Burundi: la CVR dit avoir découvert plus de douze mille six cents restes humains

Burundi: la CVR dit avoir découvert plus de douze mille six cents restes humains

La Commission Vérité et Réconciliation affirme avoir exhumé 12.643 ossements des personnes massacrées lors de différentes crises, essentiellement celle de 1972. Le président de la commission a présenté hier le bilan provisoire des travaux d’exhumation des corps des victimes de différentes crises qu’a connues le Burundi. C’était dans la capitale politique Gitega. (SOS Médias Burundi)

D’après Pierre Claver Ndayicariye, président de la CVR, les découvertes concernent les provinces de Gitega, Mwaro et Karusi (centre-est),Bujumbura, Bubanza et Rumonge (ouest et sud-ouest), Ngozi (nord) et Makamba (sud).

La majorité des victimes ont été massacrées lors de la crise de 1972 qui a emporté plus de Hutus que de Tutsis.

Il a toutefois précisé que parmi les restes jusqu’ici découverts, figurent également ceux des personnes tuées en 1988 pendant les massacres de Ntega-Marangara (provinces de Kirundo et Ngozi, nord du Burundi) ainsi que pendant la crise de 1993 consécutive à l’assassinat du premier président Hutu démocratiquement élu Melchior Ndadaye.

M.Ndayicariye dresse un bilan provisoire de 12643 ossements déjà exhumés. « Nous sommes au début, on n’a rien fait. L’équipe ancienne de la CVR nous a dit qu’il existe au-moins 4000 fosses communes. Il y a d’autres personnes qui ont été jetées dans des rivières, dans des lieux désertés, nous continuons de collaborer avec des habitants pour trouver d’autres endroits où des gens ont été enterrés », a indiqué M. Ndayicariye.

Depuis le début de cette année, le travail de la CVR a été décrié par plusieurs acteurs dont l’ancien premier vice-président de la République du Burundi Gaston Sindimwo. La commission est accusée de ne se soucier que des victimes Hutus seulement et d’être un outil du CNDD-FDD. » Nous nous réservons d’étiqueter les victimes. Ces dernières sont des Burundais de toutes les ethnies, Hutus, Tutsis et Twa. Il y a même des étrangers qui vivaient au Burundi au moment des faits et qui ont perdu la vie. Nous, nous exhumons des Burundais qui ont été victimes de la barbarie humaine, ne me demandez pas de dire s’il s’agit de Tutsis, Hutus ou Twa. Ce n’est pas le moment et je ne tomberai pas dans ce piège « ,a répondu le président de la CVR à un journaliste qui voulait un commentaire sur les allégations qui visent sa commission.

Toutefois, plusieurs habitants ont confié à SOS Médias Burundi que la commission semble ignorer les endroits où ont été enterrés des Tutsis.

Témoignages

« Lorsque la crise de 1993 a éclaté, plusieurs personnes de l’ethnie Tutsi dont mes proches et voisins ont été rassemblées au centre de négoce de Masango situé sur la colline de Bugendana dans la province de Gitega (centre du Burundi ).
Elles ont été tuées et jetées dans une fosse commune. Lors des dépositions des témoignages à la CVR, j’ai signalé le cas. Jusqu’à présent, aucun commissaire ou agent de la CVR n’est venu récolter d’autres témoignages. Toutefois, la commission enchaîne découverte sur découverte de fosses communes où ont été enterrés des Hutus », a confié à SOS Médias Burundi un rescapé des massacres de Bugendana (province de Gitega, centre du Burundi) de 1996.

Des employés de la CVR sur un site de Mutobo,en commune de Giheta dans la province de Gitega

Pour rappel, une attaque des rebelles du CNDD-FDD avait fait 648 morts dans le site des déplacés de Bugendana le matin du 21 juillet 1996.

« En 1993, mon père a été sauvagement assassiné par de Hutus. Mon petit frère s’est déguisé en une femme en mettant un pagne pour se sauver. Moi, j’ai survécu parce que j’étais à Bujumbura (alors capitale du Burundi).
La CVR s’intéresse beaucoup plus sur les crises qui ont emporté les Hutus. Je pense que la commission veut faire gagner la crédibilité de tous les Hutu même de l’opposition au parti CNDD-FDD », a témoigné un Tutsi de la colline de Bugangura en commune de Mbuye de la province de Muramvya(centre du Burundi), avant les élections.

 » Pendant la crise de 1993, pas mal de Tutsis ont été massacrés sur différentes collines de la commune de Gihogazi dans la province de Karusi (centre-est du Burundi). Des corps ont été jetés dans les toilettes et d’autres sans les rivières. La CVR risque d’attiser la haine ethnique « , a dit un autre Tutsi originaire de la colline de Mbabazi en commune de Nyabikere de la province de Karusi.

De son côté, une association de défense des droits des victimes Tutsis va jusqu’à accuser la CVR et des officiels burundais d’influencer la population pour qu’elle mente sur l’identité des victimes. » Nous avons des preuves par exemple dans la commune de Kiremba (province de Ngozi, nord du Burundi), où des habitants ont été ordonnés de dire que les Tutsis massacrés et enterrés dans une fosse commune en 1993 sont plutôt des Hutus assassinés en 1972.
L’on doit avant tout prêcher la vérité. Tu ne peux pas prendre des restes humains de Tutsis et les appeler des restes des Hutus. C’est honteux  » a insisté Emmanuel Nkurunziza, secrétaire de l’association AC Génocide Canada qui exige la suspension des travaux de la CVR jusqu’à ce que la commission soit inclusive.

Ce vendredi, la commission va présenter deux nouveaux sites à Mutobo et Nyambeho (province de Gitega).
Elles renferment respectivement 648 et 319 ossements des victimes de la crise de 1972.

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