Tanzanie : les jours sont comptés pour les réfugiés burundais
Les Burundais réfugiés dans les camps de Nyarugusu et Nduta en Tanzanie ont moins d’une année pour rentrer volontairement. L’annonce a été faite par l’Inspecteur chargé des réfugiés dans la région de Kigoma (nord-ouest de la Tanzanie où les deux camps sont basés) qui fait le tour de ces camps pour expliquer aux réfugiés qu’ils ont juste dix mois pour rentrer volontairement. (SOS Médias Burundi)
Les déclarations de cet officiel lors de sa visite dans les camps de Nyarugusu et Nduta, mardi et mercredi la semaine dernière, confirment des mesures draconiennes prises contre les réfugiés burundais.
« La Tanzanie aime les Burundais en général mais elle ne veut plus de réfugiés burundais ! Votre retour est déjà décidé par le gouvernement tanzanien et donc l’assistance octroyée aux réfugiés sera suspendue après le délai de dix mois qui vous est accordé pour un rapatriement volontaire », a déclaré John Walioba Mwita aux réfugiés burundais.
« Après cette période, donc jusqu’en octobre prochain, j’ignore la suite», a insinué M.Walioba Mwita.
Ainsi, depuis quelques semaines toutes les boutiques des Burundais ont été démolies au camp de Nyarugusu, alors que la partie occupée par des Congolais est totalement paisible.
“Ce sont des agents de sécurité dans le camp dits Sungusungu accompagnés de policiers tanzaniens et quelques fois de certains responsables du camp qui mènent l’opération de démolition de petites boutiques et salons de coiffure. Seules les zones habitées par les réfugiés burundais sont ciblées. Nous nous inquiétons », indiquent des réfugiés burundais.
“Lorsqu’ils ont démoli les marchés, ils nous demandaient de faire de petites activités commerciales à la maison. Mais maintenant ils nous empêchent toute activité génératrice de revenus, aussi petite soit-elle. Nous avions construit de petites maisonnettes pour faire ce commerce, ils ont tout détruit», expliquent-ils.
Cette situation complique davantage le quotidien de ces réfugiés, car non seulement il leur est actuellement difficile de trouver où acheter ce dont ils ont besoin, mais ils sont également privés du peu de revenus, les seuls, qu’ils tiraient de ces activités. Désespérés, ces réfugiés estiment que ces mesures précèdent la décision de la fermeture des camps annoncée pour octobre 2024.
Car, selon l’Inspecteur, le retour des Burundais a été décidé l’année dernière lors d’une réunion tripartite entre les gouvernements burundais et tanzanien et le HCR.
L’officiel a donc entamé une tournée dans les camps de Nyarugusu et Nduta pour sensibiliser les réfugiés burundais au retour « volontaire » et les prévenir de « ne pas regretter après octobre ». Il semble suivre le chronogramme qui a fuité du HCR qui détaille les activités de rapatriement des réfugiés jusqu’à la fermeture des camps en octobre 2024.
LIRE AUSSI :
A Nyarugusu comme à Nduta, les réfugiés dénoncent une violation flagrante de leurs droits et lancent des cris d’alarme.
« S’il y a des pays qui veulent accueillir des réfugiés, qu’ils nous viennent en aide. Il n’y a pas de paix au Burundi. La preuve en est que des rapatriés ne cessent de retourner dans les camps. Comment peut-on dire que ce pays est paisible ? » estiment-ils.
« Franchement nous lançons un cri d’alarme. Nous en appelons à la protection de l’ONU en charge de notre sécurité. Que l’ONU nous vienne en aide. L’ONU doit briser le silence car c’est notre seul parent », se lamentent-ils.
Décision prise à la hâte et attaquable devant les juridictions internationales…
L’organisation CBDH/VICAR qui milite pour les droits des réfugiés vivant dans les camps essentiellement dans les pays de l’Afrique l’est dénonce une décision hâtive qui viole les conventions internationales auxquelles la Tanzanie et le Burundi ont souscrit.
« C’est une mesure politique, plutôt que sécuritaire ou humanitaire. Parmi les réfugiés qui sont dans les camps en Tanzanie, il y a des militaires, des activistes, des étudiants et des rescapés de tueries, alors que ceux qui étaient avec eux dans les manifestions de 2015 sont soit en prison, assassinés ou portés disparus. Alors, le Burundi cherche à mettre la main sur eux, ce qui veut dire que leur sécurité ne sera pas assurée », explique Léopold Sharangabo, président de la CBDH/VICAR.
« Comme plusieurs rapports montrent les chiffres croissants des personnes qui sont tuées, considérant que l’article 33 de la convention de Genève de 1951 protège les réfugiés, aucun pays ne peut refouler un réfugié vers son pays si sa sécurité pourrait être menacée. Nous mettons en garde le HCR qui risque de tomber dans le piège et qui finira par être trainé devant les instances de la justice internationale », rappelle Sharangabo.
La CBDH/VICAR recommande à la Tanzanie et au HCR de suspendre la fermeture annoncée des camps pour que cette décision soit consensuelle et que les concernés soient consultés. « Que ceux qui ne se sentent pas encore en sécurité continuent d’être assistés, qu’il n’y ait pas des rapatriements forcés en violation des règles de jeu conventionnelles ! », laisse entendre cette organisation.
La Tanzanie abrite plus de 112.000 réfugiés burundais. Ils ont fui pour la plupart, la crise de 2015 qui a été déclenchée par un autre mandat controversé de feu président Pierre Nkurunziza.
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Photo d’illustration : des élèves dans une cour d’une école d’enfants réfugiés burundais à Nduta
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