Burundi : détention provisoire confirmée pour huit réfugiés burundais “déportés” de la Tanzanie

Burundi : détention provisoire confirmée pour huit réfugiés burundais “déportés” de la Tanzanie

La police tanzanienne a remis au Burundi huit réfugiés en août dernier. D’abord kidnappés aux camps de Nduta et Mtendeli, ils sont pour le moment détenus dans les prisons de Muramvya (Centre du Burundi) et Bubanza (Ouest). Ils ont comparu la semaine dernière au tribunal de grande instance de Muha dans la capitale économique Bujumbura pour une possible libération provisoire, en vain. La décision rendue est dénoncée par leurs avocats. (SOS Médias Burundi)

Une copie de la décision rendue par le tribunal est parvenue à SOS Medias Burundi. Elle montre que les détenus sont Félix Cimpaye, Ézéchiel Niyoyandemye, Saïdi Rwasa, Révocatus Ndayishimiye, Anaclet Nduwimana, Radjabu Ndizeye, Emmanuel Nizigama et Didier Bizimana.

Ils sont tous poursuivis pour “atteinte à l’intégrité du territoire national et participation aux bandes armées”. Leurs avocats dénoncent la mesure. “C’est une décision qui n’a aucune base légale parce qu’on a démontré que ces personnes ont été simplement victime d’un enlèvement puis incarcérées sans moindre preuve des chefs d’accusation à leur charge. Donc nous éprouvons un sentiment de désolation parce que cette décision n’est pas du tout judiciaire”, a réagi un d’entre eux après avoir vu la copie de la décision judiciaire ce mercredi.

Les intéressés avaient été enlevés en juillet 2020 dans les camps de Nduta et Mtendeli où ils s’étaient réfugiés. D’abord emprisonnés dans les cachots de la police dans ce pays, la police tanzanienne les a après remis aux autorités burundaises le mois suivant.

Leur défense dénonce une violation grave des lois et procédures internationales. “C’est une déportation violente et illégale, digne d’un enlèvement. Ils se sont faits arrêter pendant la nuit dans leurs camps de réfugiés et puis, il n’y a aucun document attestant leur transfert de la main des autorités tanzaniennes à celle des autorités judiciaires burundaises”, dit-elle.

Pour la défense, les conventions internationales sur les personnes sous le statut de réfugiés ont été bafouées. “Ces personnes sont reconnues par le HCR comme étant des réfugiés burundais protégés par des conventions internationales de Genève. Ils ne devraient en aucun cas se retrouver sur le sol d’un pays qu’ils ont fui sauf en cas de rapatriement volontaire librement consenti. Or, ils ont été conduits par force depuis le pays d’exil jusque dans les prisons, ce qui est inadmissible sous d’autres cieux”, regrettent-ils.

Des conditions indécentes de détentions décriées

“Aussi les conditions de détention sont inhumaines, loin de leur famille et de leur lieu de comparution, ce qui constitue une violation de leurs droits élémentaires, raison pour laquelle nous exigeons qu’ils soient libérés”, indiquent leurs avocats.

Décision politique

Les défenseurs des droits humains, eux parlent d’une décision politique. “Les charges qui pèsent sur eux sont purement politiques et fabriquées. Ils devaient être immédiatement relâchés car même le ministère public a considérablement manqué de preuves matérielles prouvant que ces réfugiés ont commis des actes criminels. Nous nous insurgeons contre cette détention arbitraire”, souligne Léopold Sharangabo, vice-président de la CBDH/VICAR, une coalition de défenseurs de droits humains vivant dans les camps de réfugiés burundais qui a suivi de près l’affaire.

Elle dénombre d’autres Burundais qui auraient subi le même sort depuis la Tanzanie qui les avait accueillis. “Depuis fin 2019, nous avons pu compter plus de disparitions forcées à Nduta et Mtendeli, mais ces chiffres sont largement inférieurs à la triste réalité car ces enlèvements sont devenus monnaie courante. Nous craignons que les victimes aient été tuées ou déportées comme ceux-là qui sont détenus au Burundi. Nous en appelons à la Tanzanie et au Burundi de retrouver ces gens”, exige M. Sharangabo.

Les défenseurs des droits humains s’accordent pour dire que plusieurs réfugiés burundais, y compris ceux qui ont été déportés vers le Burundi, sont torturés et forcés de rentrer, leurs familles subissant le même sort.

En octobre 2020, un cadre du ministère tanzanien de l’intérieur, en charge des réfugiés a signifié à Human Rights Watch que “ce ministère n’a pas été informé de ces cas de transfert des Burundais vers leur pays sans leur consentement ou le concours du HCR”.

Samedi dernier, le président burundais Évariste Ndayishimiye a appelé ses homologues de la communauté de l’Afrique de l’est à aider pour convaincre les réfugiés burundais à rentrer volontairement tout en remerciant ceux qui ont déjà compris et mis en application son appel.

Parmi les bons élèves que Ndayishimiye a insinué, il y a la Tanzanie qui a déjà rapatrié plus de 100.000 Burundais depuis 2017. Cependant la plupart d’entre eux ont souligné qu’ils y ont été contraints, dénonçant des manoeuvres de forcing dans les camps de Nduta, Nyarugusu et Mtendeli, le HCR ayant déjà enregistré des retours à l’exil parmi les rapatriés.

L’EAC abrite plus de 300.000 réfugiés burundais dont la moitié se trouve en Tanzanie selon les chiffres du HCR.

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Photo : pancarte montrant le tribunal de grande instance de Muha

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