Gitega : le parti Frodebu exaspéré par les actes du CNDD-FDD appelle les Burundais à briser la peur
Ce dimanche, le parti Sahwanya Frodebu a célébré le 31e anniversaire de la première victoire d’un président Hutu élu comme chef de l’État, dans la capitale Gitega. Son président Patrick Nkurunziza tout comme l’ancien président de l’Assemblée nationale Léonce Ngendakumana ont dénoncé les cas d’assassinats et enlèvements qui sont devenus monnaie courante au Burundi, ces derniers jours. Ils ont aussi rappelé que c’est le Frodebu qui a mis en place l’ancienne rébellion Hutu, après l’assassinat de Melchior Ndadaye. Ils demandent au parti au pouvoir de mettre fin à l’exclusion qui caractérise les institutions burundaises et aux Burundais de « briser le silence ». (SOS Médias Burundi)
La vie chère, les assassinats ciblés, les enlèvements, la corruption qui caractérise les autorités burundaises, l’exclusion, la mauvaise gestion de la chose publique, les abus commis par les Imbonerakure (membres de la ligue des jeunes du CNDD-FDD), ….la liste des reproches du parti Frodebu à son ancien élève est très longue.
Dans une cérémonie qui s’est déroulée dans la capitale politique Gitega, les deux hommes ont déploré le comportement du pouvoir en place. Pour Léonce Ngendakumana, le parti Sahwanya Frodebu a engendré son propre problème.
« Quand nous avons créé le parti Frodebu, nous disions que les Hutus étaient discriminés mais depuis l’accession du CNDD-FDD au pourvoir, ce dernier a écarté le Frodebu. Durant 19 ans de pouvoir, il n’a engagé aucun militant du Frodebu. On engendre son propre problème, je vous dis. C’est nous qui les avons créés (le CNDD-FDD) , nous les avons financés en matériel, en médicaments ,en nourriture et nous les avons aidés financièrement, nous avons fait tout pour eux. Le seul militant-Frodebu qui a été engagé par le CNDD-FDD est le président du parti, mais on l’a viré. Nous ne savons pas ce qui s’est passé mais il s’est levé un matin étant viré », a déclaré M. Ngendakumana connu pour son éloquence et son courage.
Patrick Nkurunziza a abordé dans le même sens.
« Le CNDD-FDD est l’œuvre du Frodebu, les dirigeants actuels doivent l’accepter. Vous entendrez certains dire qu’ils se sont coalisés suite à la colère. Pourquoi l’on ne met pas en place aujourd’hui quelque chose de semblable que le CNDD-FDD alors que nous sommes frustrés ? Le CNDD-FDD doit l’intérioriser ,c’est une œuvre du parti Frodebu. Depuis ce 1er juin , nous avons commencé une campagne de dire au CNDD-FDD que le pays nous appartient tous. Brisez la peur partout où vous passez. Le CNDD-FDD doit comprendre que ce pays nous appartient tous », a lancé le président du premier parti Hutu à avoir gagné une élection au Burundi.
Et de déplorer : « ils me disent chaque jour et se moquent de moi en ces termes : comment peux-tu diriger un parti sans armée et sans fusils! »

Patrick Nkurunziza appelle les militants de son parti en particulier et les Burundais en général à « résister aux arrestations arbitraires et enlèvements », en exigeant toujours des mandats d’arrêt ou d’amener « quand des gens à bord des véhicules aux vitres teintées viennent enlever des citoyens ».
« Ça nous concerne tous, je le répète et je demande aux journalistes ici présents de reprendre mes propos sans rien omettre », a-t-il insisté.
Il espère un changement malgré l’exclusion des autres partis de la CENI (Commission électorale nationale indépendante).
