Burundi : le nombre croissant d’assassinats ciblés s’est accru en 2023
La ligue des droits de l’homme Iteka vient de rendre public un rapport annuel accablant. Le nombre d’assassinats ciblés augmente de plus de 30 cas par rapport à 2022 où plus de 460 avaient été recensés. Les cibles restent des voix dissidentes. (SOS Médias Burundi)
Le pionnier des organisations de défense des droits humains au Burundi s’indigne que contrairement aux autres années où le président de la République du Burundi, Évariste Ndayishimiye, faisait des discours porteurs d’espoir dans le domaine des droits de l’homme et la gouvernance, cette année 2023 couverte par le rapport, la plupart de ses discours contenaient des menaces d’un groupe à l’autre. Et par conséquent, souligne la Ligue Iteka, les violations des droits de l’homme n’ont cessé d’augmenter. Cette organisation a documenté notamment des exécutions extrajudiciaires, des assassinats ciblés, des disparitions forcées, des actes de torture et des violences sexuelles ainsi que des arrestations et détentions arbitraires en grand nombre.
« 495 personnes tuées dont 202 cadavres retrouvés, 155 personnes victimes de VBGs dont 104 mineures et 10 femmes victimes de VSBGs, 25 cas de personnes enlevées et /ou portées disparues, 59 cas de personnes torturées et 794 cas de personnes arrêtées arbitrairement », rapporte ainsi la Ligue Iteka. L’organisation révèle aussi l’identité de certains présumés coupables.
«Parmi ces victimes d’assassinat figurent 88 personnes tuées par des agents étatiques dont 16 cas d’exécutions extrajudiciaires, 41 personnes tuées par des membres de la milice Imbonerakure, 13 tuées par des administratifs, 12 tuées par des agents du SNR*, 11 tuées par des militaires et 11 autres tuées par des policiers », ont détaillé les moniteurs de la Ligue Iteka.
Ces violations n’ont pas épargné́ les femmes et les mineurs. « Ainsi, au cours de l’année 2023, au moins 61 femmes et 73 enfants ont été assassinés , 33 femmes et 119 mineurs victimes de VBGs dont 104 mineures et 10 femmes, 3 femmes et 1 mineur enlevés, 7 femmes et 20 mineurs torturés, 136 femmes et 10 mineurs arrêtés arbitrairement ainsi que 23 enfants victimes de trafic d’êtres humains », d’après les enquêtes de cette ONG qui travaille depuis l’exil depuis la crise de 2015, déclenchée par un autre mandat controversé de feu président Pierre Nkurunziza.
Les membres des partis politiques, de la mouvance à l’opposition, ont été tous visés.
«35 membres du parti CNDD-FDD et 8 membres du parti CNL tués, 5 membres du parti CNL et 1 membre du parti CNDD-FDD enlevés, 10 membres du parti CNL et 3 membres du parti CNDD-FDD torturés, 28 membres du parti CNDD- FDD, 58 membres du parti CNL, 2 membres du parti UPRONA et 1 membre du parti MSD arrêtés arbitrairement », a recensé la Ligue Iteka.
A cela s’ajoutent des activistes de la société civile présumés, des intellectuelles ou encore des étudiants et « toute personne qui ose dénoncer ce qui ne va au pays », ajoute Anschaire Nikoyagize, président de la Ligue Iteka.
Corps inhumés à la va-vite
Le phénomène de cadavres non identifiés retrouvés dans différents coins du pays est toujours observé et leur inhumation précipitée par des agents de l’administration et de la police en complicité avec des éléments de la milice Imbonerakure reste très préoccupante et inquiète plus d’un, selon le rapport.
“Cette année 2023, la Ligue Iteka a documenté 202 corps sans vie, retrouvés en grande partie dans des brousses et des rivières. La plupart de ces corps possédaient des signes montrant que les victimes ont été tuées après avoir été violées, étranglées, ligotées, etc”, rappelle Nikoyagize.
Le président de la Ligue Iteka parle d’un phénomène très inquiétant.
Autre version
Pourtant, les organisations pro-gouvernementales des droits humains ne le voient pas ainsi. Ces dernières ont récemment adressé une correspondance au Conseil onusien des droits humains pour dénoncer des rapports faits par «des ennemis du pays».
«A l’heure où on se parle la paix et la sécurité règnent sur tout le territoire national et le domaine des droits humains évolue positivement. Nous devons encourager le gouvernement sur cette lancée car nous voyons que les auteurs des violations des droits humains sont punis, on peut citer des membres de la ligue Imbonerakure qui sont emprisonnés, des policiers détenus ou révoqués, des officiels et agents de l’État rappelés à l’ordre », a expliqué Gérard Hakizimana, président de FOLUCON-F, une organisation locale qui milite contre le favoritisme et le népotisme, au nom des signataires de la correspondance, fin 2023.
Et de conclure que : « On ne peut pas dire cependant que tout est rose ! Il y a des défis à relever notamment en matière carcérale mais en général, ce domaine connaît une nette amélioration depuis l’accession au pouvoir du président Ndayishimiye ».
Ces acteurs internes qualifient les rapports des organisations en exil comme « biaisés, mensongers et divisionnistes ».
Une situation désespérée
Anschaire Nikoyagize fait diverses recommandations, il qualifie de miracle un éventuel changement.
« Au gouvernement du Burundi, on ne fait que lui recommander de se ressaisir et de garantir les droits et les libertés publiques pour tous, de libérer tous les prisonniers politiques et annuler tous les mandats d’arrêt émis à l’égard des membres des partis politiques de l’opposition, des journalistes et activistes de la société civile, de préserver la paix et la sécurité pour tous, de coopérer avec les différents partenaires et mécanismes des Nations-Unies dans le rétablissement de la paix au Burundi et de mener des enquêtes sur toutes les violations des droits de l’homme commises dans le pays et traduire leurs auteurs en justice », dira-t-il, ajoutant que la liste est longue mais que l’espoir s’amenuise d’année en année.
Aux organisations internes, la Ligue Iteka leur demande d’oser dénoncer ces violations ou, au moins « se poser en vrais conseillers » pour que ces exactions cessent, au d’« invalider ou rejeter les rapports faits en l’air sans aucune enquête ni documentation pour avancer juste un seul cas de mensonge ».
La commission nationale indépendante des droits de l’homme, CNIDH, elle aussi critique une surpopulation carcérale due « aux arrestations arbitraires, à la lenteur judiciaire et à la corruption de certains magistrats ».
C’est là où la Ligue Iteka recommande aux partenaires techniques et financiers de soutenir des organisations, institutions et mécanismes des droits de l’homme intervenant au Burundi et d’user de leur influence pour « contraindre le gouvernement burundais à restaurer un État de droit et démocratique ».
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Photo d’archives : un agent de la Brigade anti-émeute citée dans les exactions devant une maison d’habitation suspectée d’abriter des jeunes civils armés dans la ville commerciale Bujumbura
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