Burundi : la police a arrêté brutalement une conférence de presse conjointe de deux associations locales

Burundi : la police a arrêté brutalement une conférence de presse conjointe de deux associations locales

Deux associations œuvrant dans le domaine de la promotion de la bonne gouvernance, à savoir la Parcem et l’Olucome, avaient convoqué une conférence de presse pour donner leur point de vue sur la récente mesure d’extension des zones interdites aux motos, vélos et tricycles dans la capitale économique Bujumbura. La conférence de presse a été interrompue par la police, ce lundi. Elle parle d’une « activité non annoncée à l’avance ». (SOS Médias Burundi)

Dans leur déclaration, la Parcem (Parole et Action pour le Réveil des Consciences et l’Évolution des Mentalités) et l’Olucome (Observatoire de lutte contre la corruption et les malversations économiques) plaident pour la suspension provisoire de la mise en application de cette mesure « controversée en vue d’éviter les conséquences néfastes sur les citoyens déjà pauvres ».

Selon ces organisations, il s’agit de plus de 100 mille familles qui seront touchées par la décision.

Certaines des conséquences évoquées sont : l’augmentation du chômage, du banditisme, de la pauvreté, de l’incapacité de rembourser les crédits pour les propriétaires de ces engins, d’un capital de 50 milliards qui serait menacé de nullité, de l’inflation des produits de première nécessité, de l’augmentation des files d’attente des passagers (sur les parkings de bus)….

Elles alertent sur la perturbation de tout le système de transport des biens et des personnes.

La police s’est improvisée et a arrêté la conférence de presse. Elle se déroulait sur l’avenue Muyinga juste en face des bureaux de la CNIDH (Commission nationale indépendante des droits de l’homme), c’est dans les enceintes de la Parcem ,dans le centre de Bujumbura.

« À peine la conférence commencée, la police a fait irruption dans les enceintes de la Parcem où elle se tenait . Le responsable la police pour la région ouest a sommé Gabriel Rufyiri et Faustin Ndikumana, successivement président de l’Olucome et de la Parcem de suspendre la conférence. Ils se sont exécutés », ont remarqué des journalistes qui avaient été conviés à l’événement.
Arthémon Nzitabakuze leur a accusé d »‘animer une conférence de presse sans avoir demandé une autorisation préalable ».

Et pourtant, la Parcem s’était déjà exprimée sur le dossier dans un point de presse très récemment. Et presque toutes les deux semaines, son président donne des éclaircissements ou des suggestions sur des mesures, des lois mises en place par les autorités burundaises ,surtout dans les domaines de la bonne gouvernance et de lutte contre la corruption et l’impunité.

Non plus, au Burundi aucune loi n’empêche des individus de façon personnelle, des groupes ou associations de convoquer et animer des conférences sur « un sujet quelconque ».
Mais les autorités se réservent le droit de les en empêcher « au nom de la sécurité » souvent.

Même le mensonge est permis quand il s’agit de la mesure concernée

Le 23 février dernier quand le ministre en charge des affaires intérieures et de la sécurité publique a annoncé la décision d’extension des zones interdites aux motos, vélos et tricycles ou Tuk-Tuk dans la ville commerciale Bujumbura, il a évoqué entre autres causes « des cas de vols ou de criminalité souvent commis par des individus qui se déplacent à bord de ces engins et la montée des effectifs des victimes des accidents de la route ».

Gervais Ndirakobuca s’était fait accompagner d’un expert : le chargé de la cellule de prévention des accidents au sein de la police de roulage.

Athanase Bukeyeneza a parlé de « 130 personnes mortes dans des accidents de roulage, 1970 blessées entre janvier 2021 et janvier 2022 à Bujumbura, le tout lors de 349 accidents ».

Mais les services qui ont donné rapport au ministre doivent être différents de ceux qui ont donné le briefing au chef de l’Etat.

Évariste Ndayishimiye a affirmé que « 30 personnes meurent dans des accidents de la route sur Bujumbura chaque semaine », des accidents causés par les motos, vélos et Tuk-Tuk, selon le président burundais.

« Je ne peux en aucun cas tolérer la mort d’une trentaine de personnes par semaine suite aux accidents causés par des vélos, motos et tricycles », a-t-il assumé lors d’une séance de moralisation tenue vendredi dernier au chef-lieu de la province de Muyinga (nord-est) sans dire ni démontrer d’où il tient les statistiques.

Si on croit aux dires du président Neva, ce sont « 1560 morts recensés entre janvier 2021 et janvier 2022 » et non « 130 » comme il en a été répertorié par les services habilités.

Ce ne sont pas les deux associations seulement qui recommandent au gouvernement de suspendre la mesure et d’engager un dialogue à travers une commission regroupant d’experts et les concernés. Les associations des conducteurs de taxi motos, vélos et tricycles ont dénoncé une mesure « injuste et arbitraire qui va affecter la vie de plusieurs milliers de personnes » et celle de leurs familles.

Elles ont saisi le premier ministre burundais Alain Guillaume Bunyoni, en vain. Mais le ministre en charge des affaires intérieures et de la sécurité publique a accordé un délai de grâce de dix jours aux citadins concernés par la décision « décriée » qui devrait être appliquée depuis vendredi dernier.

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Photo : Gabriel Rufyiri et Faustin Ndikumana, successivement président de l’Olucome et de la Parcem lors de la conférence

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