Chronique- Rêves de Baregeya : bienvenue au pays dont la justice menottée agit en droit zigzag

Chronique- Rêves de Baregeya : bienvenue au pays dont la justice menottée agit en droit zigzag

Des cas d’injustice, des décisions dignes d’une parodie de justice et des exécutions des jugements dignes de miracle satanique font rêver notre chroniqueur. D’innombrables réquisitoires dignes de celui du procès de Jésus Christ devant Ponce Pilate poussent notre chroniqueur à rêver d’un paradis. Chronique de Mahoro (SOS Médias Burundi)

Waouh ! Des piscines semblables aux rivières avec des eaux colorées en rouge ? Des centaines, voire des milliers de personnes y nagent. Je vois leurs dents ! Elles sourient toutes, elles savent nager sans bouger. Mais… la plupart d’entre elles portent des habits en nageant !
Tiens ! Des anges noirs transfigurés en aigles amènent d’autres personnes dans ces rivières. J’allais avoir peur mais…j’entends des tambours à la gloire de l’aigle -pas un rapace mais un ange-dans ce paradis des tambours. Les piscines qui ressemblent aux rivières ne cessent d’accueillir des gens, majoritairement des jeunes hommes. Mais, je vois beaucoup de choses à la fois, je ne sais même pas où je suis. Je vois une cathédrale, c’est la louange, on danse de joie. Mais à moins de 200 mètres de ce beau temple à l’est j’entends des cris de détresse. Et je vois des eaux rouges qui coulent ! Peut-être que ces cris c’est la messe de guérison qui se déroule dans la chapelle parce qu’il y a un couvent des sœurs en face de cet endroit mystique, gardé par des anges noirs, qui amènent des personnes dans leurs ailes. C’est un véritable paradis. Des aigles font des mouvements de va-et-vient, sabre à la main et s’envolent avec les personnes qui criaient vers la piscine aux eaux rougeâtres. Je pense qu’après la chasse des démons tout près de la Cathédrale, on les envoie à la piscine spéciale pour extrême purification. Je vois d’ailleurs pourquoi elles sourient toutes. Oui, je vois leurs dents. Je vois des situations pareilles un peu partout. Les anges vont à la messe pour veiller sur la sécurité des archanges. Dans mon paradis, il y a beaucoup d’archanges. Paradoxalement, ils ont peur des fidèles pendant la messe, jusqu’à avoir des « anges » pour veiller à leur sécurité.

Rien que le droit

Le paradis est finalement un pays qui existe, un pays dont le nom me fait trembloter quand je le prononce. C’est le BURUNDI.
Les prisons sont vides. Certains tribunaux sont transformés en salles de spectacle. Bienvenue dans l’empire des justes. Empire ? Bien-sûr que oui, le Burundi est tellement juste qu’il dirige tous les pays de la communauté de l’Afrique de l’est. Les magistrats démissionnent parce qu’ils n’ont pas assez de boulot, même certains avocats quittent l’ordre des avocats pour faire d’autres métiers ou aller à l’étranger.


Qui refuse ? Personne n’oserait lever le petit doigt parce que c’est le pays le plus juste, là où le droit est dans l’ADN des décideurs, et surtout des autorités judiciaires. Par ailleurs, l’avocat du gouvernement est à la tête de la cour de justice des 7 pays de l’EAC. Seul le Burundi, peut aussi occuper à la fois les deux autres postes importants : le parlement qui a , à sa tête Joseph Ntakarutimana, l’ancien secrétaire général adjoint du parti CNDD-FDD et le sommet des chefs d’État de la communauté Est-Africaine dirigé par l’héritier, le Généralissime Évariste Ndayishimiye. Pardon ? Eeeeeh ! Je tremble en parlant du magistrat suprême, commandant suprême des forces de défense et de sécurité.

Il a son bâton de commandement pour frapper quiconque fait du mal ou prononce un mauvais jugement. Par ailleurs, il n’a pas besoin d’aller jusqu’à frapper. Son regard fait faire des choses, et ses paroles enfoncent les mauvais et ressuscitent les justiciables dans les sept pays.

Mais…rien d’étonnant. C’est un général, entouré de généraux. En outre, d’un petit regard, des généraux et d’autres puissants tombent parce qu’ils détournent les deniers publics. Il faut y voir clair, pour constater combien l’empire du Burundi est béni pour avoir le super président. Un président spécial qui n’a rien ménagé, dans la justice. Eh oui ! Regardez son procureur général de la République, avec ses sorties médiatiques. Convainquant non ? Chut ! Le président a fait le droit. Rien ne lui échappe en justice. Ses déclarations et ses mises en garde me rassurent.

