Tanzanie : les autorités appellent au retour massif de réfugiés burundais sous le nouveau régime

Tanzanie : les autorités appellent au retour massif de réfugiés burundais sous le nouveau régime

Le directeur général en charge des réfugiés au ministère tanzanien de l’intérieur a effectué une tournée dans trois camps de réfugiés burundais: Nyarugusu, Mtendeli et Nduta. Il était porteur d’un seul message: recommander à ces Burundais de rentrer sous le nouveau régime. Ce pays considère que la paix est revenue sur tout le territoire national du Burundi pour qu’aucun Burundais ne reste exilé sur sa terre. (SOS Médias Burundi)

Sudi Mwakibasi a débuté sa tournée jugée « décisive » par les réfugiés dans le camp de Nyarugusu lundi 29 juin 2020.

Il l’a poursuivie mardi à Mtendeli pour la terminer hier à Nduta.

Un même message

Selon des témoins, M. Mwakibasi qui est en même temps chargé de la gestion de tous les camps de réfugiés installés en Tanzanie, a dit être rassuré par l’évolution de la situation sécuritaire au Burundi qui, selon lui est un signe positif pour que les réfugiés puissent rentrer.

“Je viens de passer à peu près deux semaines dans votre pays. J’ai eu le temps de parcourir presque tout le Burundi. Nous n’avons vu aucun élément de nature à perturber la paix. Les gens exercent leurs activités quotidiennes de développement. Aucun signe d’insécurité”, a-t-il tenu à souligner.

Selon nos sources, cet officiel tanzanien s’est rendu au Burundi durant la semaine de deuil pour feu Pierre Nkurunziza en juin dernier.

Les autorités tanzaniennes estiment que le nouveau régime inspire confiance aux réfugiés.

“Vous devez profiter de cette opportunité qu’offre le nouveau leadership récemment mis en place. Le président lui-même vous a appelés à rentrer pour participer au développement du pays avec les autres Burundais.
Nous vous encourageons à répondre massivement à cet appel”, a laissé entendre le chargé des réfugiés en Tanzanie.

Appel ou contrainte

Au camp de Nduta, M. Mwakibasi a évoqué un probable usage de la force selon les réfugiés. « Dans son message, il a fait allusion à l’incident de 2012 quand des réfugiés burundais ont été tués par des militaires dans le camp de Mtabila, plusieurs autres blessés », racontent-ils.

À l’époque, les autorités tanzanienne et burundaise s’étaient convenues de fermer le camp, contraignant les occupants à un retour forcé.

Des réfugiés qui se sont confiés à SOS Médias Burundi craignent un rapatriement forcé.

“Son ton était dur et il était furieux. Il a d’ailleurs insinué qu’il y aura des conséquences pour celui qui ne répondra pas à l’appel. Nous nous demandons de quel genre de conséquences il a voulu parler”, réagissent plusieurs réfugiés du camp de Mtendeli qui considèrent que c’est la continuité du plan Nkurunziza de rapatrier les réfugiés par force.

Et de d’ajouter, “quand les autorités tanzaniennes utilisent le verbe demander, c’est en fait un ordre qui est donné. Avec 5 ans que nous venons de passer ici, nous savons décoder leur langage”, disent-ils.

Ces Burundais demandent au HCR, à la communauté internationale et aux organisations de défense de droits humains de plaider pour eux.

“On se souvient de la pression de ce pays en 2019. N’eut été le rôle de ces ONG internationales, des médias et de l’ONU, nous serions tous rentrés par force. Nous demandons la reprise de ce plaidoyer car nous sommes vraiment malheureux”, font-ils savoir.

Ils estiment que « le danger qu’ils ont fui les guette toujours ».

Une pancarte de la zone C du camp de Nduta
Une pancarte de la zone C du camp de Nduta

Entre autres défis, ils citent des Imbonerakure qui, selon eux sont toujours armés et font la pluie et le bon temps sur leurs collines d’origine.

La Coalition Burundaise des Défenseurs des droits Humains Vivant dans les Camps de Réfugiés, CBDH/VICAR s’insurge contre cette position de la Tanzanie.

“Il s’agit ni moins ni plus d’une connivence entre les gouvernements tanzanien et burundais. On s’attendait à ce qu’il y ait un changement, mais la nouvelle équipe gouvernementale ne nous rassure pas. L’exemple, c’est la nomination du premier ministre et du super ministre de l’intérieur et de la sécurité publique. Ils nous ont harcelés, tués et torturés. Ce sont eux qui nous ont fait fuir. Leur nomination est une insulte pour les réfugiés. Comment envisager un retour sous leur régime, notre sort serait connu d’avance”, indique Léopold Sharangabo, vice-président de la coalition.

Pour Sharangabo, la Tanzanie a déjà manifesté son intention de contraindre les réfugiés burundais à retourner dans leur pays. »La Tanzanie fait tout pour forcer et contraindre les réfugiés burundais à rentrer. Des emprisonnements et disparitions forcées des réfugiés dans les camps, la fermeture des marchés et l’interdiction de tout commerce dans les camps, une violation de leurs droits élémentaires”, relate-t-il.

La Tanzanie héberge encore plus de 164.000 réfugiés burundais.

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