Burundi : la société civile interne veut barrer la route au rapporteur spécial onusien

Burundi : la société civile interne veut barrer la route au rapporteur spécial onusien

Une quarantaine d’organisations de la société civile burundaise s’insurge contre un probable renouvellement du mandat du rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’homme au Burundi. Pour ces acteurs internes, Fortuné Gaétan Zongo serait guidé plutôt par des visées politiques. Pourtant, d’autres organisation comme Human Rights Watch et Amnesty International s’activent pour exiger la reconduction du mandat de cet expert onusien. (SOS Médias Burundi)

Il s’agit d’un document de neuf pages signé notamment par FOLUCON-F, Ligue Izere Ntiwihebure, PISC, Association Ntabariza, ACOPA-Burundi, CODIP, OLCT, Capes+ et bien d’autres.

Pour les leaders de ces organisations, le rapporteur spécial sur le Burundi n’a plus de matière de travail.

«La paix et la sécurité règnent sur tout le territoire national, les cas de violations des droits humains sont sensiblement réduits, le gouvernement et des commissions nationales sont à l’œuvre, nous aussi nous sommes sur terrain et rapportons les quelques cas isolés de violations et la lutte contre l’impunité est une réalité. Alors, que viendrait-il faire ? », s’interrogent ces acteurs de la société civile interne au Burundi.

LIRE AUSSI :

Burundi : vers une nouvelle rétrogradation de la CNIDH?

Ils ont adressé leur correspondance au conseil des droits de l’homme de l’ONU, lui demandant de ne pas cautionner « le forcing du renouvellement » du mandat du rapporteur spécial onusien.

Autres signes que Fortuné Gaétan Zongo n’a plus de travail au Burundi, ces organisations lui rappellent qu’il ne les a pas consultées lors de ses deux derniers rapports.

« Ces rapports sont mensongers, montés de toutes pièces avec un contenu ramassé chez ces détracteurs du gouvernement burundais. Alors, nous qui sommes sur terrain attestons qu’il n’est pas le bienvenu. Il ne fait que demander de l’emploi avec des rapports biaisés et politiques », ajoute Gérard Hakizimana, représentant légal de Folucon-F au nom de ses confrères.

Deux demandes contradictoires…

La semaine dernière, le même conseil onusien des droits de l’homme avait reçu une demande des organisations qui plaident pour le renouvellement du mandat du rapporteur spécial de l’ONU. Pami elles, des fédérations comme FIACAT, FIDH et les organisations Human Rights Watch, Amnesty international et bien d’autres.

À gauche, Fortuné Gaetan Zongo, le Rapporteur spécial onusien sur la situation des droits humains au Burundi

Pour cette catégorie d’acteurs, le travail du rapporteur spécial est plus qu’urgent pour documenter des cas de violations graves des droits humains.

« A titre illustratif, ACAT-Burundi a documenté d’août 2022 à août 2023 : 228 cas d’assassinats, 234 cas d’arrestations arbitraires et 73 cas de torture. Pour la période des trois dernières années, la ligue ITEKA a documenté plus de 1800 cas d’assassinats ciblés. Selon le FOCODE, en 2023, le phénomène des enlèvements et des disparitions forcées a repris à partir de février et s’amplifie ces derniers mois », rappelle la FIACT( une organisation internationale non gouvernementale chrétienne de défense des droits humains, créée en 1987, qui lutte pour l’abolition de la torture et de la peine de mort) qui porte le flambeau dans cette lutte.

Quoi que ces organisations internes et externes du Burundi ne fassent pas la même lecture de la situation des droits humains dans la petite nation de l’Afrique de l’est, elles font plutôt la même course contre la montre. C’est au moment où le conseil onusien des droits humains tient sa 54ème session jusqu’au 13 octobre prochain, qui sera conclue par un renouvellement ou non du mandat de l’expert Onusien.

Ce Burkinabè, dans son dernier rapport, a décrit un tableau sombre de la situation des droits humains au Burundi.

« Les cas de tueries, de disparitions forcées, d’arrestations arbitraires, de torture, l’impunité et la faiblesse des institutions qui restent criantes nous préoccupent beaucoup », a indiqué M.Zongo, ajoutant que, dans la plupart des cas, les personnes visées menaient des activités politiques et sociales connues et sont critiques envers le gouvernement.

Gitega s’est déjà démarqué par son opposition contre le rapporteur spécial onusien.

« Nous entendons que les pays initiateurs de ce mandat contesté par mon pays compte demander son renouvellement, dans les jours à venir, malgré l’opposition ferme du Burundi. Au moment opportun où le texte vous sera soumis pour décision, je vous prie de vous poser cette unique question : pourquoi ce forcing ? A qui profite-t-il ? Pas en tout cas pour le Burundi ! », s’est exclamée l’ambassadrice du Burundi à Genève lors de la tenue de la 54ème session.

Elisa Nkerabirori qualifie son rôle de détracteur du Burundi.

« Qui lui dicte mots ? Que conclure quand le Rapporteur spécial en arrive à être l’émissaire d’un seul parti politique de l’opposition alors que le Burundi en compte une bonne quarantaine ! Que dire de son acharnement à l’encontre du parti au pouvoir, nous proposerait-il mieux ? », s’est constamment interrogée l’ambassadrice Elisa Nkerabirori devant le conseil onusien des droits de l’homme.

Élisa Nkerabirori, ambassadrice du Burundi à Genève

Même si l’Union Européenne ne se montre pas ouvertement favorable au renouvellement du mandat du rapporteur spécial sur le Burundi, elle soutient son argumentaire et dénonce les mêmes cas de violations des droits humains.

« Nous souhaitons améliorer des relation avec un pays qui ne viole pas les droits humains », a martelé l’émissaire Européenne.

Le mandat de Fortuné Gaétan Zongo qui pose polémique a succédé à la commission d’enquête de l’ONU en octobre 2021.

________________________

Photo : En avant, Gérard Hakizimana, président de la Folucon-F sur le terrain au Burundi pour se rendre compte de la situation des droits humains

Previous Bururi : un juge du tribunal de résidence en prison pour faux et usage de faux
Next Dzaleka (Malawi) : trois réfugiés burundais interpellés