Burundi : le passeport, denrée recherchée
Depuis un certain temps, il faut attendre jusqu’à plus de six mois pour avoir un passeport. Le document de voyage devrait pourtant être délivré officiellement sous 8 jours. Des demandeurs fatigués par l’interminable attente dénoncent « un système corrompu » et demandent la renormalisation de la procédure. Les responsables de la police de l’air, des frontières et des étrangers (PAFE) reconnaissent qu’il y a la lenteur dans l’octroi du document sans donner de raisons. La semaine dernière, la plupart des responsables de l’institution ont été limogés. (SOS Médias Burundi)
Selon notre reporter qui s’est déplacé pour constater la situation, « les demandeurs de passeport sont très nombreux » et se plaignent. « Sur de longues files indiennes, des demandeurs de documents de voyage sont stressés et en colère. Ils se bousculent, mais apparemment ils n’avancent pas », a-t-il remarqué.
Des personnes qui se sont confiées à SOS Médias Burundi dont celles en provenance des provinces lointaines affirment avoir payé les frais relatifs à l’obtention du document durant plus de six mois, mais qu’ils attendent, en vain. « Je viens de l’intérieur du pays, et ça fait bientôt 7 mois que j’ai payé pour avoir mon passeport, en vain. Ça fait la troisième fois que je descends pour vérifier s’il a été confectionné. Imaginez-vous les tickets que je paie, la restauration, la fatigue […]. Toutes ces dépenses qui s’ajoutent à un prix du passeport aussi cher, et on ne l’a pas dans les délais. C’est trop fatigant », a lâché en colère un homme originaire d’une localité située à plus de 100 km de la capitale économique Bujumbura.
Corruption
Selon des témoins, la plupart de passeports se confectionnent sur base de corruption ou de connaissance. « Des fois, on voit des filles accompagnées par de hauts gradés de l’armée ou de la police venir. Elles nous dépassent et entrent directement dans les bureaux. En quelques minutes, elles sortent. Un policier m’a confirmé que leurs passeports sont dans la production et qu’ils seront disponibles le même jour. C’est injuste alors que nous passons des mois à galérer ici », regrette un demandeur d’un passeport.
Et d’ajouter, « Des commissionnaires négocient individuellement avec des demandeurs pour qu’ils payent de l’argent.
La somme additionnelle sans reçu de 300 mille francs burundais (un peu plus de 150 dollars) est exigée pour une production rapide du passeport déjà acheté à 235 mille francs burundais ».
Dans la situation actuelle, même des cas de patients cherchant un passeport pour aller se faire soigner à l’étranger ne sont plus traités en urgence comme il est d’usage. C’est le cas d’un malade qui souffre du cancer qui devrait se rendre dans un hôpital dans un pays asiatique.
Il déplore lui avoir été demandé de verser un pot de vin allant jusqu’à 300 mille francs burundais pour être servi. « Je n’ai pas pu avoir le montant car occupé à remplir d’autres besoins. C’est comme ça que j’ai raté mon rendez-vous », se désole ce patient qui vient d’attendre un passeport pendant des mois.
Et de dénoncer, « Et pourtant ceux qui ont des gens bien placés dans l’administration, la police ou l’armée obtiennent le passeport comme s’ils se rendaient à une boutique pour l’achat du haricot ».
Sans donner d’explications sur les raisons à l’origine de cette lenteur dans l’octroi du passeport, le commissaire général de la PAFE affirme être au courant de la situation. Il nie toutefois la pratique de corruption au sein de son institution.
La semaine dernière, la majorité des chefs de bureaux et responsables de la PAFE ont été limogés à l’exception du commissaire général et du chargé du service de visas.
Au cours des dix dernières années, la police de l’air, des frontières et des étrangers était considérée comme l’un des organes les mieux organisés et où la transparence est une devise au Burundi, un des pays les plus pauvres et corrompus, selon des rapports des organisations internationales.
Mais récemment, il a été constaté que des agents de cette institution et commissionnaires collaborant avec eux ont beaucoup aidé dans le trafic de femmes et filles burundaises qui partent dans les pays du Golfe.
Le ministre en charge de la sécurité s’est plaint à l’Assemblée Nationale dernièrement affirmant qu’il n’acceptera plus que « le Burundi subisse des sanctions à cause des fonctionnaires corrompus qui s’adonnent au trafic humain ».
Selon un rapport d’experts et de défenseurs de droits humains,le passeport burundais est parmi les plus chers au monde, tenant compte de la pauvreté des citoyens.
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Photo : un parking à l’entrée principale du public à la PAFE
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