Nyarugusu (Tanzanie) : un groupe d’hommes armés sème la terreur non loin du camp

Nyarugusu (Tanzanie) : un groupe d’hommes armés sème la terreur non loin du camp

Des réfugiés burundais rapportent des cas d’insécurité et d’hommes armés retranchés dans une réserve naturelle aux alentours du camp de Nyarugusu. Ces derniers parleraient bien « le Kirundi ». Au moins cinq réfugiés ont failli y trouver la mort. Ils en appellent à la police tanzanienne de traquer ces « malfaiteurs ». (SOS Médias Burundi)

La réserve naturelle qui renfermerait des « fauteurs de troubles » s’appelle « Karimungoma ». Elle est située près de la zone 13 du camp.

« C’est à quelques kilomètres. D’ailleurs des réfugiés ont l’habitude d’y aller pour rechercher du bois de chauffage. Seulement, actuellement, on a peur d’y aller car il y a des gens qui parlent le Kirundi, qui nous poursuivent et qui, des fois, tentent de nous enlever », témoignent des réfugiés burundais.

L’exemple le plus récent est celui d’un Burundais connu sous le nom de Ndagijimana Amos de la zone 13, numéro d’habitation « F9.1.1 »

« Quand il a été enlevé mi-octobre dernier, il revenait de son travail journalier et il est passé chercher du bois de chauffage. Il est alors tombé entre les mains de personnes camouflées, les unes ayant des armes, sur un sentier passant par cette réserve », racontent les mêmes sources. « Il a été sérieusement battu et jeté sur les abords de la clôture du camp », ajoutent-ils.

Ndagimana Amos a été alors découvert le lendemain par des passants.

« Il était agonisant, les mains liées, les yeux bandés. Il ne parlait pas », assurent des témoins.

Quand il a retrouvé la conscience, il a rapporté à la police ce qui lui est arrivé.

« Je suis tombé dans un groupe d’hommes armés, vêtus de tenues semblables à celles des militaires burundais. Ils parlaient le Kirundi et m’ont mis en garde si jamais je les dénonçais », s’est-t-il souvenu.

Mais Amos est loin d’être un cas isolé, car il n’est pas la seule victime, selon des réfugiés burundais.

« Plus de cinq réfugiés ont été attaqués dans cette réserve durant le seul mois d’octobre. Ils veulent nous intimider pour nous empêcher d’y aller pour ne pas les surprendre dans leurs manœuvres. Même les Tanzaniens des villages environnant le camp ne passent plus par-là. En plus, nous sommes au courant que ces gens sont logés dans certains villages non loin du camp », insistent des réfugiés.

Trois réfugiés burundais sont soupçonnés d’avoir des liens avec ce groupe non encore identifié. Ils sont tous originaires de la province Muyinga (nord-est) du Burundi.

« Ces gens sont connus pour travailler avec le service des renseignements à Muyinga. Nous les avons dénoncés suite à des réunions nocturnes qu’ils tiennent et à des menaces à l’endroit de jeunes réfugiés qui ont manifesté en 2015 (contre un autre mandat controversé de feu président Pierre Nkurunziza). Mais la police n’a rien fait. Nous soupçonnons qu’ils sont protégés par la police car les forces de l’ordre n’ont même pas encore fait des patrouilles dans cette réserve de Karimungoma », s’inquiètent ces réfugiés.

Déstabilisation du camp en vue

D’après des sources concordantes, surtout chez les leaders locaux à Nyarugusu, des actes de déstabilisation du camp seraient en préparation dans la même réserve de Karimungoma.

« On a eu ces informations et on les a rapportées à la police. Ces fauteurs de troubles seraient des agents de renseignements burundais en collaboration avec certains soi-disant réfugiés pour déstabiliser le camp et, ainsi, la Tanzanie pourra nous chasser disant que nous constituons une menace à l’ordre public pour enfin fermer le camp », font-ils savoir.

Un agent des services secrets burundaise à Muyinga, dénommé « Mbogambi Jean Berchmans » aurait été vu plusieurs fois ces derniers temps au camp de Nyarugusu.

« C’est lui qui coordonne les activités, d’après nos informations. Nous avons aussi rapporté cela à la police mais rien n’a été fait. Et donc, nous en concluons qu’elle est complice. S’il nous arrive quoi que ce soit, elle en sera tenue responsable », laissent entendre ces Burundais.

La peur panique s’installe petit à petit

Les réfugiés burundais du camp de Nyarugusu vivent actuellement dans la peur et exigent que leur sécurité soit renforcée.

« Certains d’entre nous ne dorment plus chez eux, du moins ceux qui se sentent plus menacés. Nous avons instauré une sorte de rondes nocturnes stratégiques. Nous-mêmes nous savons comment on le fait avec des consignes internes. Nous appelons la police à redoubler de vigilance pour éviter que le pire se produise d’un moment à l’autre », ajoutent des chefs de ménage.

Confirmation de la police

Fin octobre dernier, la police tanzanienne a déclaré qu’il y a « des personnes non encore identifiées en provenance du Burundi» qui s’introduisent dans les camps de réfugiés de Nduta et Nyarugusu pour « enlever des réfugiés ».

Selon un rapport de la police à Kibondo dans la région de Kigoma, « au moins 49 réfugiés burundais des camps de Nyarugusu et Nduta disparaissent chaque année et sont visés pour leur passé politique notamment ».

La police à Kibondo a affirmé qu’elle s’inquiète que « les enlèvements sont favorisés par la proximité des deux camps avec la frontière burundo-tanzanienne car ils sont installés dans la région de Kigoma, non loin du poste frontalier ».

La commission tripartite Burundi-Tanzanie-HCR a dernièrement critiqué que l’appel au rapatriement massif des réfugiés burundais en Tanzanie n’a pas eu des résultats satisfaisants.

Les réfugiés s’inquiètent que « de nouvelles stratégies pourraient être adoptées notamment la déstabilisation des camps » pour les contraindre à regagner leur pays.

Les deux camps comptent encore plus de 117 000 réfugiés burundais, selon des chiffres du HCR au 30 septembre 2023.

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Photo d’illustration : des réfugiés récupèrent le corps d’Albert Minani non loin du camp de Nyarugusu dans le nord-ouest de la Tanzanie, le 17 août 2023, un réfugié burundais qui avait été assassiné la veille

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