Burundi : des dirigeants vendeurs de chimères en parlant de l’agriculture

Burundi : des dirigeants vendeurs de chimères en parlant de l’agriculture

Le parti au pouvoir a lamentablement échoué en politique agricole. Les dignitaires se montrent modèles dans des projets agricoles, tous, ou presque, comme ils investissent et veulent tout rafler dans tous les domaines. D’aucuns se demandent comment le pays est géré par des gens qui passent tout leur temps dans des véhicules aussi chers de l’Etat, achetés aux frais du pauvre contribuable, arguant qu’ils vont cultiver, sarcler et récolter. Mais au paysan, le producteur traditionnel, rien n’est réservé, même pas en pensée. (SOS Médias Burundi-Opinion, par Mahoro)

« Imbere ni heza (l’avenir est radieux). Le Burundi est le pays le plus riche du monde, béni… », aura-t-on entendu depuis l’accession au pouvoir du parti de l’aigle. Depuis le premier gouvernement de feu Nkurunziza, gouvernement qu’il changeait au même rythme qu’il tournait les pages de la Bible qu’il feuilletait jusqu’à la paraphraser en y intégrant son propre nom (Nkurunziza), à la place de « Moïse », un jour dans l’une de ses croisades, lui qui n’avait de cesse de brandir « la prière » comme l’unique source de salut pour le Burundi.
Par ailleurs, il a dit être venu en messie, mais la réalité a été tout autre durant tous ses trois mandats. Son héritier (Samuragwa), voulant se montrer digne de ce statut, n’en fait pas moins. Il parle de la prière et de l’agriculture, prétendant que les Burundais cultivent et récoltent beaucoup.
Cependant, la famine n’a jamais cessé de frapper le Burundais lambda, alors que les seigneurs s’enrichissent et brassent des milliards dont ils arborent ostensiblement et quotidiennement les signes.

Modèle dans l’agriculture, vraiment ?

Feu Pierre Nkurunziza avait des champs de différentes cultures partout dans le pays. Il se présentait en modèle dans l’agriculture.
Son successeur fait de même, sans parler des autres dignitaires. Ce qui fait froid au dos, c’est que de nombreux cadres de différentes institutions se déplacent avec leur chef pour acclamer et/ou célébrer ce qui ressemble à une fête des semailles.

Qui peut évaluer le coût de ces déplacements (frais de missions, carburant, amortissement des véhicules qui roulent sur des routes difficilement praticables) ? La télévision nationale et d’autres médias (dont le statut porte à douter) vont suivre pour chanter l’éloge de tel ou tel chef. Je vous laisse imaginer à quoi ressemblent les informations du week-end sur ces médias, en l’occurrence la TV nationale.

D’où viennent ces terres ? Est-ce que les présidents burundais sont natifs de toutes les provinces, pour y avoir des propriétés ? Même s’il en était ainsi, ils n’auraient pas des terrains aussi vastes. Par ailleurs, les deux viennent de provinces trop surpeuplées pour s’adjuger tous ces terrains. Comment ont-ils acquis ces terres ? A combien les achètent-ils, si c’est le cas ? Combien gagne cette population qui s’occupe de ces champs, sans oublier ceux qui perdent leur temps pour aller écouter ces discours creux, sans intérêt pour le pauvre paysan laissé à son propre sort ?

L’agriculture, mon œil !

Montrant au monde entier quelques tonnes de pommes de terre, le président ou ces dignitaires ont l’occasion de réciter la même litanie : « la récolte est bonne au Burundi, tout le monde mange à sa faim, honte à ceux qui restent à Bujumbura sans cultiver… »
Hélas ! Des personnes dont certaines tombent en syncope à cause de la faim acclament. Mais, cultivent-elles vraiment ? Sur quelle étendue ? Laissons ces malheureux qui y viennent par force, mais revenons sur le président actuel qui s’autoproclame agriculteur modèle. Quel est le capital qu’il lui faut pour avoir ces champs ? D’où viennent ces vaches qu’il élève ? Partout, il y a compétition pour lui offrir des vaches, comme on le faisait d’ailleurs pour feu Peter.

Le président Neva et son épouse transportant une récolte de pommes de terre


Qui ne sait pas que la province de Karusi a donné près de 10 vaches à Neva en un jour, sans parler des dizaines de paniers remplis de vivres ? En guise de remerciement, il a nommé secrétaire permanent du ministère en charge des affaires intérieures la femme qui était alors gouverneure de cette province. Un départ que la population n’a visiblement pas regretté, celle-ci reprochant bien des vices à la dame.

Qui trompe qui ?

Le président ou tout autre dignitaire ne peut être en aucun cas un modèle dans l’agriculture, dans l’élevage ou toute autre activité génératrice de revenus. La Constitution burundaise est claire sur ce point. Il est logé, nourri et payé à la fin du mois. Sans oublier des caisses noires bourrées, dont le fameux appui aux bonnes initiatives. Et on entend souvent : « Le président a fait un don de matériel de construction, une somme d’un milliard… », alors que l’argent vient de cette caisse prévue dans le budget national. Voilà ce que l’on acclame.

Si un autre habitant de Bujumbura doit cultiver à l’intérieur du pays, il y a un capital énorme que cela lui exigerait. A commencer par le déplacement pour arriver sur terrain, l’achat ou la location du terrain, les moyens pour cultiver jusqu’à la récolte, la conservation et la vente. Même s’il s’agit, ne fût-ce qu’un hectare, ce n’est pas à la portée de n’importe qui.

Imaginez ces populations au ventre vide et en haillons en face de ces seigneurs ventripotents qui vont les endormir avec des discours aussi creux que l’est la politique de promotion de l’agriculture !

Pour eux, prendre le temps de se concentrer au bureau pour faire des plans dans leurs domaines respectifs ressemble à une torture. Et l’on s’étonne que les bailleurs ne donnent rien, alors que le pays est trop mal géré, sans plans clairs, avec la corruption qui gangrène tous les niveaux de gestion.

Si Neva et consorts pouvaient sentir la peine d’un père de famille qui rentre les poches vides le soir, alors que ses enfants ont le ventre creux, et le malheur que ressent un papa ou une maman qui quitte la maison le matin sans espoir d’avoir de quoi nourrir les enfants, ils la boucleraient.

Echec sur échec

Acceptons d’ailleurs que le système CDD-FDD n’a pas réussi en politique agricole (s’il y en a eu) ni aujourd’hui ni hier. On préfère plutôt voler le peu dont le petit peuple dispose à travers l’usine de fertilisants FOMI depuis 2018, une collecte du maïs à des prix dérisoires pour le revendre au double ou le laisser pourrir dans les silos, chasser les partenaires dans les domaines du café, du riz, etc.

Souvenez-vous de ces milliards détournés avec les fameux avocatiers sous Pierre Nkurunziza, l’irrigation qui ne tient pas, ces vallées et ces collines non exploitées, la famine récurrente à Kirundo et dans tout le pays d’ailleurs. Il n’y a pas de résultats à brandir devant toute cette population qui, pourtant, acclame, bien malgré elle.

Chers riches mais trop pauvres dignitaires, cessez de mentir aux Burundais. Demain le Burundais lambda finira par vous découvrir et vous finirez par payer le prix de votre arrogance. La tombe que vous creusez pour votre système est d’autant très profonde qu’il ne reste plus qu’à vous y précipiter.

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Photo : le président Évariste Ndayishimiye et son prédécesseur lors de la dernière croisade à laquelle feu Pierre Nkurunziza a participé à Gitega

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