Burundi : plus de 210 personnes assassinées en moins d’une année (Rapport Ligue-Iteka)
La Ligue des droits de l’homme Iteka s’alarme sur la détérioration accrue de la situation des droits humains à quelques mois des législatives au Burundi. Elle craint le pire et en appelle au gouvernement à la retenue. (SOS Médias Burundi)
La pionnière des organisations de défense des droits humains dans la petite nation de l’Afrique de l’est, « Ligue Iteka », lance un cri d’alarme dans son dernier rapport sur les violation des droits de la personne humaine.
Le rapport qui couvre la période de janvier à septembre 2024 dresse un bilan largement négatif.
Cette organisation a pu dénombrer plus de 210 cas de tueries dont « 31 imputés aux agents étatiques et 10 exécutions sommaires ».
Le grand nombre est celui des personnes assassinées par des « gens non encore identifiés et dont les cadavres sont retrouvés un peu partout dans le pays », lit-on dans ledit rapport. « Vu l’urgence d’inhumation de ces corps par les administratifs sans enquêtes préalablement établies, l’État est de ce fait tenu responsable », pointe le rapport.
En effet, l’organisation qui travaille depuis l’exil a pu identifier 214 arrestations arbitraires et 30 cas d’enlèvement.
Pour illustrer, ne fut-ce que, quelques exemples, la Ligue Iteka a documenté des cas de tueries à Bugendana (Gitega-centre), Kayanza ( nord), Rugombo (Cibitoke-nord-ouest), Nyanza-lac (Makamba-sud), Muramvya -Bujumbura ( centre-ouest), les prisons de Mpimba (Bujumbura- ville commerciale) et Bururi (sud) pour ne citer que ces cas-là.
Cette organisation le plus souvent citée par le département d’État américain dans ses rapports annuels, s’inquiète du phénomène d’enlèvements, d’arrestations arbitraires ainsi que de tortures et traitements inhumains ou encore de violences sexuelles qui ne fléchit pas.
Le CNL plus visé…
D’après le rapport, les victimes qui ont pu être identifiées sont des membres des partis de l’opposition en l’occurrence le CNL.
« Les renseignements arrêtent ou enlèvent des membres du parti CNL fidèles à Agathon Rwasa. Et de nombreux corps retrouvés sont enterrés en catimini sans enquête », regrette la Ligue Iteka qui appelle des mécanismes de protection des droits de l’homme de l’ONU à suivre de près « cette situation qui risque d’empirer en période électorale ». Agathon Rwasa est le leader traditionnel-CNL contesté.
Les jounalistes, les défenseurs des droits humains ainsi que des lanceurs d’alerte ou des leaders d’opinion sont aussi oppressés, à en croire la Ligue Iteka.
Auteurs…
Selon le document de la Ligue Iteka, les auteurs sont en majorité les agents du Service national de renseignements (SNR), des policiers ainsi que des inconnus mais opérant au grand jour avec des véhicules dont les numéros d’immatriculation sont identifiés par le public.
“Cela suppose qu’ils bénéficient de la complicité des services de l’ordre et de la sécurité comme ils restent impunis. Il y a lieu alors de s’interroger si ce phénomène d’enlèvement n’a pas de lien avec les corps découverts dans la nature et enterrés immédiatement par
l’administration sans enquête en violation de la loi”, analyse la plus ancienne organisation de défense des droits humains au Burundi.
Tout en donnant des exemples précis, le rapport cite des cas où des policiers ou des agents de la documentation ont tués par balles réelles des gens dont des prisonniers.
« Des agents étatiques comme les policiers se rendent coupables d’abus en tirant à balles réelles en toute impunité sur des victimes, comme des présumés voleurs ou fraudeurs et parfois sans aucun motif et généralement dans des circonstances qui ne justifient pas l’usage des armes à feu », lit-on.
« Il y a également des cas de détenus qui succombent à leurs maladies suite au refus d’accès aux soins de santé appropriés par les responsables pénitentiaires », poursuit le document.
Dans d’autres cas, la Ligue Iteka incrimine des Imbonerakure, la ligue des jeunes affiliés au parti présidentiel, le CNDD-FDD.
“Les miliciens Imbonerakure du parti CNDD-FDD au pouvoir s’arrogent le droit d’intimider et harceler des opposants politiques. Généralement impliqués illégalement dans le maintien de l’ordre et de la sécurité par les autorités administratives, ils en profitent pour imposer des amendes illégales et n’hésitent pas de tuer ceux qui ne s’exécutent pas alors que la peine capitale est abolie dans la loi burundaise”, soutient le rapport sorti en novembre dernier.
Justice-trompe-l’œil…
Cependant, la Ligue Iteka salue l’effort, quoi que minime du gouvernement, pour avoir réussi à arrêter et à poursuivre certains des présumés auteurs.
“Des fois, ils sont arrêtés par la justice pour calmer la colère des victimes et de la population mais rien ne garantit des procès justes et équitables dans les affaires de criminalité qui les concernent
car ils bénéficient généralement du soutien du parti au pouvoir et de l’administration politico- administrative”, fait savoir l’organisation qui travaille en exil depuis 2015.
Pour conclure, la Ligue Iteka trouve que les législatives et communales de 2025 et la présidentielle de 2027 s’annoncent mal et que l’étau risque de se resserrer surtout à l’encontre des opposants assumés et présumés et ces échéances se dérouleront dans un contexte de
violations continuelles des droits humains.
« […] C’est pour toutes ces raisons que nous demandons à tous les mécanismes internationaux de droits humains de suivre de près la situation au Burundi. Elle risque de se détériorer davantage avec la fièvre électorale qui commence à se manifester par le verrouillage de l’espace démocratique et l’intolérance politique à l’approche des élections législatives de 2025 », recommande le rapport.
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Photo : le président Évariste Ndayishimiye passe les troupes en revue en marge de la célébration de la fête de l’indépendance dans la ville commerciale Bujumbura, le premier juillet 2022 © SOS Médias Burundi
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