Burundi : la veuve de l’ancien président Cyprien Ntaryamira sort du silence

La famille de l’ancien président burundais Cyprien Ntaryamira qui a péri dans un accident d’avion avec son homologue rwandais Juvénal Habyarimana , demande toujours que justice soit faite. La veuve de Ntaryamira s’est exprimée ce vendredi en marge d’une conférence publique organisée par le parti Sahwanya Frodebu dans le cadre de la commémoration du 30ème anniversaire de sa mort. (SOS Médias Burundi)

Sylvane Ntaryamira réclame toujours des enquêtes neutres.

« Du côté de la famille, j ai fait de mon mieux pour chercher à connaître la vérité depuis 1994, en vain. J’ai essayé mais à un certain moment, j ai perdu courage », a annoncé la veuve de l’ancien président Ntaryamira.

« J’ai envoyé une correspondance au Secrétaire général des Nations -Unies pour réclamer la mise en place d’une commission internationale pour des enquêtes neutres. Mais les gouvernements qui se sont succédés n’ont jamais porté l’affaire devant les juridictions internationales alors que l’ONU collabore avec les États et non les familles. Tous les présidents m’ont accueillie. Le dernier chef d’Etat qui m’a reçue est feu président Pierre Nkurunziza. Il m’avait promise que des actions allaient être entreprises dans ce sens. Toutefois, rien n’a été fait jusqu’à présent. Je continuerai d’exiger la vérité même 50 ans, 60 ans après. La vérité reste la même importe peu le temps que ça peut prendre pour qu’elle éclate », a-t-elle déclaré dans la ville commerciale Bujumbura.

Au cours de cette conférence publique en l’honneur de feu président Ntaryamira, tenue à la veille de la commémoration du 30ème anniversaire de sa mort, l’ex président du Burundi Sylvestre Ntibantunganya est quant à lui revenu sur l’esprit patriotique qui a caractérisé son compagnon de lutte.
Il a rappelé qu’il prônait  » la discipline en tout et partout ».

Malheureusement pour M.Ntibantunganya, « il n’y y a pas de discipline au Burundi. Les gens gaspillent la richesse du pays alors qu’on n’en a même pas. Quelle discipline s’il existe toujours des autorités qui détournent les biens publics et ne s’intéressent qu’à leurs intérêts seulement? »

Le parti Sahwanya Frodebu pleure jusqu’aujourd’hui la mort de Cyprien Ntaryamira. Patrick Nkurunziza, responsable de ce parti dont Ntaryamira était issu, demande au gouvernement de faire de ce dernier, « un héros de la paix et de la sécurité ».

Jusqu’à présent, la commémoration de la disparition de Cyprien Ntaryamira est l’une des plus modestes dans la petite nation de l’Afrique de l’est sinon la moins importante même si les jours de la commémoration sont déclarés fériés par le gouvernement burundais.

Sa veuve essaie de trouver des explications tout en rappelant que son mari était un homme très courageux.

« Les gens n’ont jamais compris son sacrifice du fait qu’il a dirigé le pays durant deux mois seulement. Mais c’était un homme courageux qui a accepté de prendre les reines du pays alors qu’il savait qu’il pouvait être tué à tout moment », a déclaré vendredi sa veuve.

Frais d’indemnisation détournés par un avocat

Cyprien Ntaryamira a péri dans un accident d’avion au Rwanda avec son homologue rwandais Juvénal Habyarimana alors que les deux rentraient d’une mission de travail de la Tanzanie voisine. Deux ministres burundais ont également été tués dans cet accident. Il y avait douze occupants à bord de l’appareil dont trois ressortissants français. Les familles burundaises ont engagé un avocat qui faisait partie du barreau belge. Sylvane Ntaryamira affirme que ce dernier a détourné tous les frais d’indemnisation avant de quitter le barreau belge pour s’installer en RDC. Elle parle de « vol pur et simple ».

L’accident a fait l’objet de plusieurs enquêtes, notamment celles du juge Jean-Louis Bruguière et des juges Marc Trévidic et Nathalie Poux. La première conduit à l’émission de neuf mandats d’arrêts internationaux contre des personnes proches du président Paul Kagame.

En décembre 2018, les juges d’instruction Jean-Marc Herbaut et Nathalie Poux rendent une ordonnance de non-lieu « en l’absence de charges suffisantes » qui est confirmée par la Cour de cassation en février 2022.

Les représentants du CNDD-FDD, l’ancienne rébellion Hutu qui s’est renforcée après la mort de Ntaryamira, ont toujours souhaité que le gouvernement burundais porte plainte contre le Rwanda devant la Cour de Justice de l’EAC, notamment. Mais la veuve de feu président Ntaryamira est claire surtout pour ce qui concerne les indemnités.

« Contrairement à ce que les gens disent que le Rwanda a tout bloqué, il nous (les trois veuves) a montrées toutes les pièces justificatives » a-t-elle dit.

Cyprien Ntaryamira a dirigé le Burundi entre le 5 février et le 6 avril 1994. Il avait hérité un pays déjà dévasté par le conflit Hutu-Tutsi après l’assassinat du premier président Hutu démocratiquement élu Melchior Ndadaye. Ce dernier avait pris ses fonctions le 10 juillet 1993 avant d’être assassiné le 21 octobre la même année.

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Photo : Sylvane Ntaryamira, veuve de l’ancien président Cyprien Ntaryamira s’exprime dans une conférence publique en l’honneur de son mari, le 5 février 2024 à Bujumbura