Mahama (Rwanda) : les réfugiés burundais refusent la création d’une commission « Go and See »

Mahama (Rwanda) : les réfugiés burundais refusent la création d’une commission « Go and See »

Il y a quelques jours, une équipe constituée par les officiels du ministère en charge des réfugiés, MINEMA et du HCR ont tenu une réunion à l’endroit du comité exécutif des réfugiés burundais du camp de Mahama au Rwanda. L’objectif est d’organiser une commission « Go and See » des réfugiés qui iraient au Burundi pour revenir témoigner du constat de la situation sécuritaire dans leur pays. Les membres du comité exécutif des réfugiés ont rejeté unanimement la création de ladite commission. (SOS Médias Burundi)

La réunion s’est tenue à huis clos au camp de Mahama, situé à l’Est du Rwanda. D’après nos sources, y été conviés les membres du comité exécutif et les représentant des réfugiés burundais qui occupent essentiellement ce camp ouvert en 2015 à la suite d’une crise déclenchée par un autre mandat controversé de feu président Pierre Nkurunziza cette année.

Une question jugée sensible et épineuse a été évoquée: « comment stimuler encore les rapatriements volontaires massifs », disent des participants à la réunion.

Pour y arriver, une équipe constituée par des officiels du ministère en charge des réfugiés, MINEMA et du HCR ont suggéré qu’il y ait création d’une commission de réfugiés burundais pour « aller au Burundi, constater l’état des lieux de la situation sécuritaire et revenir témoigner à leurs compatriotes pour prendre une décision de rentrer ou non », a souligné un agent du HCR qui a rappelé que cette commission est connue techniquement comme « Go and See ».

La réponse des membres du comité exécutif des réfugiés burundais a été catégorique.

« Nous savons ce qui se fait au Burundi, pas besoin d’y aller. Et puis, notre sécurité ne serait pas assurée, encore pire qui ira faire le tour du Burundi avec des agents qui l’ont fait fuir ? Enfin, la commission n’a pas de raison d’être car nous sommes au courant chaque jour des assassinats ciblés, des violations des droits humains et des disparitions forcées rapportés dans notre pays », ont-ils expliqué.

Selon nos informations, ils ont ensuite refusé de faire partie de cette « fameuse commission qu’ils qualifient d’opportunité de soutenir l’oppresseur ».

Le HCR a rassuré que s’ils ne veulent pas participer à cette commission, il est de leur droit mais leur a demandé de « repenser à leur décision et peut être changer d’avis ».

« Cette réaction a failli causer l’interruption de la réunion car certains participants ont voulu sortir avant la fin de la séance », apprend-on.

Le HCR rappelle que dans le camp de Mahama , les réfugiés ne répondent plus massivement au rapatriement volontaire.

« Au début de l’exercice en août 2020 et en 2021, on avait chaque semaine deux convois avec plus de 300 réfugiés dans chacun. Mais pour le moment, on a un seul convoi de moins de 150 personnes par semaine et des fois nous organisons des convois une fois les deux semaines », a expliqué un agent du HCR.

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Raison pour laquelle, une analyse de cette situation s’impose, ont indiqué les agents du HCR et du MINEMA dans ce camp qui abrite pour le moment près de 40 mille Burundais.

C’est la première fois depuis que ce camp existe (sept ans) que le HCR et le MINEMA parlent de ce genre de commission au Rwanda.

L’inquiétude est donc croissante chez les Burundais du camp de Mahama.

« Même si le comité a rejeté en bloc cette commission ici , nous savons que si le HCR et le MINEMA veulent quelque chose , ils finiront par y parvenir. Ils ne vont pas manquer des gens ici ou à Kigali qui participent dans ce fiasco et qui prétendraient nous représenter. Il y a des gens ici qui collaborent en cachette avec le gouvernement du Burundi et donc ils vont sans doute être d’accord avec ça. C’est pour dire que notre avenir est incertain ici vu que les relations diplomatiques entre Kigali et Gitega progressent à grand pas », réagissent-ils.

Modèle tanzanien

La commission “Go and See” a déjà fonctionné dans les camps de réfugiés en Tanzanie.

Au début du mois dernier, ladite commission a sillonné quatre provinces du Burundi dans le sud-ouest et le sud-est, deux régions qui ont plusieurs ressortissants qui ont fui vers la Tanzanie.

A leur retour dans les camps de Nduta et Nyarugusu, ils ont présenté aux réfugiés, la situation qu’ils disent avoir observé.

« Durant notre séjour de deux semaines, pas de crépitements d’armes, pas de combat entre l’armée régulière et les rebelles, pas de mouvement de gens qui fuient, la circulation est normale dans tout le pays et nous n’avons vu aucun cadavre ou entendu des cas des gens assassinés », ont-ils essayé de convaincre.

Pourtant, les membres de la commission n’ont pas réussi à convaincre leurs compatriotes pour le retour.

« Ils ont essayé de rassurer que le Burundi est paisible, mais à les entendre ils ne sont pas eux aussi convaincus de leurs dires. Alors, il s’agissait d’une mission impossible. On suppose que nous n’avons rien entendu de leur bouche remplie de mensonges car étant des figurants et envoyés par le pouvoir qui nous a fait fuir », ont vigoureusement soutenu et réagi des réfugiés burundais dont des leaders locaux.

La visite du Haut commissaire du HCR

Le Haut commissaire des Nations-Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi y est revenu la semaine dernière au cours de sa visite au camp de Nyarugusu en Tanzanie.

« Concernant le rapatriement volontaire, le HCR ne force personne à rentrer mais nous, nous recommandons d’évaluer la situation de votre pays d’origine car la vie au camp est moins meilleure que la vie chez chacun d’entre vous au Burundi ou en RDC. Concernant la délégation, ce n’est pas pour vous inciter au retour mais plutôt pour que vos compatriotes témoignent pour vous et que vous preniez une décision mûrie et réfléchie » a-t-il dit dans un pays qui accueille pour le moment plus de 126 mille réfugiés burundais.

D’après le HCR, près de 260 mille réfugiés burundais restent hébergés dans la sous-région, essentiellement dans les camps en Tanzanie, au Rwanda, en Ouganda et au Kenya.

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Photo : vue partielle du camp de Mahama

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