« Il suffit de briser la peur. Même en 1993 quand nous avons gagné contre l’UPRONA, la CENI était monocolore. Je sais que beaucoup d’entre vous allez cacher vos foulards et chapeaux en rentrant à la maison par crainte de la répression des Imbonerakure (membres de la ligue des jeunes du CNDD-FDD). Ces Imbonerakure sont aussi frustrés car ce sont nos frères. Ils sont aussi touchés par la pauvreté. C’est pourquoi ils cherchent des victimes à tabasser et dérober parce qu’ils doivent trouver de quoi mettre sous la dent. Vous devrez les conscientiser. À part les Motorola qu’on leur a donné pour les tromper qu’ils sont forts, ils n’ont rien. Est-ce qu’ils peuvent manger ces Motorola là ? Vous devrez leur rappeler que le Burundi a sombré », a ajouté Patrick Nkurunziza.
Selon Léonce Ngendakumana, le CNDD-FDD qui ne tolère pas d’être critiqué, devrait mettre fin à tous les actes qui suscitent les accusations.
« Pouvons-nous dire que nous avons le sucre alors qu’il n’y en a pas ? Allons-nous nous taire alors que les enfants n’apprennent rien à l’école? Allons-nous cesser de crier alors que des personnes sont enlevées et retrouvées mortes ? C’est impossible. Qu’ils sachent que le parti Frodebu va dénoncer les mauvaises pratiques s’ils continuent de le faire et nous sommes prêts à faire face aux conséquences y relatives », a martelé l’ancien président de l’Assemblée nationale. Il a demandé à tous les Burundais de « refuser un pouvoir autoritaire ».
« Ndadaye voulait un Burundi respectueux et respecté où les Hutus, les Tutsis, les Ganwa et Twa doivent se coaliser pour refuser un pouvoir autoritaire ».
Il a déploré la corruption qui caractérise les autorités burundaises qui asphyxient les Burundais par les impôts et taxes et veulent faire régresser tous les droits acquis avec l’avènement du parti Frodebu en 1993.
« Les dirigeants actuels ont échoué sur tous les plans durant leurs 18 années de pouvoir », a-t-il accusé.
Léonce Ngendakumana appelle les partis politiques, les confessions religieuses, la société civile, les intellectuels, tous les Burundais dans l’ensemble, tout âge confondu à se lever comme un seul homme pour changer les choses.
Les indignés sont nombreux et sont plus forts que les gens aisés.
Léonce Ngendakumana
Pour Léonce Ngendakumana, le problème burundais n’est pas ethnique. Il donne l’exemple des anciens officiers militaires Tutsis qui ont dirigé le Burundi en faisant toujours recours à des coups d’Etat, et des dirigeants actuels du CNDD-FDD qui discriminent les Hutus à l’instar du leader traditionnel CNL, Agathon Rwasa alors qu’il a été au maquis comme eux pour la même cause.
Pour le moment, le parti Frodebu est conscient que la période électorale s’annonce rude mais reste confiant que si les Burundais votent de façon responsable, » nous allons commencer d’abord par gagner les élections législatives ».
Ses leaders rappellent aux Burundais que le peu de droits dont jouissent encore les citoyens dont ceux liés à la valorisation de la femme et de la minorité des Batwa, sont nés avec la prise de pouvoir par Melchior Ndadaye.
Premier Hutu élu comme chef de l’État dans la petite nation de l’Afrique de l’est le premier juin 1993 avant d’être assassiné le 21 octobre la même année, Melchior Ndadaye reste un héros pour la majorité de Burundais et tous les Hutus. Il a été reconnu « héros de la démocratie par le CNDD-FDD ». Ndadaye a son monument dans la ville commerciale Bujumbura non loin de son palais.
Le CNDD-FDD au pouvoir au Burundi est une ancienne rébellion Hutu qui est née après l’assassinat de Ndadaye. Mais depuis son accession au pouvoir en 2005 grâce à l’accord de paix et de réconciliation d’Arusha d’août 2000, il a trouvé d’autres soutiens chez des formations politiques et organisations Hutus et Tutsis, ce qui écœure son ancien mentor dont les militants intellectuels disent que « nous sommes écartés alors que nous avons beaucoup à contribuer pour le bien de ce pays où tout est chaotique ».
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Photo : les responsables du parti Frodebu saluent des militants dans une cérémonie marquant le 31e anniversaire de la première victoire d’un président Hutu élu comme chef de l’État au Burundi, le 2 mai 2024 à Gitega
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