Rwanda : rapatriement de 95 réfugiés burundais
Ils sont en grande partie en provenance du camp de Mahama même s’il y a une dizaine de Burundais qui vivaient dans les centres urbains. Le Rwanda qui abrite plus de 50,000 réfugiés burundais les a faits transiter par la frontière terrestre que les autorités burundaises ont fermé en janvier dernier. (SOS Médias Burundi)
Les rapatriés sont au total 95 dont 78 du camp de Mahama situé plus à l’Est du Rwanda. Ces derniers ont quitté le camp très tôt le matin de ce mercredi et tous ont pris la direction du poste frontalier de Gasenyi-Nemba (Kirundo- nord du Burundi). La plupart d’entre eux sont originaire des provinces du nord-est du Burundi.
Rapatriés volontairement par le HCR et le gouvernement rwandais, ils sont impatients de voir leur famille restée dans leur pays.
« Je vais rentrer chez moi et aider mes compatriotes dans le développement du pays. Je n’ai pas peur car je réponds à l’appel du président Ndayishimiye qui ne cesse de nous demander de rentrer. Je suis confiant que rien ne va m’arriver », a indiqué une femme de trois enfants.
D’autres se sont reconvertis avant de prendre le chemin retour.
« Je ne ferai plus la politique. Je vais m’adonner à l’agriculture et à l’élevage et ainsi m’occuper de ma famille. Je ne participerai plus à des activités de manifestations qu’elles soient pour ou contre le pouvoir. Je vais être comme anonyme chez moi car j’ai payé de lourdes conséquences de mes actions de 2015 », regrette un jeune père qui a fondé son foyer en exil et rentre avec deux enfants après huit ans.
Pourtant, il y a des Burundais qui n’ont pas encore fait ce choix. Ils craignent toujours pour leur sécurité.
« Même si je resterai seul ici, je ne peux pas rentrer. Les bourreaux qui ont failli m’assassiner me connaissent bien. Si je retourne au pays, ce serait une sorte de trahison à Dieu qui m’a sauvé des mains des services de renseignements qui m’ont torturé au point de mourir! », dit un homme d’une quarantaine d’années originaire de la ville commerciale Bujumbura.
« Comment est-ce que je peux rentrer dans un pays qui a fait disparaître mon mari, l’accusant d’être putschiste ? Je mourrais en terre d’exil ! », se désole une jeune femme dont le mari était un capitaine de l’armée burundaise. Son corps n’a jamais été retrouvé.
Le président du comité exécutif du camp de Mahama, Jean Bosco Kwibishatse est parmi ceux qui n’ont pas encore fait ce choix de rapatriement volontaire. Il recommande une protection totale pour cette catégorie de Burundais.
Pour le HCR et le ministère rwandais en charge des réfugiés, il s’agit d’un rapatriement volontaire débuté en 2020 qui suit son cours normal.
Mais pour les Burundais qui sont toujours dans ce grand camp au Rwanda, le caractère volontaire est presque « dilué ».
« Volontaire ? si on réduit la ration alimentaire par mois et qu’on applique des mesures contraignantes contre nous, c’est-à-dire qu’au lieu de mourir en exil, certains font un mauvais choix de retour au pays. Alors dans ce cas, ce n’est plus volontaire mais plutôt forcé malignement », font savoir certains Burundais.
Le Rwanda lance un message?
La presse locale s’était donnée rendez-vous le soir de ce mardi au camp de Mahama, pour constater les derniers préparatifs de rapatriement de ces réfugiés burundais.
Un informateur de SOS Médias Burundi a compté « au moins 12 journalistes répartis dans quatre véhicules ».
Chose inhabituelle ou inquiétante, d’après un observateur-journaliste avisé.
« Quelque chose se trame ! Ce n’est pas compréhensible car ce n’est pas la première fois que les Burundais rentrent, et puis c’est un petit nombre qui est rapatrié par rapport à plus de trois cents personnes qui rentraient chaque mois l’année passée par exemple mais on n’a pas vu la presse se précipiter. Cela était le cas au moment du lancement officiel du rapatriement en 2020 seulement », analyse-t-il.
Des explications, il en tente quelques-unes.
« Le Burundi a fermé ses frontières avec le Rwanda, ce dernier veut mettre au banc d’essai le Burundi, devant un fait accompli pour voir s’il n’accepte pas de recevoir ses citoyens. Ensuite, le Burundi a récemment déclaré que le Rwanda bloque ceux qui veulent rentrer chez eux. Alors le Rwanda veut prouver le contraire à son voisin du sud. Enfin, dans un contexte où le Burundi blâme le Rwanda, ce dernier veut montrer que les autorités burundaises ont tort », explique un journaliste qui a couvert plusieurs fois les rapatriements des réfugiés au Rwanda.
Le camp de Mahama, situé plus à l’Est du Rwanda, abrite plus de 63,000 réfugiés dont plus de 40.000 Burundais, le reste étant des Congolais.
Le Rwanda compte plus de 50,000 réfugiés burundais d’après les chiffres du HCR au 31 janvier dernier.
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Photo : des responsables burundais en charge du rapatriement donnent le drapeau national à un représentant des rapatriés en guise d’accueil, le 21 février 2024 à Gasenyi-Nemba
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