Rêve et tais-toi !

Qui suis-je ? Où suis-je ? Dans des rivières-morgues ! On y jette des cadavres, des fois saignantes. C’est ainsi que je croyais aux piscines, au sourire. Mais ce sont des corps flottant dans l’eau sanguinolente, des dents en l’air. Ils ne nageaient pas.

Comprenez-moi mes chers. Les exécutions extra-judiciaires ont lieu au Service National de Renseignements (SNR) dit Documentation, situé en face d’un couvent des sœurs, qui prient jour et nuit. Non loin de la Cathédrale Regina Mundi.

Comment penserais-je que Lucifer a installé son bastion à cet endroit quand il est du Ciel ! Les anges noirs transfigurés en aigles sont des policiers et quelques militaires burundais. Ils exécutent les gens là-bas et transportent les cadavres dans des pick-up, pour les jeter dans les rivières ou dans les buissons.
Les prisons débordent car on ne parle plus de capacité carcérale.
Ce n’est pas du spectacle dans les tribunaux, mais des centaines de personnes qui assistent à des jugements les plus injustes.
Les sorties du président Neva sont aux antipodes des réalités.

Neva, juste vraiment ?

S’il n’agit pas sciemment il n’a rien compris. « J’ai tous les codes et lois du Burundi sur mon bureau…je les lis », a récemment déclaré le président burundais. Mais il ne faut pas être juste pour acheter ces livres.

Dernièrement, la Cour de juste de l’EAC a déclaré que le dernier mandat controversé de feu Pierre Nkurunziza était illégal, mais son héritier Neva a dit que « seuls les tribunaux du Burundi peuvent prononcer un jugement sur le Burundi, un pays indépendant, souverain ».
Paradoxe ! Quand la même cour a, plus d’une fois, prononcé un jugement favorable au système CNDD-FDD, les dirigeants ont célébré en grande pompe « la victoire ». Nestor Kayobera, président actuel de cette cour qui était avocat du gouvernement a été décoré lors de la fête de l’indépendance du Burundi pour avoir « bien plaidé, plus d’une fois » et on se moquait du collectif des avocats burundais qui avait engagé le procès.
Bourde sur bourde, le président Ndayishimiye, au lieu de traduire en justice ceux qui ont détourné les biens du pays, il a une forme de jugement spécial à lui : ouvrir un compte bancaire pour que ces derniers y versent de l’argent ! Quel juriste unique !

Avez-vous entendu comment il crie quand il rencontre les juges ,magistrats et procureurs? Heureusement que le Burundi a très peu de buildings, sinon les vitres auraient soufflé, à défaut des effondrements. Il crie beaucoup sans saisir aucune des mille et une occasions de se taire qui se présente à lui.

Il a beau limoger certains magistrats, mais d’autres magistrats démissionnent pour devenir avocats. Malheureusement, l’avocature est aussi menacée que l’on voit des avocats se résigner et abandonner un procès. Me Sandra Ndayizeye en est témoin. Allez voir comment le procureur général de la République tremble devant les caméras quand il vient défendre des « bêtises » (considérez mon choix du mot) comme récemment sur le cas du Dr Christophe Sahabo.
Sachez que le gros des disparus, des détenus et ceux qui fuient le pays sont accusés de l’ASI (Atteinte à la Sécurité Intérieure de l’état). Ceci est devenu un refrain dans les jugements, tellement que les juges burundais font pitié.
Sans parler d’un autre emprisonnement et mauvais traitement de trop, le cas de Floriane Irangabiye, le secteur judicaire burundais est encore pourri.

Par ailleurs, même le président de l’Assemblée nationale a refusé le rapport de la commission indépendante des droits de l’homme au Burundi qui a eu le courage d’indexer les services publics. Je ne peux pas répéter ce qu’en a dit le fameux numéro 2 burundais.

En un mot, le droit au Burundi a emprunté un chemin montant sur une montagne rocheuse, en zigzaguant, que personne n’est à même d’en parler, encore moins qualifier ce qui se déroule dans ce domaine. Les injustes jugent les justes, et le droit chez nous est vraiment labyrinthique qu’il est difficile d’en sortir victorieux. Si tu es un ange, gare à toi car Lucifer va déployer ses ailes avec la figure d’aigle pour t’exécuter.
Au pays des libertés ligotées, il y a quelques choix: la corruption comme salut pour te sortir des griffes, la prison loin de ta famille comme une chance, la Rusizi sera ta morgue et le ventre d’un crocodile ou d’un aigle sera ton tombeau etc.

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