Burundi : l’IDHB a écrit au président Neva

Burundi : l’IDHB a écrit au président Neva

L’initiative pour les droits humains au Burundi (IDHB) a écrit une lettre ouverte au président burundais, à l’occasion du deuxième anniversaire de son investiture comme chef de l’Etat. Elle lui rappelle des cas d’assassinats politiques survenus avant qu’il n’entre en fonction et d’autres cas documentés au cours des deux dernières années. Carina Tertsakian, chercheuse en chef associée à l’IDHB parle de « fossé entre les promesses du président Neva et les réalisations ». (SOS Médias Burundi)

L’IDHB commence la lettre ouverte envoyée au président Évariste Ndayishimiye en lui rappelant qu’elle lui a décrit comment six Burundais avaient été tués entre octobre 2019 et mai 2020 « en raison de leurs affiliations politiques ».

« La plupart des victimes étaient membres du parti d’opposition CNL. Des membres des Imbonerakure (membres de la ligue des jeunes du CNDD-FDD, le parti présidentiel) étaient responsables de la plupart de ces crimes. Dans certains cas, les Imbonerakure ont agi en connivence avec des autorités locales ou des responsables locaux du CNDD-FDD […], certaines de ces autorités ont depuis été promues », évoque l’organisation.

Elle indique que « ces événements ne sont pas produits isolément et ne font pas non plus partie du passé ».

Pour les chercheurs de l’Initiative pour les droits humains au Burundi, depuis l’élection de M. Ndayishimiye à la tête de la petite nation de l’Afrique de l’est, plusieurs autres cas de meurtres politiques, de disparitions forcées et de torture d’opposants au gouvernement ont été recensés.

Entre le 25 janvier et le 15 décembre 2021, l’IDHB revient sur la mort d’Égide Sindayigaya, âgé de 64 ans décédé dans un cachot de la police en province de Rumonge (sud-ouest), après être torturé par le SNR (Service national de renseignements),celui d’un membre du CNL surnommé Rasta retrouvé mort le 15 mai dans la province de Bubanza (ouest) après que des Imbonerakure l’aient sévèrement battu la veille, celui de Bernardino Baserukiye tué fin août en commune de Mugamba (province de Bururi, sud) fin juin, le cas d’Élie Ngomirakiza, représentant du CNL en commune de Mutimbuzi (province de Bujumbura, ouest) enlevé par des hommes en tenue de la FDNB (Force de défense nationale du Burundi) le 7 juillet et qui n’a jamais été revu, le cas d’Innocent Barutwanayo, décédé entre le 29 novembre et le 3 décembre alors en détention au siège du SNR à Bujumbura, après être torturé en province de Kayanza (nord) par des agents des renseignements et enfin celui d’Augustin Matata décédé après avoir été torturé au siège des renseignements également.

L’IDHB redit que ce n’est que dans l’un des cas en 2021 qu’il y a eu une lueur d’espoir que justice soit rendue: l’arrestation de Gérard Ndayisenga, un agent du SNR impliqué dans l’assassinat d’Augustin Matata. Ce cas, même le président Ndayishimiye l’a évoqué, promettant une sanction exemplaire.

« Veillerez-vous à ce que la justice lui demande des comptes pour les actes de torture, les meurtres et autres crimes graves qu’il a commis en tant qu’agent du SNR et le juge sans délai dans le cadre de procédures crédibles? », pose la question au président Neva l’organisation.

« En votre qualité de chef de l’Etat, de garant de l’indépendance de la magistrature et de responsable de la supervision de l’agence de renseignements, vous avez la capacité d’assurer que les hommes puissants dans votre entourage- ainsi que leurs hommes de main- soient traduits en justice. Vous pouvez mettre fin à l’impunité une fois pour toutes », l’interpelle-t-il.

« L’arrivée d’un nouveau président en 2020 aurait pu signaler le début d’une période plus positive et moins répressive après la crise de 2015 et les années qui ont suivi. Au début quand Évariste Ndayishimiye a été élu, il y avait beaucoup d’espoir que les choses allaient changer. Dans ses discours, le président a promis beaucoup de réformes et il avait une attitude plus ouverte que son prédécesseur », a indiqué à SOS Médias Burundi Carina Tertsakian, chercheuse en chef associée à l’IDHB.

Et de continuer » Le problème que l’on remarque deux ans plus tard, c’est l’écart entre les promesses du président et la réalité. Dans ses discours, c’est bien il se démarque des années antérieures mais les faits démontrent une continuité frappante. Par exemple, depuis qu’Évariste Ndayishimiye est au pouvoir, la répression politique envers les membres de l’opposition ou d’autres personnes soupçonnées d’avoir des liens avec l’opposition continue[…]. Ce sont des pratiques qui caractérisaient la période de la présidence de Pierre Nkurunziza. Et d’ailleurs ce sont souvent les mêmes auteurs qui sont impliqués. Il y a des personnes qui devraient être en prison mais qui continuent de torturer et de tuer ».

La présidence de la République du Burundi n’a pas encore réagi à cette nouvelle lettre ouverte adressée au président Neva pour ses deux ans au pouvoir.

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