tutsis constituent « un génocide contre les Hutus du Burundi ».
C’était en marge d’une présentation d’un troisième rapport d’étape aux deux chambres du parlement dans la capitale économique Bujumbura.

Selon la CVR, près de 20 mille restes d’ossements humains ont été exhumés, des milliers de documents relatifs à ces tueries étudiés, au cours des deux dernières années.

Le Burundi a la même composition ethnique que le Rwanda, son voisin du nord où le génocide contre les Tutsis en 1994 a été reconnu par l’ONU.

Au Burundi, malgré la reconnaissance des massacres de 1972 communément connus comme « les événements de 1972 » comme « un génocide contre les Hutus » par les Hutus majoritaires au pouvoir aujourd’hui, les deux ethnies peinent encore à se mettre d’accord sur l’appellation des crises qui ont emporté les leurs.

Jusqu’à présent, les Tutsis restent convaincus que la tragédie qui s’est abattue sur les leurs à la suite de l’assassinat du premier président Hutu démocratiquement élu Melchior Ndadaye en 1993 est « un génocide contre les Tutsis »,ce qui préoccupe moins M. Ndayicariye et sa commission qui ont refusé dans certaines provinces d’aller visiter des sites où des fosses communes de Tutsis leur ont été signalées.

Récemment, le président Neva a affirmé qu’il n’est pas encore temps pour le gouvernement de déclarer les massacres de 1972 « un génocide contre les Hutus », préférant attendre la fin des enquêtes et investigations de la CVR concernant toutes les autres crises et tragédies qui ont endeuillé le Burundi sur lesquelles elle enquête (entre 1885 et 2008). Selon le chef de l’Etat burundais « cela risque de causer des problèmes et on doit faire attention ».

« Même en matière de justice ,il y a des procès que les parquets laissent tomber…on doit voir s’il y a opportunité de poursuite. On doit se poser cette question : qu’est-ce que le pays gagne en tout çà », a-t-il expliqué.

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Photo : respectivement, Laurent Kavakure, Stella Budiriganya et Sadiki Kajandi, les trois nouveaux commissaires élus par l´Assemblée Nationale membres de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) /Crédit : compte Twitter de l´Assemblée Nationale

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