Burundi : l’IDHB constate une accalmie précaire et une lutte acharnée au sommet du régime

Burundi : l’IDHB constate une accalmie précaire et une lutte acharnée au sommet du régime

L’Initiative pour les Droits Humains au Burundi, IDHB, a sorti son rapport annuel où elle décrit une lutte acharnée au sommet du pouvoir burundais qui semble mal cacher une accalmie et une volonté de pérenniser une violation sans nom des droits humains. D’après ses chercheurs, l’heure n’est pas celle d’enterrer la hache de guerre au Burundi. (SOS Médias Burundi)

L’IDHB est préoccupée par des changements politiques spectaculaires au Burundi, à la fin de l’année 2022.

« Le président Évariste Ndayishimiye a démontré sa force et a fait ce qui avait été impensable, destituer le premier ministre autrefois très puissant, Alain Guillaume Bunyoni. Cette destitution a peut-être réussi à réaligner l’équilibre du pouvoir en faveur du président Ndayishimiye, mais cette nouvelle dynamique pourrait être temporaire”, constate le rapport.

En même temps, indique le rapport de l’IDHB, «Révérien Ndikuriyo, secrétaire général du CNDD-FDD et membre influent de la ligne dure, continue d’afficher son allégeance à l’ancien président Pierre Nkurunziza, défiant,de manière implicite, le président Ndayishimiye et sapant les réformes que celui-ci a promises”.

  Exemples 

« En 2022, Ndikuriyo a organisé des formations ‘patriotiques’ pour des milliers d’Imbonerakure et a prononcé des discours enflammés pendant certaines cérémonies de clôture. Il a également mené une formation séparée pour plus de 200 Imbonerakure dans la province de Makamba, avec pour but de les envoyer travailler dans le secteur de sécurité privée à l’étranger, apparemment au Moyen-Orient”, énumèrent les chercheurs associés à l’IDHB.

2025 et 2027 au centre…

Malgré ses scissions internes, le CNDD-FDD semble uni sur une chose, selon l’IDHB.

« Son désir de gagner à tout prix les élections législatives en 2025 et les élections présidentielles en 2027. Ndikuriyo a déclaré à des Imbonerakure qu’ils devaient recruter les membres des partis d’opposition pour adhérer au CNDD-FDD d’ici 2023. Après cela, a-t-il dit, le CNDD-FDD passerait à l’étape suivante et il ne leur serait plus possible d’y adhérer. Des Imbonerakure ont menacé leurs opposants politiques de dommages physiques voire de mort s’ils refusaient d’adhérer au CNDD-FDD”, accuse le document.

Un calme instable…

Sur le plan des droits humains, 2022 est moins sanglante.

« L’année a vu une diminution bienvenue des assassinats politiques et des disparitions forcées d’opposants réels ou supposés au gouvernement. Le nombre de cas de torture aux mains d’agents des renseignements et de la police signalés en 2022 était également inférieur à celui des années précédentes, même s’il est difficile d’établir l’ampleur réelle de ces pratiques cachées”, mentionne l’IDHB.

Dans les provinces, les membres de la ligue des jeunes du parti au pouvoir, les Imbonerakure, ont fait preuve de plus de retenue que les années précédentes dans leur comportement envers leurs rivaux du principal parti d’opposition, le CNL, se réjouit l’initiative.

Cependant, elle a documenté des cas dans lesquels des Imbonerakure ont grièvement blessé des membres du CNL.

« Des Imbonerakure et d’autres membres du parti au pouvoir, ont fréquemment menacé et intimidé des membres de partis d’opposition et tenté de les forcer à rejoindre le parti au pouvoir, certains membres de partis d’opposition ont fini par rejoindre le CNDD-FDD pour se protéger et protéger leurs moyens de subsistance. Dans plusieurs provinces, les autorités locales ont empêché le CNL de tenir des réunions », lit-on dans le rapport.

Parmi plusieurs facteurs qui pourraient expliquer le calme relatif, l’IDHB a constaté des éléments externes du parti au pouvoir.

« Le CNL, bien que toujours actif à travers le pays, semble avoir perdu une partie de son élan. Son chef, Agathon Rwasa, a adopté un profil plus bas que les années précédentes et n’a émis que des critiques occasionnelles et modérées sur la gestion par le gouvernement de la crise économique ou de ses troubles internes», analysent les chercheurs.

« Le calme superficiel observé dans de nombreuses régions du pays peut offrir un répit temporaire, mais les Burundais savent qu’il ne faudrait pas grand-chose pour que de graves violations des droits humains reprennent », fait savoir l’IDHB.

Impunité…

L’IDHB révèle plutôt une impunité qui continue de caractériser les Imbonerakure.

« Des soupçons vagues et non fondés d’être un membre de l’opposition peuvent entraîner des préjudices graves. Les membres de partis d’opposition sont confrontés à ce type d’abus depuis des années et les auteurs jouissent d’une impunité presque totale », dénonce le rapport.

Malgré les promesses du président Ndayishimiye, les pouvoirs excessifs des Imbonerakure n’ont pas été réduits de manière uniforme à travers le pays.

« Ils continuent de patrouiller dans les rues la nuit, vêtus parfois d’uniformes et de bottes de type militaire, portant de faux fusils, des machettes, des couteaux ou des bâtons, exhibant les talkies-walkies Motorola qui leur avaient été confiés pour des tâches de sécurité et interceptant des personnes qui étaient restées dehors tard», affirment les enquêteurs de l’IDHB.

« Certains Imbonerakure ont continué aussi à recourir à la violence, y compris dans des affaires non politiques. La plupart de ces actes de violence ont été commis à la base, dont certains ont été arrêtés. Mais dans la plupart des cas politiques, les autorités judiciaires n’osent pas les poursuivre et encore moins les condamner », ajoutent-ils.

Le porte-parole du gouvernement Prosper Ntahorwamiye n’était pas disponible pour réagir à ces allégations, tout comme la responsable du service- communication au sein du parti présidentiel, Nancy Ninette Mutoni.

Dans le passé, elle avait confié aux médias que « les Imbonerakure sont très exemplaires et tolérants ».

De leur part, les autorités de la petite nation de l’Afrique de l’est ne cessent d’expliquer que « les auteurs de tels rapports n’ont d’autre visée que de ternir l’image du Burundi, du CNDD-FDD et de sa jeunesse ».

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Photo d’illustration : le président Neva au milieu des membres du conseil des sages du CNDD-FDD, le parti présidentiel en marge du congrès du 22 janvier 2023 à Gitega, la capitale politique

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